Ce qu’ils font est juste s’ouvre sur une série de dessins d’Enki Bilal et s’achève sur un fervent plaidoyer de la journaliste Béatrice Vallaeys en faveur de la suppression du désormais fameux article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Un article qui punit « toute personne […] ayant facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 € »… Au total, 25 écrivains ont livré des récits, fictions ou poèmes pour dénoncer le danger grandissant de la chasse à ces « désobéissants ». Un décret-loi, signé en 1938 par un certain Edouard Daladier, a en effet érigé en vulgaires délinquants tous ceux qui s’aviseraient de donner un coup de main à des migrants chassés de leur terre natale par la misère ou la guerre. Pour percer la méfiance ambiante et le repliement sur soi, ces histoires racontent, à l’instar de celle d’Alain Schifres, la détresse de ces « zombies » prêts à tout pour atteindre la « terre promise » de l’autre côté de la Manche, et décrivent la fuite interminable de ces hommes, femmes et enfants ne faisant que marcher « au risque de disparaître comme l’eau dans le sable » (Anne Vallaeys). Si, comme le reconnaît Carole Martinez dans un petit récit intitulé Au bord de la route, il est aujourd’hui « compliqué d’être à la hauteur de tant de misère », ce n’est pas une raison pour succomber à la peur et au rejet de l’étranger, pour balayer d’un coup les principes qui s’affichent aux frontons de nos écoles ou de nos mairies. Il faut, expliquent les écrivains, retrouver le goût de l’autre, de la richesse des différences, retrouver cette curiosité qui donne envie de bâtir des passerelles plutôt que d’ériger des murs. Une attitude salutaire, à une époque où la justice n’hésite pas à condamner un jeune agriculteur de la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes) pour avoir donné un coup de main à des migrants. « Une démarche politique tout à fait respectable », reconnaissait alors le magistrat, avant d’ajouter toutefois que, « en l’état actuel du droit, faire ainsi fi des frontières, c’est contraire à la loi ». Un « délit d’humanité », en somme.
Ce qu’ils font est juste
Collectif sous la direction de Béatrice Vallaeys – Ed. Don Quichotte – 18 €