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Repartir du bon pied

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Face aux tâches et aux contraintes qui pèsent sur eux, et parfois à l’usure du temps, les directeurs d’ESSMS peuvent se sentir dépassés. Pour les aider à franchir un pas délicat et les remotiver, le coaching est une méthode qui fait ses preuves. A condition d’adhérer à la démarche et de choisir la méthode adéquate.

« Demain, quand on se sentira mal dans son job, on fera appel à un coach comme on fait aujourd’hui appel à un médecin quand on est malade », assure Aurélie Rétif, fondatrice et coach chez Eaden R., quand on lui demande si ce qu’on désigne aujourd’hui par « coaching des cadres » ne serait pas qu’un effet de mode. L’intérêt pour le coaching d’entreprise, issu des pays anglo-saxons, va croissant. On estime à 5 000 le nombre de coachs en exercice en France, dont une partie est certifiée par le syndicat professionnel des métiers du coaching, accréditée par la Société française du coaching, ou encore appartient à l’Association européenne de coaching ou à l’International Coach Federation France. Formateur et coach, auteur de nombreux ouvrages sur le management, Jean-René Loubat(1) analyse : « Notre secteur avait jusqu’ici des outils frustes en matière de management. Le coaching est un dispositif intéressant, à l’heure où des pressions et des exigences toujours plus fortes pèsent sur les cadres. » Selon lui, le coaching peut être sollicité dans deux cas de figure : par des cadres anciens, usés, pas toujours suffisamment formés et qui sont en situation de burn-out ou, inversement, par de jeunes cadres qui découvrent le secteur et ont besoin d’être briefés, préparés.

Ni gourou, ni donneur de leçons

A chaque coach sa définition du coaching. Telle celle de Thierry Van Lede, coach associé à Safran et Co, à Paris : « Le coaching permet à un professionnel de prendre conscience de ses points forts et de ceux à améliorer. En donnant des techniques d’analyse de situations, le coach lui permet de prendre du recul, le rend plus autonome par rapport aux problématiques qu’il rencontre. » Aurélie Rétif – dite Eaden R. – intervient, affirme-t-elle, « pour redonner du souffle » aux managers : « Un coaching va permettre à un directeur de travailler sur la perception de sa fonction, de son travail et de lui-même. Il intervient quand celui-ci se trouve confronté à une problématique qui lui fait perdre le sens de son métier – par exemple, quand la multitude de petites tâches et de petits et grands problèmes du quotidien viennent l’empêcher de mettre en place des projets d’envergure. En lui montrant sa valeur, en lui redonnant conscience de l’importance de tout ce qu’il fait au quotidien, on redonne du sens au métier, on rallume la flamme. Le coach n’est pas dans l’assistanat mais dans le réveil du potentiel de l’humain. » Attention, le coach n’est surtout pas un gourou, précise Antoine De La Rosa, directeur d’un foyer de vie et ancien coach en libéral. « Ce n’est pas non plus un donneur de leçons. Le mauvais coach est celui qui vous dit ce qu’il faut faire. Le bon coach est celui qui écoute, essaie de comprendre comment le manager se positionne et vit cette posture. Il ne porte aucun jugement et va accompagner la demande qui lui est faite. »

L’association AD-PA encourage ses membres à entreprendre un coaching quand ils se sentent confrontés à des pressions trop fortes, avant de se retrouver dans une situation inextricable. Directeur de l’EHPAD Résidence-de-l’Abbaye, à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) et président de l’AD-PA, Pascal Champvert témoigne : « J’ai moi-même suivi une formation de coach pendant laquelle j’ai été coaché, et je me suis rendu compte de son intérêt pour la prévention des risques psychosociaux auxquels les directeurs sont confrontés en première ligne. Cette pratique est utile en ce qu’elle permet de mieux se connaître dans son mode d’exercice, dans sa fonction de manager. Quand on se connaît soi-même, comme le préconise Socrate, on se laisse moins embarquer dans des situations difficiles, dans des conflits. Pour certains, cette exploration passe par la spiritualité, la thérapie, la philosophie… Le coaching est un moyen parmi d’autres qui a prouvé son efficacité. »

