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Des pistes d’actions pour accompagner le départ à la retraite des travailleurs d’ESAT

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L’ARS Pays de la Loire a missionné le CREAI afin d’engager une démarche régionale de recueil des pratiques d’accompagnement au départ à la retraite des travailleurs en situation de handicap en ESAT.

En regard du vieillissement des travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ESAT) se pose la question de l’accompagnement de ce public au moment du départ à la retraite(1). Pour recueillir les pratiques régionales existantes, l’agence régionale de santé (ARS) Pays-de-la-Loire a missionné le Centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI).

« L’adaptation de l’accompagnement et la préparation à la cessation d’activité [en] ESAT nécessitent une approche globale de la situation de l’usager », préviennent les auteurs de cette étude, finalisée en décembre et dont le rapport vient d’être rendu public(2). La retraite soulève des questions à différents niveaux : l’accès aux droits (changement des ressources de l’usager, changement de statut…), les effets sur l’habitat, sur le cadre de vie et sur la mobilité, mais aussi ceux à venir dans la vie sociale, les activités, les loisirs, les liens sociaux et, enfin, les besoins sur le plan de l’accès à la santé et aux soins.

Manque de visibilité

Sur les 81 ESAT des Pays de la Loire, 50 ont participé à l’enquête. Ces établissements accueillent 3 726 travailleurs handicapés, dont 374 ont plus de 54 ans. Ainsi, 10 % sont concernés ou vont être concernés à court terme par un départ à la retraite. Des rencontres collectives ont été organisées à l’échelon départemental : certaines ont associé des professionnels d’ESAT et leurs partenaires (institutions, associations, mutuelles, structures médico-sociales, caisses de retraite…), d’autres ont réuni des travailleurs handicapés. Au total, 51 personnes issues de 39 ESAT ont exprimé leur vision de leur départ à la retraite. Leurs profils sont très hétérogènes, « sur leur rapport au travail, leur situation familiale, leur lieu d’habitation », signalent les auteurs. Ces travailleurs ont en moyenne 57 ans et 57 % sont des hommes. La majorité (65 %) vit dans un logement autonome, seul, en couple ou en famille, 16 % vivent en foyer d’hébergement, 12 % chez leurs parents et 8 % dans un autre type d’hébergement – logement indépendant lié à un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), famille d’accueil, studio sur le site de l’ESAT. Près de la moitié (46 %) exercent leur activité à temps partiel, une organisation « bien souvent » mise en place dans le cadre de cette préparation à la cessation d’activité.

Parmi ces 51 personnes, certaines ont exprimé « clairement leur souhait de partir en retraite, tandis que pour d’autres l’arrêt de l’activité professionnelle est source d’angoisse ». L’une des principales raisons évoquées par ceux souhaitant l’arrêt de leur activité en ESAT est la fatigabilité, mais les projets personnels, notamment familiaux, entrent également en ligne de compte. « Pour la plupart, le manque de visibilité concernant leurs droits et ressources est la problématique la plus importante. » Des inquiétudes vis-à-vis du logement futur se font jour pour ceux qui vivent en foyer d’hébergement ou chez leurs parents âgés, tandis que « les personnes vivant en couple ou en famille appréhendent moins, voire pas du tout, l’arrêt du travail en ESAT ». En revanche, celui-ci « paraît difficile à envisager pour certains ». En effet, « la valorisation et la reconnaissance par le travail mis en avant en ESAT amène certaines personnes à surinvestir la sphère professionnelle. Pour éviter une rupture trop brutale, cette question doit être accompagnée et considérée bien en amont, conseillent les auteurs. L’arrêt de l’activité doit être pensé progressivement, en permettant à la personne d’investir de nouvelles sphères (loisir, bénévolat) […], éventuellement avec un accompagnement sur ce temps libéré. »

Les pratiques d’accompagnement des ESAT au départ à la retraite des travailleurs diffèrent selon le nombre de personnes concernées dans l’établissement (accompagnement individuel ou collectif). Les démarches administratives et financières ne sont en outre pas les mêmes pour les personnes qui ne sont pas suivies par un service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou par un foyer d’hébergement. Les problématiques sont aussi différentes selon les personnes, en fonction de leur perception de la retraite (l’accompagnement n’est pas le même selon que la personne souhaite ou non ce départ), de leur parcours professionnel (le calcul des droits est plus complexe si la personne a aussi travaillé en entreprise adaptée et en milieu ordinaire) et, enfin, de leur lieu de vie. « La question de l’après-ESAT se pose différemment si la personne vit dans un logement autonome ou dans un foyer d’hébergement. Quelles sont les possibilités d’offre d’habitat pour les personnes en foyer d’hébergement ? Comment anticiper la perte d’autonomie des personnes isolées dans un logement autonome, sans que cela ne soit fait trop en amont ? », interrogent les auteurs.

