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Futur plan « autisme » : les associations appellent à agir d’urgence

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Des « structures saturées », des diagnostics encore trop « tardifs », des « familles épuisées, isolées, fatiguées d’attendre »… Dans la vaste salle des fêtes de l’Elysée, c’est un tableau peu flatteur de la prise en charge de l’autisme en France que les associations ont dressé, une fois de plus, jeudi 6 juillet. « L’important, c’est de partir de l’expertise de la famille, il faut associer les familles aux solutions », leur a assuré en retour la secrétaire d’Etat chargée du handicap, Sophie Cluzel. Celle-ci s’est réjouie de compter sur « plus de 50 associations » mobilisées pour « six mois de travaux » en vue du nouveau plan « autisme », attendu pour début 2018. Lors de cette conférence, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, et quatre membres du gouvernement ont présenté la concertation qui s’ouvre (voir ce numéro, p. 5).

Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France, avait déjà exprimé ses doutes la veille, dans un entretien au quotidien Le Monde : « Quel est l’intérêt [d’une concertation], si ce n’est une stratégie dilatoire ? A quoi bon faire un état des lieux, quand tout le monde sait ce qu’il faut changer ? » A l’Elysée, elle a mené une charge contre les départements, déplorant des « parcours cauchemardesques » de demande d’aide : « Il faut des mois pour boucler un dossier » ; or, les décisions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) « ne sont valables qu’un an, la plupart du temps » et « nous n’avons même pas fini un dossier que nous devons déjà préparer le suivant ».

Elle s’est ensuite attaquée à l’aide sociale à l’enfance (ASE), parlant de familles « auxquelles on arrache leurs enfants » autistes pour les placer – un sujet de préoccupation récurrent des associations, dont le défenseur des droits s’était inquiété en 2015(1). « Ce n’est pas acceptable que l’on nie l’autisme de l’enfant, qu’on mette les troubles sur le dos de la mère », a tempêté Danièle Langloys. Selon elle, « dans certains départements, il y a des équipes [de l’ASE] qui sont malfaisantes », « même si ce n’est pas la généralité ». Relayant « la détresse et l’épuisement des familles », elle a plaidé pour créer des aides en leur faveur, comme un « droit opposable » à « l’équivalent du baluchonnage » (un professionnel séjourne au domicile pour assurer un répit à la famille) ou à la guidance parentale à domicile.

Juste avant l’intervention de Danièle Langloys, Frédéric Bierry, président de la commission « solidarité et affaires sociales » de l’Assemblée des départements de France (ADF), avait pourtant délivré un message d’apaisement, prônant les « partenariats » entre les collectivités et les familles. Il a reconnu qu’il faudrait rendre les MDPH « plus humaines, plus simples, plus efficaces ». Dans le cadre du nouveau plan, les départements pourraient agir « à tous les âges de la vie » : en mobilisant « plus fortement » la protection maternelle et infantile (PMI) en lien avec l’école, en améliorant l’accessibilité des collèges, en soutenant l’habitat inclusif et l’emploi adapté, en travaillant sur le vieillissement des personnes autistes. Il faudra « partir des réalisations des territoires », identifier les innovations et les généraliser, a-t-il ajouté.

Retards accumulés

Christine Meignien, présidente de la fédération française Sésame autisme, a pris la parole pour remercier l’exécutif d’avoir « compris qu’il fallait ouvrir les travaux d’un quatrième plan avant la fin du troisième » (2013-2017). Elle a invité à « en garder le dynamisme et surtout à en corriger les erreurs », et à mettre fin au « drame que constitue le retard accumulé, en particulier pour les adultes »(2). « Des dizaines de milliers d’adolescents et d’adultes n’ont pas de réponse adaptée à leurs besoins, voire pas de réponse du tout. Partout, dans chaque région, remontent des signalements de situations critiques », a-t-elle averti. Pour la responsable associative, la concertation doit « mettre en place non pas un énième plan “autisme” mais une réponse pérenne, adaptée pour tous ». « Nous ne voulons plus que la France continue d’exiler ses compatriotes », a-t-elle insisté, en référence aux prises en charge en Belgique.

M’Hammed Sajidi, le président de Vaincre l’autisme, a dépeint une « absence d’Etat de droit pour les personnes autistes » et une « discrimination indirecte non voulue, mais étatique, institutionnelle ». Alors que le budget du futur plan n’est pas encore connu, il a réclamé « 2 milliards d’euros », dont « 500 millions orientés vers la recherche », et 3 millions par an pour créer un Haut Commissariat à l’autisme (pour mémoire, le troisième plan prévoyait un effort supplémentaire de 205 millions d’euros par an).

« Jouer la même partition »

Estelle Malherbe, présidente d’Autistes sans frontières, a opté pour un ton plus optimiste, citant l’exemple d’un enfant de 5 ans qui a pu bénéficier d’un diagnostic précoce. Scolarisé à l’école ordinaire, il est aidé par une auxiliaire de vie scolaire (AVS) et sa famille bénéficie d’une guidance parentale. Pour elle, il faut encourager ce type d’accompagnement, mais aussi créer plus de « passerelles » entre le médico-social et le monde du travail, mieux contrôler les services financés par les deniers publics, certifier les structures d’aide à la personne « pour s’assurer de leur compétence et leur expertise »…

Seules les associations spécialisées dans l’autisme ont pu prendre le micro à l’Elysée, mais bien d’autres étaient invitées. « Tout ce qui est fait là va être bénéfique pour l’ensemble des personnes en situation de handicap », a assuré Luc Gateau, président de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), en marge de la conférence. Il s’est montré satisfait de la forme prise par la concertation : « Cela va permettre de mettre tous les acteurs sur une grande partition, qu’ils pourront jouer en même temps. » Il a salué le fait que le troisième plan ait été évalué « en toute transparence ». Pour autant, « il faudra voir quels seront les moyens réels mis en place »… Or « il y a urgence, les listes d’attente s’allongent », a-t-il prévenu. « On entend souvent dire que, dans le handicap, il ne faut plus raisonner en nombre de places » ; mais « la France a un tel retard » qu’il faudra continuer à en créer, a-t-il assuré.

Notes

(1) Voir ASH n° 2934 du 20-11-15, p. 5.

(2) L’inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport d’évaluation du plan 2013-2017, note que sur les 1 500 places adultes annoncées, seulement 505 étaient autorisées et 267 installées fin février. Quant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), elle souligne dans un dossier de presse du 5 juillet que l’autisme, avec 3 147 places prévues sur 2017-2021 pour enfants et adultes, « reste la priorité de la programmation » médico-sociale dans le champ du handicap.

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