Parfois un bouleversement

En effet, depuis qu’il a commencé son coaching, Renaud Chenon, directeur d’ISA Groupe – qui réunit dans le Cher, entre autres, des chantiers d’insertion et une association intermédiaire –, se sent « reboosté ». « J’avais pris la tête de ce GES sans expérience de management, relate-t-il. On m’a fait confiance et tout s’est bien passé pendant plusieurs années. Jusqu’à ce que le développement exponentiel des structures et de l’activité me mette en difficulté. Je souffrais notamment d’être moins présent auprès des salariés. Je commençais à perdre mon enthousiasme. Bref, j’étais arrivé à un seuil qui nécessitait un accompagnement pour réfléchir à mon positionnement professionnel. » Avec le soutien de la présidente de son association et un financement ad hoc, il entame à la mi-2016 un coaching avec Evelyne Stawicki, de Croissance RH, elle-même ancienne cadre dans le secteur des ESSMS. « Auprès d’elle, je fais un travail d’introspection. Je lui fais part de mes émotions, de ma posture. Mais ça n’a rien à voir avec une psychothérapie car je reste centré sur ma dynamique managériale – même si cet accompagnement a forcément des répercussions sur ma vie personnelle. Grâce à elle, c’est en fait comme si je réfléchissais à haute voix. »

Ce coaching l’a chamboulé, confie-t-il, car il l’a amené à se réinterroger sur lui-même et à conduire des changements internes à ISA Groupe. « A mi-parcours, je suis déjà capable d’appliquer certains enseignements. Cette expérience a repositionné la manière dont je vois le développement des structures et, surtout, cela me donne plus d’assurance sur ma légitimité pour conduire cette évolution. »

Redynamisée, Isabelle Privas, responsable de trois services (foyer de vie, FAM et foyer de jour) à l’institut Le Val Mandé, à Saint-Mandé (Val-de-Marne), l’a aussi été à la suite d’un coaching express suivi en 2014. « C’est la DRH qui m’avait suggéré cette démarche, car je rencontrais des difficultés avec certains collaborateurs dans l’accompagnement au changement. Je devais impulser de nouvelles façons de travailler, déléguer davantage, et ce n’était pas évident. J’ai vécu le coaching avec Jean-René Loubat comme une sorte de formation me permettant de me “projeter de l’avant”. Je lui ai expliqué les difficultés et les réticences que je rencontrais. Il ne m’a pas forcément donné d’outils ni de solutions, mais son discours, en trois jours de tête-à-tête, a renforcé ma confiance en moi. Et au bout du compte, je suis arrivée à faire accepter le changement. » Même constat pour Eric-Angelo Bellini, directeur d’EHPAD public, qui a été coaché en 2013, à un moment où il ressentait le besoin de « prendre de la distance » car les tensions étaient de plus en plus importantes dans son emploi. « J’étais en poste en tant que directeur d’établissement depuis 2009 et, au fil du temps, on m’a ajouté des prérogatives : création d’une plateforme gérontologique, direction par intérim du CCAS, raconte-t-il. La charge de travail était très importante et les missions plus complexes. J’ai d’abord essayé de pédaler plus vite car je pensais que cela venait du fait que je ne travaillais pas assez… » Sa décision – purement personnelle et qu’il a assumée financièrement – de faire appel à un coach est alors salvatrice. « Il m’a beaucoup questionné et aidé à reformuler mes réponses. J’ai pu assez rapidement prendre du recul, mesurer que je n’allais pas pouvoir tout contrôler, que tout ne dépendait pas de moi, et lâcher prise. C’est donc un espace de réflexion qui bouscule, mais qui conforte aussi et même qui réconforte. A l’issue de ces sessions, même si tous mes problèmes n’étaient pas réglés, j’étais plus serein. »

Adhérer à la démarche…

Pour sa part, le directeur Antoine De La Rosa encourage nombre de ses confrères à se faire coacher. « Tous les cadres n’en ont pas forcément besoin, mais dès qu’ils rencontrent des résistances, dès que des indices sociaux commencent à apparaître, avec de fréquents arrêts maladie, des IRP qui posent beaucoup de questions, qui défient le sens de l’institution, c’est une solution intéressante. Certains sont surpris quand je leur dis que je trouve ça bien, que cela m’a aidé professionnellement et personnellement. Ce n’est pas une maladie honteuse d’avoir besoin d’être accompagné ! »

