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Plusieurs mobilisations dénoncent des dispositifs en souffrance

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C’est au moment des Assises nationales de la protection de l’enfance (voir ci-contre) qu’ils ont rejoint Paris au terme d’une marche de huit jours qui a convergé vers une manifestation nationale. Le 4 juillet, un collectif d’une dizaine de travailleurs sociaux, parti le 27 juin d’Angers et ponctuellement rejoint par d’autres pendant leur parcours, a voulu porter publiquement la parole d’un secteur en souffrance. La réorganisation des places d’accueil par appels à projets, en Maine-et-Loire, qui sonne le glas de pas moins de cinq associations historiques sur le territoire, est venue cristalliser la crise traversée dans plusieurs départements.

« Créer un collectif national »

Au total, environ 850 personnes se sont mobilisées à Paris, selon Christian Lemaire, secrétaire départemental de SUD Santé-sociaux en Maine-et-Loire, organisation qui a soutenu le cortège des « marcheurs ». Arrivés au palais des congrès, ces derniers ont dû forcer le passage, non sans heurts avec les forces de l’ordre, pour réussir à lire une déclaration devant les participants aux assises. Dans la foulée, une assemblée générale a débouché sur la décision d’appeler à une mobilisation nationale le 21 septembre, « dans l’idée de créer un collectif national de travailleurs sociaux », précise Christian Lemaire, selon qui les instigateurs de la marche « ont vécu une belle aventure collective » et sont déterminés à poursuivre les actions « pour défendre le sens des missions » de la protection de l’enfance.

Les personnels mobilisés ont lancé « un mouvement faisant écho aux situations que nous rencontrons dans la prévention spécialisée, l’action éducative en milieu ouvert, la protection judiciaire de la jeunesse, la psychiatrie, l’accueil (voire l’abandon) des mineurs isolés étrangers et plus globalement l’action sociale publique en France », ont fait valoir dans un communiqué commun plusieurs syndicats et collectifs ayant appelé à manifester, évoquant des « mobilisations en cours à Angers, Marseille, Rennes, en Seine-Saint-Denis, dans le Nord, la Meurthe-et-Moselle ou les Hauts-de-Seine ». La protection de l’enfance sacrifiée sur l’autel des économies budgétaires ? Si, à l’échelle nationale, les dépenses départementales continuent de croître dans le domaine de l’aide sociale à l’enfance (ASE), partout remonte du terrain l’expression d’un désarroi face à l’insuffisance de moyens adaptés.

A la fin mai, dans les Bouches-du-Rhône, la majorité des professionnels du secteur ont suivi deux journées de grève, à l’appel de la CGT et de la FSU, pour dénoncer l’implosion du dispositif : « Augmentation des placements et manque de personnels, situations d’enfants en attente de prise en charge, ordonnances de placement non appliquées, droits d’alerte déposés dans plusieurs maisons de la solidarité, manque criant de places… » Si le département argue d’un effort continu pour ce secteur, en particulier pour compenser le désengagement financier de l’Etat, c’est après cette vaste mobilisation, accompagnée d’un dépôt de plainte pour « violences volontaires » sur mineurs, que les personnels ont obtenu des engagements. Ceux-ci ont été confirmés par la présidente du département, Martine Vassal (Les Républicains), dans une lettre aux syndicats : la création de dix postes pour la mission « enfance », l’ouverture de deux nouveaux centres d’accueil, la possibilité d’accueillir des enfants en institut médico-éducatif pendant les week-ends et les vacances scolaires, le lancement d’une campagne de communication pour recruter des assistants familiaux. C’est dire l’ampleur des besoins actuellement non couverts. « Il faut que la dynamique impulsée par la grève puisse continuer, commente Claudine Amoros, secrétaire de la FSU au conseil départemental. Nous continuerons à être attentifs : le département a répondu à l’urgence, il doit maintenant anticiper les besoins. Et une rencontre est prévue le 12 juillet pour faire le point sur la concrétisation des engagements. »

Fermeture de deux foyers

Par voie de pétition, un collectif de travailleurs sociaux du foyer d’accueil d’urgence départemental des Hauts-de-Seine – la Cité de l’enfance au Plessis-Robinson – a, dès la fin du mois de mai, alerté les pouvoirs publics, dont le conseil départemental, présidé par Patrick Devedjian (LR). Le texte, intitulé « Protection de l’enfance, la honte de la République », a recueilli plus de 2 000 signatures en un mois. « Les conditions d’accueil des enfants et nos conditions de travail ne nous permettent pas d’assurer notre mission de protection de l’enfance », ont interpellé les auteurs de la pétition. « Nous accueillons de plus en plus d’enfants avec des troubles psychiatriques, faute d’orientation adaptée avec soins », expliquent-ils, signalant l’absence de permanence psychiatrique, l’inadaptation des locaux, des violences entre mineurs et la coexistence entre petits et adolescents. « La durée moyenne d’accueil devrait être comprise entre 4 et 6 mois, expliquent-ils encore. Or le manque de structures rend cette orientation impossible. L’accueil d’un enfant s’étend désormais jusqu’à un an, voire un an et demi. Et l’orientation se fait souvent par défaut, dans un lieu pas souvent adapté. »

