Surdité à apprivoiser

Grégory et Nadège devraient être comblés par la naissance de leurs jumeaux, Charles et Tristan. Mais le premier est atteint d’une maladie génétique qui atteint son foie tandis que le second est sourd profond. Commence alors pour les parents un parcours du combattant, de bilans auditifs pour l’un en contrôles de galactosémie pour l’autre. Dans cette bande dessinée, Tombé dans l’oreille d’un sourd, Grégory Mahieux partage son expérience, et notamment les ennuis qui s’accumulent : « On n’imagine pas l’impact du handicap sur les aspects de la vie. Celui de nos enfants a eu un effet en forme d’arme de destruction massive sur nos vies professionnelle et sociale. » Son employeur – l’Education nationale – lui refuse des aménagements d’emploi du temps. Après un arrêt maladie pour burn-out, Grégory s’entend même dire par le principal de son établissement que le handicap de ses enfants est trop compliqué à gérer pour lui !

Les autres problèmes auxquels le couple est confronté au fil des ans sont d’ordre éthique : faut-il faire entrer Tristan au centre Beethoven, dédié à l’accueil d’enfants sourds, ou le laisser suivre sa scolarité dans la même école que son frère ? Un milieu ordinaire où le garçon peut être accueilli, mais sans auxiliaire de vie scolaire…

Pendant des années aussi, le petit Tristan va refuser de porter des prothèses. Orthophoniste, psychologue, psychomotriciennes et ORL insistent pourtant auprès des parents, mais son rejet est tel que ceux-ci se questionnent. « Pour tous les professionnels, la même évidence s’imposait : forcer, écrit Grégory Mahieux dans les cases illustrées par Audrey Levitre. C’était à nous de concrétiser la prescription, à nous de faire souffrir notre fils. Et pour quel bénéfice ? Tout juste gagnait-il, avec ses appareils, quelques décibels qui ne lui permettraient même pas de mieux communiquer ou mieux saisir son environnement. » Il y décrit toutes les étapes par lesquelles la famille va passer pour apprivoiser la surdité. En effet, Grégory et sa femme vont prendre leurs distances avec une prise en charge qu’ils jugent déshumanisée pour s’emparer de leurs propres outils. Une chance que Grégory Mahieux soit dessinateur de BD ! En plus de l’apprentissage de la langue des signes, il se servira longtemps d’imagiers colorés pour enrichir le vocabulaire de Tristan… Jusqu’au jour où les médecins annoncent aux parents que l’enfant est « implantable », c’est-à-dire qu’il pourra bénéficier d’un implant cochléaire. Est-ce la bonne décision ? A 5 ans, Tristan subira-t-il cette intervention ? Pourra-t-il jamais entendre jouer sa mère, professeure de musique ? Nous vous laissons le découvrir au fil des 200 pages de Tombé dans l’oreille d’un sourd.