De fait, le coaching n’est pas toujours bien perçu, d’autant qu’il est souvent prescrit par la direction générale ou la DRH. Il ne doit pas être vécu par le cadre comme un reproche ou une punition, mais comme une main tendue. Jean-René Loubat souligne : « Les personnes que j’ai coachées y ont vu leur intérêt, mais il faut du doigté car elles peuvent être méfiantes. J’explique bien mon rôle, en rappelant que je ne suis ni un médiateur, ni un contrôleur. » « Il faut mettre le manager à l’aise dès le premier entretien pour qu’il ne se sente pas jugé, précise la coach du cabinet Eaden R. Je leur assure la confidentialité, condition sine qua non pour qu’ils s’ouvrent sur leurs peurs : je ne rapporte rien à la direction, juste des résultats. » « S’il n’y a pas de véritable adhésion, le coaching ne peut pas être efficace, car on joue au jeu du chat et de la souris, renchérit Thierry Van Lede, de Safran et Co. Il faut que le coaché soit capable de dire ce qui ne va pas, et travailler sur des situations concrètes. » Coachée à la demande de sa DRH, Isabelle Privas témoigne : « S’entendre dire qu’on a besoin d’être coaché peut être blessant. On se remet en question, mais il faut accepter qu’à un moment on ait pu dysfonctionner. J’ai très bien compris cette décision et je ne regrette pas le travail effectué durant le coaching. »

… Et choisir sa méthode

Il n’existe pas un, mais des coachings, avec différentes méthodes, différents styles. A chaque manager de trouver celui qui lui correspond le mieux, avec lequel il est le plus à l’aise. Il faut néanmoins être prudent car, « comme dans tout secteur qui s’ouvre, beaucoup de gens se bombardent coachs sans expérience », pointe Jean-René Loubat. Selon lui, mieux vaut choisir un coach qui possède des références et connaît un minimum le secteur sans être endogame. « C’est un plus, mais il ne me semble pas que ce soit obligatoire, considère quant à lui Najid Ghorzi, chef de service en coaching depuis quelques mois. Parfois, expliquer ce que l’on fait à quelqu’un qui n’est pas du secteur est aussi formateur. Nous parlons de toute façon plus de management que de travail social. » Le directeur Eric-Angelo Bellini ajoute : « Le coach est responsable du processus, le coaché, du résultat. S’il a une connaissance de la réalité du process de travail, tant mieux pour lui. Mais je pense qu’il est plus important de se concentrer sur sa formation et son appartenance ou pas à une fédération de coachs professionnels. » Pour Pascal Champvert, quelques règles de base doivent être appliquées afin de s’assurer du sérieux d’un coach : se renseigner sur la supervision qu’il continue de suivre, les supports théoriques qu’il utilise, sa méthodologie… « Après, c’est surtout une question d’affinité, relativise-t-il. C’est pourquoi il est toujours conseillé d’avoir un premier entretien avec un ou deux coachs avant de signer une convention. » De son côté, Eaden R. assure : « Un coach se choisit en fonction d’un état d’esprit. C’est très humain, c’est une question d’énergies. Si le coach a toutes les techniques du monde mais qu’il a un mauvais relationnel, ça ne collera pas. »

Quand il s’est trouvé confronté à des difficultés, Eric-Angelo Bellini a fait appel à la plateforme « SOS directeurs » de l’AD-PA : « Ce service de soutien a référencé des coachs professionnels compétents. Il m’a proposé deux personnes, l’une dans le Grand Ouest, près de chez moi, l’autre à Paris. J’ai pris contact avec elles pour des échanges téléphoniques, avant de choisir le coach parisien pour vingt-deux heures de coaching. Je l’ai vu physiquement trois fois et le reste des séances s’est fait à distance. » C’est l’un des administrateurs de son GES qui a conseillé son coach à Renaud Chenon. « C’est la seule que j’ai rencontrée, car dès le premier appel le courant est bien passé. La rencontre initiale s’est faite en présence de ma présidente, qui souhaitait lui expliquer le fonctionnement des structures et définir ce qu’on attendait de cette démarche. Depuis, nous sommes autonomes et aucun compte rendu de nos échanges n’est fait à mon employeur. »