Des pratiques différentes

L’étude recense ensuite les pratiques d’accompagnement des ESAT qui ont participé à l’enquête. « La question du départ à la retraite est inégalement prise en compte dans les structures », ne serait-ce que parce que toutes ne sont pas concernées « démographiquement de la même manière ». Les accompagnements mis en place peuvent concerner l’adaptation de l’offre médico-sociale – transformation de places de foyer d’hébergement en places de foyer de vie, mise en place d’une section annexe d’établissement et service d’aide par le travail (Saesat) ou d’activités spécifiques pour les travailleurs vieillissants –, la diffusion d’informations, l’organisation de formations… Beaucoup de structures proposent aussi un accompagnement individuel à la cessation d’activité : des aménagements au sein de l’ESAT, des accompagnements vers des acteurs extérieurs sur le droit, les activités sociales, le lieu de vie, l’accompagnement à domicile, la santé… Autre axe : des partenariats avec les caisses de retraite complémentaire, les mutuelles, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), les centres locaux d’information et de coordination (CLIC), les tuteurs-curateurs, les aidants, les autres structures médico-sociales, les transports, les groupes d’entraide, les services d’aide à domicile…

L’étude aborde enfin les difficultés rencontrées par les ESAT pour l’accompagnement au départ en retraite. Celles-ci ont trait à l’impact organisationnel, au manque de visibilité de l’offre existante sur les territoires – logement, transports, associations, activités de loisirs –, aux passerelles entre le champ du handicap et celui des personnes âgées, à la problématique de l’hébergement pour certaines personnes ou encore à l’information sur les droits à la retraite et les ressources.

Une douzaine de pistes d’actions

A partir de ces constats, le CREAI a recensé une douzaine de propositions et pistes d’actions. La première : « Prendre en compte la question du vieillissement des travailleurs et les conséquences sur leur accompagnement dans les projets d’établissements, y compris pour les ESAT peu ou pas encore concernés. » Il faut par ailleurs former et sensibiliser les professionnels, « identifier et former des référents “retraite” », imaginer des formes d’accompagnement spécifiques et accompagner à la cessation d’activité suffisamment en amont. Autres préconisations : permettre aux travailleurs en ESAT d’avoir une meilleure vision de leurs droits et ressources, notamment en déployant des informations collectives et individuelles mises en place par les caisses de retraite. Les auteurs citent par exemple le partenariat réalisé en Bretagne entre la Carsat (caisse d’assurance retraite et de la santé au travail), la MSA (Mutualité sociale agricole) et le CICAS (centre d’information, de conseil et d’accueil des salariés) pour des journées d’information en deux temps : une demi-journée pour une information collective et générale sur les démarches et droits relatifs à la retraite et une demi-journée consacrée à des entretiens individualisés.

Les auteurs recommandent également de « repérer l’environnement relationnel et [d’]anticiper son évolution afin de limiter les risques de ruptures et les situations d’urgence », de développer les partenariats en amont, d’informer et de mutualiser les outils existants sur l’accompagnement au départ à la retraite. Ils préconisent d’informer sur les outils existants concernant l’offre (hébergement, services d’accompagnement, transports, loisirs…), de « proposer une palette d’offres d’hébergement (compétence département) et d’habitat adapté » et, enfin, de s’inspirer des conseils de bonnes pratiques de l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) sur l’adaptation de l’accompagnement des travailleurs d’ESAT à leurs besoins et attentes et sur l’adaptation de l’intervention auprès des personnes handicapées vieillissantes(3).

Notes

(1) Voir sur ce sujet notre décryptage dans les ASH n° 2933 du 13-11-15, p. 24.

(2) Démarche régionale de recueil des pratiques pour accompagner le départ à la retraite des travailleurs d’ESAT – En ligne sur www.creai-nantes.asso.fr et sur www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr.

(3) Voir ASH n° 2817 du 5-07-13, p. 11 et ASH n° 2902 du 20-03-15, p. 7.

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