Pour expliquer en partie la situation, les porte-parole du collectif évoquent la fermeture de deux foyers d’accueil pour adolescents au 31 décembre 2016. « Au moment de cette fermeture, nous avons renforcé chacun des quatre pavillons du foyer d’accueil d’urgence avec un professionnel supplémentaire. En somme, il y a deux adultes pour un enfant accueilli », répond Rita Demblon-Pollet, conseillère départementale déléguée à la famille. Les services du département sont à la recherche d’un pédopsychiatre « pour compléter la prise en charge socio-éducative assurée par les équipes », précise-t-elle. Pour compenser la fermeture des deux foyers, « qui ne remplissaient plus leurs missions du fait d’un public très hétérogène cumulant les difficultés multiples à la charnière des prises en charge sociale, éducative, judiciaire, médico-sociale, sanitaire et migratoires », le département finance depuis le mois de juin 24 places gérées par la fondation Apprentis d’Auteuil. Ce qui ne résout pas, selon l’une des membres du collectif, les difficultés posées par l’accueil des moins de 13 ans nécessitant une réponse sanitaire.

Postes vacants

Dans une motion de soutien aux salariés de la Cité de l’enfance, la CGT, qui avait déposé un préavis de grève du 26 au 30 juin pour l’ensemble du personnel du conseil départemental, fait de son côté état de plusieurs autres fermetures de centres d’accueil publics depuis quelques années. Les services du département arguent de fonctionnements insatisfaisants ou ne répondant plus aux besoins, ou bien d’un transfert d’activité. « Ces fermetures et ce transfert ont donné lieu à un réajustement des effectifs et à une réaffectation des agents qui relèvent de la fonction publique hospitalière », soulignent-ils.

Tandis qu’avec la maire de Paris, Anne Hidalgo, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel (Parti socialiste), a adressé le 29 juin une lettre ouverte à plusieurs ministres pour les alerter de la saturation du dispositif d’accueil des mineurs isolés, les agents du « pôle solidarité » de la Seine-Saint-Denis ont manifesté d’autres inquiétudes, le 15 juin, par un mouvement de grève. Parmi les motifs de leur colère : le projet de réorganisation du « pôle solidarité » en maisons de solidarité, alors que les services sont confrontés à un manque de moyens. Ce qui leur fait craindre un nivellement par le bas du service aux usagers, dans un objectif de rationalisation budgétaire. « Nous ne serions pas opposés à ce projet, sauf que les collègues sont déjà à bout, n’ont plus le sentiment de remplir leurs missions, explique Khaled Benlafkih, éducateur spécialisé et permanent à la FSU territoriale du département. A l’aide sociale à l’enfance, 40 postes sont inoccupés, et le constat est du même ordre pour le service social ou la PMI [protection maternelle et infantile]. »

A la suite de la mobilisation – suivie par 300 à 400 personnes selon le représentant syndical –, une délégation a été reçue par le directeur de cabinet du président du conseil départemental. Des rencontres sont prévues à la rentrée, sur la question des postes vacants et des procédures de recrutement d’une part, sur la réorganisation du « pôle solidarité », d’autre part. « Le “pôle personnel et relations sociales” a été mandaté pour préparer les échanges plus techniques sur la réalité des équipes », précise Khaled Benlafkih. Concernant la création des maisons de la solidarité, la décision est « prise, mais le détail de l’organisation [n’est] pas arrêté. Pour le directeur de cabinet, la discussion reste ouverte », rapporte un compte rendu intersyndical (FSU, CGT, SUD, Syndicat national des médecins de PMI). Pour l’ASE, relate encore le document, « la demande d’augmentation des moyens d’accueil général des mineurs n’a reçu de réponse que sur le volet des mineurs non accompagnés ».

Epuisement des salariés

A Saint-Etienne (Loire), la situation est si explosive que le 6 juin, une trentaine de personnels de l’ASE ont exercé leur droit de retrait. En cause, expliquent les représentants du personnel au CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) dans une lettre à l’attention des « partenaires » de la protection de l’enfance : une situation qui « ne répond plus à l’intérêt supérieur de l’enfant ». En l’état, « l’institution devient maltraitante », prévient le document, qui fait état d’un épuisement des salariés en sous-effectifs.

« La finalité du travail est le retour des enfants dans leur milieu familial et le maintien des liens ente les enfants et leur famille. Dans le contexte actuel, cet objectif ne peut plus être tenu. L’accompagnement et la réflexion de fond ne sont plus assurés, [ce] par manque de moyens humains », détaille le texte. La recherche d’« une masse salariale à coût constant,critique Florent Pachet, secrétaire de SUD Collectivités territoriales 42, entraîne le non-remplacement de départs et des arrêts maladies, multipliés par des situations de “burn-out”, qui touchent également les cadres intermédiaires. Avec des ruptures de continuité dans l’accompagnement des jeunes. Une enquête du CHSCT a été diligentée, à la suite de laquelle un comité de suivi devrait être mis en place dès le mois de septembre par la direction générale des services. Selon les syndicats (SUD, CGT et UNSA), « la collectivité a autorisé une augmentation de l’enveloppe budgétaire conséquente (part variable) de 500 000 € pour permettre d’assurer les remplacements des agents absents de leur poste quel qu’en soit le motif » et « les remplacements les plus urgents sont effectifs ou en cours ». Le département et l’intersyndicale devraient également se pencher sur les besoins de créations de postes. Encore une fois, il aura fallu atteindre un point de rupture pour obtenir des avancées.

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