Dans une décision rendue le 26 juin, le juge des référés du tribunal administratif de Lille (Nord) rejette la demande de plusieurs associations d’aide aux migrants de créer un nouveau centre d’accueil d’urgence dans le Calaisis. Il ordonne en revanche une série de mesures « pour éviter que les personnes concernées soient exposées à des risques de traitements inhumains et dégradants ».
Le renforcement des maraudes à destination des mineurs isolés, la création de plusieurs points d’eau et de sanitaires, l’accès aux douches, l’obligation de laisser les associations distribuer des repas (conformément à son ordonnance du 22 mars dernier)(1), l’organisation de départs vers les centres d’accueil et d’orientation (CAO) font partie des mesures prescrites, à mettre en place sous dix jours, sous astreinte de 100 € par jour de retard.
Pour ce qui est des mineurs non accompagnés, le tribunal considère « qu’un dispositif de mise à l’abri […] existe, qu’il n’est pas saturé, et qu’il est accessible aux mineurs présents sur le territoire de la commune de Calais, comme à tous ceux qui sont présents dans le département du Pas-de-Calais ». Cependant, « il apparaît indispensable », poursuit le juge, « afin d’éviter que des mineurs non accompagnés, soit par défaut d’information, soit par peur, soit parce qu’ils ne renoncent pas à leur projet initial de se rendre en Grande-Bretagne, ne restent seuls, dans des conditions d’hygiène, d’isolement et d’insécurité extrêmes, sans protection aucune, à la merci des réseaux de passeurs ou de traite humaine, que les maraudes soient renforcées, intensifiées, et qu’un véritable recensement de ces mineurs soit effectué ». Il enjoint donc au préfet du Pas-de-Calais, en lien avec le département et avec France terre d’asile et, le cas échéant, avec les associations requérantes, de « mettre en place un dispositif adapté de maraude quotidienne à Calais, à destination des mineurs non accompagnés ».
A propos de l’accès à l’alimentation, à l’eau et à l’hygiène – qui a cristallisé les tensions, ces dernières semaines, sur le terrain et, le 21 juin, à l’audience –, les requérants demandaient, « à titre principal, la création d’un centre d’accueil des migrants sur le territoire de la commune de Calais, qui prendrait en charge l’intégralité des besoins des personnes concernées, dont l’alimentation et l’hygiène » et la commune de Calais et la préfecture du Pas-de-Calais, qui s’y opposaient, craignant qu’une telle infrastructure ne conduise « à la constitution d’un campement similaire à celui qui a été démantelé en octobre 2016 ».
S’il reconnaît que la présence ou non d’une telle prise en charge « ne semble pas avoir d’effet déterminant » sur la « sédentarisation » des migrants à Calais – qui tient plus à la proximité géographique de la Grande-Bretagne et aux difficultés de « gestion des flux de personnes » –, le juge estime cependant que « l’injonction sollicitée par les requérants, en vue de la création d’un centre d’accueil d’urgence sur le territoire de la commune de Calais conçu comme un lieu de répit n’apparaît ni indispensable, ni souhaitable ». Il ne juge pas non plus nécessaire l’ouverture de centres de distribution alimentaire, mais souligne qu’il n’est pas question de s’opposer aux distributions de repas par les associations, en évoquant les entraves dénoncées par les associations et corroborées par le défenseur des droits début juin(2). En revanche, il y a lieu « d’ordonner au préfet du Pas-de-Calais et à la commune de Calais de créer, dans des lieux suffisamment éloignés du centre-ville pour ne pas gêner ses habitants mais facilement accessibles aux migrants, plusieurs points d’eau leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines ». Sans oublier « un dispositif d’accès à des douches, dans le cadre [de la] PASS [permanence d’accès aux soins de santé] ou du SIAO [service intégré de l’accueil et de l’orientation] ou de tout autre dispositif fixe ou mobile qui serait jugé le plus adéquat ».
Dernière mesure : organiser des départs de Calais « vers les centres d’accueil et d’orientation (CAO) ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles ».
Si les associations prennent le temps d’analyser la très longue décision du tribunal administratif avant de réagir, cette ordonnance a été rapidement rejetée par la maire de Calais, Natacha Bouchart (LR). « Les exigences formulées demeurent inacceptables pour moi », déclare-t-elle sur sa page Facebook, en refusant « la création, à Calais et dans le Calaisis, de tout nouveau point de fixation ». Ainsi, « considérant que les réponses humanitaires peuvent être apportées en dehors du Calaisis, les élus de la majorité ont unanimement décidé de ne pas mettre en œuvre les mesures imposées sur le plan local par le tribunal administratif de Lille et, par conséquent, de faire appel de cette décision », annonce l’élue.
Le préfet du Pas-de-Calais relève, pour sa part, « avec satisfaction que le juge a considéré qu’il n’y avait pas lieu de créer à Calais de dispositif dérogatoire d’hébergement d’urgence inconditionnel pour les migrants », d’ouvrir de centres de distribution alimentaire ou de réinstaller un guichet unique de demande d’asile. Il précise cependant, dans un communiqué, que « l’Etat se réserve le temps de l’analyse » sur les autres points, « qui méritent d’en examiner le bien-fondé ».
Quant au défenseur des droits, dont les différentes prises de position en la matière sont largement citées par l’ordonnance, il « demande aux pouvoirs publics la mise en œuvre immédiate des mesures exigées par le juge », sur laquelle il restera « vigilant ». Ces mesures sont très proches des demandes qu’il avait notamment formulées dans une nouvelle série de recommandations rendues publiques à l’issue de l’audience au tribunal administratif de Lille (décision n° 2017-206 du 21 juin 2017)(3).
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