Comment se déroule un coaching ? « Beaucoup privilégient l’individuel, tandis que d’autres proposent du coaching auprès d’un petit groupe de cadres, décrit Jean-René Loubat. Il y a des coachings très “psy” centrés sur le vécu de la personne par rapport à son poste ou qui se rapprochent de l’analyse des pratiques, et d’autres plus techniques, centrés sur des méthodes de management. » Quant à sa fréquence et à ses conditions pratiques, le coaching est censé s’adapter aux attentes du coaché. Si celui-ci préfère rencontrer son coach professionnel une fois par mois ou le voir lors de rendez-vous plus courts toutes les semaines, lui envoyer des courriels quand il rencontre des problèmes, organiser des entretiens par Skype ou par téléphone, c’est à lui de décider. Exerçant à Aubigny-sur-Nère (Cher), Renaud Chenon apprécie de se déplacer régulièrement vers la capitale pour ses sessions. « J’y vais en train et cela me laisse le temps de me préparer psychologiquement à mon entretien. Quant au retour, c’est un moment qui me permet d’incuber, de réfléchir à ce qui s’est dit. La journée que je passe à Paris, je suis totalement concentré sur mon coaching, loin de mes dossiers et de l’agitation de la structure, cela me permet de prendre le recul nécessaire. Et puis ma coach ne connaît pas mon environnement personnel et professionnel, elle ne peut pas faire d’interprétation de ce que je confie. Je me retrouve donc bien dans cette solution : je perds du temps pour en gagner plus tard. »

Lexique

• AD-PA. Association des directeurs au service des personnes âgées

• CCAS. Centre communal d’action sociale

• CHRS. Centre d’hébergement et de réinsertion sociale

• DRH. Direction des ressources humaines

• EHPAD. E tablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

• ESSMS. Etablissement et service social et médico-social

• FAM. Foyer d’accueil médicalisé

• GES. Groupe économique solidaire

• IRP. Instances représentatives du personnel

« Un espace de décompression »

Directrice du pôle social de l’association dijonnaise Acodège, Frédérique Serveille envoie ses chefs de service en coaching depuis plusieurs années : « Les formations pour les cadres enseignent “comment faire”, mais pas “comment être”. D’après mon expérience, le coaching donne des résultats rapides en termes de positionnement et de management, notamment de management bienveillant. » Najid Ghorzi, qui a pris voici un an ses fonctions de chef de service au CHRS Résidence-Herriot, où il manage neuf professionnels, bénéficie actuellement de cet accompagnement. « Je n’ai pas eu de réticences à entamer ce coaching, j’ai pris ça comme un espace de réflexion et de décompression, explique-t-il. Yves Sterlin, que je rencontre une fois par mois dans son cabinet dijonnais, m’apporte à la fois des éléments théoriques (analyse transactionnelle, systémie) et des temps d’analyse de la pratique pour aborder mes difficultés managériales. C’est mon premier poste de cadre. Etre immédiatement coaché m’aide à cerner les profils des personnes que je manage. En percevant les forces et faiblesses des uns et des autres, je sais mieux leur attribuer telle ou telle mission. »

La particularité du coaching de Najid Ghorzi est qu’il s’effectue en duo avec un autre chef de service de l’Acodège. « Nous sommes amenés à travailler ensemble, donc ce coaching commun nous permet de nous connaître et de nous caler l’un par rapport à l’autre. Il n’y a aucun problème de confiance ou de confidentialité. Pour autant, j’aurais apprécié un accompagnement individuel, car nous n’en sommes pas au même stade sur tous les aspects abordés. L’avantage, néanmoins, est que chacun peut donner son opinion sur les situations de travail de l’autre. C’est enrichissant. J’en apprends sur moi-même à chaque séance et, par mon regard extérieur, je vois ce que le coach apporte à mon collègue. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 28.

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