Papas d’enfants hors norme

Gabin a 2 ans et demi et ne parle pas. « Peut-être n’a-t-il rien à dire », suggère sa pédiatre. A 18 mois, Olivier, quant à lui, ne réagit pas aux sons, a du mal à fixer son regard, repousse les câlins. Les deux petits garçons sont autistes. L’un est le héros du livre Gabin sans limites, l’autre celui de la bande dessinée Les petites victoires. Deux histoires inspirées du quotidien de leurs auteurs, des pères artistes. Le premier, Laurent Savard, est comédien – il a d’ailleurs créé un spectacle autour des péripéties traversées aux côtés de Gabin(1) – ; le second, Yvon Roy, est un auteur et illustrateur canadien. Ils nous proposent chacun une œuvre tendre, lumineuse, dédramatisante pour parler de leurs fils et surtout de leur parcours de papas d’enfants « différents », qui ont fait le deuil de l’enfant « rêvé » pour construire une relation avec l’enfant réel et « hors norme ». Un enfant handicapé a besoin d’être reconnu et accepté pour bien se développer. Laurent Savard accepte si bien Gabin qu’il a, le jour de son entrée à l’école, une drôle d’impression : « non que Gabin soit différent, mais que les autres enfants le sont terriblement »… Il est le seul à porter une couche, le seul à ne pas savoir jouer avec de la pâte à modeler (il la mange), le seul à ne pas parler. Mais pour le comédien, dont Gabin est le fils unique, « c’est bizarre, un enfant qui parle » ! Laurent Savard raconte les difficultés que sa femme et lui rencontrent pour trouver des professionnels sur lesquels s’appuyer. Ils se confrontent fréquemment à son institutrice, qui verrait bien Gabin à l’hôpital plutôt qu’à l’école. « Même avec les enfants de sans-papiers, c’est plus simple », s’emporte-t-elle. « Moi vivant, jamais Gabin n’ira dans un centre », jure Laurent Savard, qui surnomme son fils « ma petite énigme ».

Yvon Roy, quant à lui, illustre le combat qu’il – ou plutôt que Marc, son double de papier – a mené pendant de longues années pour que le petit Olivier puisse « vivre une vie normale ». Quand son enfant est diagnostiqué, il refuse qu’on le traite comme un meuble Ikea dont il manque des pièces. Aussi, sans s’opposer totalement aux prises en charge médico-sociales, il va aller à l’encontre de ce que lui conseillent assistantes de service social et psychologues et décide de son propre « plan d’intervention ». « Fiston, toi et moi on va explorer », annonce-t-il. Cette « exploration » revient à expérimenter de nouvelles méthodes, les siennes, pour faire tomber une à une – avec détermination et obstination – les peurs d’Olivier. Il faudra du temps et de la patience pour que Marc parvienne peu à peu, par le jeu, le sport, le chant et le rire, à instaurer un dialogue avec son fils, à espacer ses crises de colère, à le voir jouer avec d’autres enfants. Autant de petites victoires face à une défaite annoncée.