« L’enjeu relatif à la réinsertion sociale des personnes sorties de détention ou placées sous main de justice émerge au carrefour de deux mondes, l’action sociale et la justice », écrit Sylvain Mathieu, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement, en préambule d’un rapport sur l’organisation de la sortie de détention(1), piloté par la délégation (DIHAL) et réalisé par le Cerema (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Ces dernières années, plusieurs dispositions législatives ou réglementaires ont progressivement cherché à lever les freins rencontrés par les sortants de prison dans leur parcours de réinsertion. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ont notamment « réaffirmé la nécessaire coordination des acteurs comme l’une des conditions d’accès aux droits et dispositifs de droit commun des personnes condamnées », rappelle Sylvain Mathieu.
En mai 2016, une circulaire interministérielle a précisé les relations entre les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) en matière de relogement et d’hébergement des personnes sorties de détention ou qui bénéficient d’une mesure de placement extérieur. L’étude du Cerema, finalisée en mai dernier, a été menée « en accompagnement de l’écriture de ce nouveau texte », précisent les auteurs. Elle a permis d’« étayer la réflexion partenariale » et a conduit à la « formulation d’un ensemble de propositions partagées, qui visent à proposer des pistes d’action pour améliorer les conditions d’accès au logement et d’hébergement des personnes sortant de prison ou placées sous main de justice ».
Dans ce cadre, des entretiens exploratoires ont été menés auprès de la direction de l’administration pénitentiaire, de la direction générale de la cohésion sociale, du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicaliation, de SPIP, de la Fédération des acteurs de la solidarité et de la fédération des associations socio-judiciaires Citoyens et justice. Puis ont été répertoriées, avec l’appui des membres du comité de pilotage(2), « un panel d’expériences visant à améliorer l’accès au logement et à l’hébergement de ce public », soit plus de cinquante initiatives. Parmi elles, cinq démarches qui visent à améliorer l’accès au logement des sortants de prison ont fait l’objet d’une enquête approfondie et de fiches monographiques présentées dans le rapport. Sont ainsi détaillés le dispositif d’accompagnement de personnes précaires atteintes de maladies lourdes à la sortie de détention porté par l’association La Case à Bordeaux, l’action de l’unité de préparation à la sortie de la maison d’arrêt du Puy-en-Velay (Haute-Loire) qui associe l’administration pénitentiaire, le SIAO et une agence immobilière à vocation sociale, l’accompagnement vers et dans le logement des sortants de détention mené par l’association Œuvre des prisons, dans les Bouches-du-Rhône, la mise en place d’une mission pour le logement des sortants de prison en Ille-et-Vilaine par l’association rennaise Alfadi (Association logements et familles en difficulté) et le protocole signé dans le Val-d’Oise entre le SIAO et le SPIP.
Le premier volet de propositions issues de cette enquête vise à améliorer le repérage et l’évaluation des besoins en logement ou hébergement des personnes en détention. Cette évaluation doit être faite « le plus en amont possible, notamment pour les courtes peines, et doit pouvoir être réévaluée au cours de la détention », préconise l’étude, selon laquelle des outils communs entre les SPIP et les acteurs de droit commun doivent être mis en œuvre. Elle propose notamment de former les agents des SPIP aux modalités d’évaluation dont les SIAO ont besoin et de favoriser la mise en place d’une permanence « hébergement-logement » – SIAO, associations, conseils départementaux, centre communaux d’action sociale (CCAS), etc. – au sein de chaque établissement. Les SPIP devraient être associés aux instances, plans et documents d’évaluation locaux ayant pour objectif d’identifier les besoins en hébergement et en logement des personnes en situation de précarité, ajoutent les auteurs.
Autre sujet de réflexion : la préparation à la sortie et l’accompagnement. L’étude insiste sur la nécessité de « sensibiliser les personnes [concernées], les SPIP et leurs partenaires sur la possibilité pour une personne détenue de bénéficier d’une domiciliation de droit commun ». Elle encourage aussi à « assurer un accompagnement global et individualisé » de la personne en prison et à favoriser la tenue de permanences d’acteurs institutionnels et associatifs dans les établissements. Les auteurs recommandent plus largement d’« informer les acteurs extérieurs à l’administration pénitentiaire des grandes orientations de la politique pénale », notamment sur le développement des sorties de détention anticipées. L’ensemble des propositions vise à renforcer les dynamiques partenariales et territoriales pour fluidifier les parcours des personnes sortant de prison et sous main de justice, notamment par le biais de conventions. L’objectif est globalement de « développer une culture partagée » au bénéfice de la réinsertion sociale des détenus et des publics sous main de justice, insiste le délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement.
(1) « Organiser la sortie de détention, de la prison vers le logement » – Mai 2017 – Réalisé par Nicolas Cazenave et Ghislaine Muñoz – Disponible sur
(2) Parmi lesquels figurent les administrations concernées, mais aussi le Conseil national des personnes accueillies et accompagnées, Citoyens et justice, la Fédération des acteurs de la solidarité, la Croix-Rouge française et l’Union sociale pour l’habitat.