Les divers diplômes du travail social se sont structurés au fil du temps sans qu’une logique explicite ait présidé à leur mise en place. Fruits pour certains d’une histoire ancienne ou produits de la grande période de modernisation et de technicisation de l’aide sociale dans les années 1960, ou encore liés à une logique de stratification par division et hiérarchisation du travail, les diplômes sociaux ne présentent guère d’unité professionnelle ni d’homogénéité conceptuelle. A l’instar du secteur tout entier, construit par la loi de 1975 plus du fait de la réunion de segments organisationnels soustraits à d’autres secteurs d’action publique (sanitaire, éducatif, justice) qu’à partir d’une cohérence globale, les professions du social se présentent comme un assemblage de corporations distinctes et qui se conçoivent encore largement comme telles.
Certes, des tentatives d’intégration de cet ensemble dans un tout cohérent n’ont pas manqué, depuis l’apparition de la notion même de « travail social » jusqu’à la création des IRTS, appelés originellement à constituer l’outil d’une vision unifiée des formations par le biais de troncs communs. Dans le même sens, l’apparition d’un encadrement pensé comme « sectoriel » (cadres managers, ingénieurs sociaux) a esquissé des logiques transcendant les anciennes professions. Mais, là comme ailleurs, le sentier originaire a pesé et, bien que réformée et adaptée au fil des évolutions du secteur, la formation est restée essentiellement découpée en spécialités professionnelles distinctes.
Dans le sillage du plan d’action en faveur du travail social et du développement social, la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale a débouché en septembre dernier sur la production d’un « schéma directeur des formations sociales » qui propose, d’une part, une réorganisation en trois filières distinctes (éducative, sociale et famille-petite enfance) et qui promeut, d’autre part, les diplômes d’Etat (AS, ES, CESF) au niveau II alors qu’ils étaient antérieurement situés au niveau III. Sur cette base, les travaux ont repris pour repenser les qualifications de niveau III qui, cela semble certain, vont se situer au niveau du grade de licence.
Ce qui apparaît comme acquis, à la différence des périodes antérieures, c’est qu’une réforme des formations est inévitable, tout au moins pour la raison que l’ensemble de l’environnement des formations supérieures se réorganise, notamment autour du modèle LMD (licence-master-doctorat). L’avenir des établissements de formation passe sans aucun doute par leur capacité à se penser dans l’ensemble des cursus de la formation professionnelle. D’autres facteurs jouent évidemment et devraient peser prioritairement, si l’on s’attache à promouvoir une certaine rationalité de préférence à des positionnements corporatistes : l’action sociale connaît une mutation d’ampleur, de même nature que celle qui a fait passer de la vieille assistance à une aide et une action sociales technicisées et professionnalisées, et il serait étonnant que des systèmes de formation constitués dans l’ancien modèle puissent perdurer alors que les activités se transforment et que les organisations se recomposent.
Pour s’en tenir aux enjeux centraux, les formations du social doivent se concevoir selon deux axes : les évolutions du secteur et des organisations qui y œuvrent, cela pour déterminer les divers profils adaptés, depuis les niveaux d’encadrement jusqu’aux niveaux dédiés à de prétendues tâches d’exécution qui elles-mêmes se complexifient ; les mutations du champ de la formation, notamment universitaire, où les structures et les contenus sont en mutation et où s’affirme un nouveau jeu de concurrence/coopération et de hiérarchisation entre établissements. Quels diplômes au terme de quels cursus, et quelle place pour les centres de formation dans le système global ? Tels sont, en fait, les questions à se poser.
Restent, bien sûr, plusieurs interrogations sur le devenir des anciens métiers, le socle commun à tous, des niveaux de qualification avec leurs impacts financiers et organisationnels, la place des formations au management, l’avenir du Caferuis… tout cela est incontournable. Mais à aborder ces problèmes directement, on risque l’enlisement. Il convient plutôt de monter en généralité et de partir du point de vue le plus élevé, si l’on veut que les intérêts singuliers tendent un tant soit peu vers un certain « universel ».