Rien ne destinait Christophe Warnault au travail social, encore moins à diriger, à 43 ans, le pôle pénal de l’AAPEJ (Association d’aide, de protection de l’enfance et de la jeunesse, rattachée au Groupe SOS), à La Réunion… Ce bon joueur de basket a joué en division nationale dans l’équipe de Beauvais. A 20 ans, un bac électro-technique en poche, il poursuit des études en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives). L’université n’est pas ce qu’il préfère : il rencontre des difficultés dans les matières théoriques, et doit de surcroît s’arrêter six mois pour travailler comme manœuvre afin de financer son cursus. En janvier 2004, il décroche sa licence et trouve un poste d’enseignant en éducation physique et sportive dans un centre de formation adapté pour des jeunes en difficulté. L’encadrement des adolescents, il en a l’habitude : titulaire du BAFA, Christophe Warnault dirige depuis ses 18 ans des camps de vacances au sein de la Ligue de l’enseignement de l’Oise. Il se reconnaît dans les valeurs de solidarité et de laïcité de l’éducation populaire. « Elles m’ont fortement influencé, insiste-t-il. Grâce à ces expériences, j’ai développé une passion éducative. On y apprend à réfléchir sur le sens des projets pédagogiques mis en place. » Et aussi les principes de base de gestion d’une équipe.
Mais la structure ne peut le garder. Le parcours atypique de Christophe Warnault lui a donné le goût des défis. C’est le début des centres éducatifs fermés (CEF), il postule à Beauvais pour un poste d’éducateur social contractuel. Il n’a alors pas vraiment conscience de l’importance du côté judiciaire et ne mesure pas la spécificité des profils d’adolescents déjà passés à l’acte. Surtout, leur prise en charge n’est pas cadrée et se révèle chaotique. Il a l’idée d’un camp de rupture d’une semaine, dans un centre de vacances du Cantal qu’il connaît sur le bout des doigts… Succès. Quelques mois plus tard, on lui propose le poste de chef de service éducatif : tous les éléments de son parcours se conjuguent, il a trouvé sa place, entre gestion et innovation. « Personne n’avait testé le cahier des charges, c’étaient des structures expérimentales », se souvient-il. Il met en place des outils pédagogiques concrets. Par exemple, il rassemble tous les objets interdits trouvés dans les chambres et en discute, une fois par semaine, avec les jeunes. De l’interdit, faire naître du dialogue, voilà qui lui ressemble. « Il est dans cette posture ouverte, il interroge sur tout avec enthousiasme », témoigne Jean-Claude Venerosy, chef de service éducatif au CEF de l’AAPEJ.
Christophe Warnault sera en 2007 directeur du CEF de Liévin (Pas-de-Calais), puis de celui de Narbonne (Aude), au sein de l’ANRAS (Association nationale de recherche et d’action solidaire), à partir de 2008. Là, il se pose pendant huit ans, avec enfin un CDI et une formation au CAFDES, diplôme qu’il obtient en 2014. Il y peaufine sa vision du management : « Etre professionnel, souligne-t-il, c’est dire quand on ne comprend pas la pratique professionnelle d’un autre, et dialoguer. » Une posture qu’encourage son directeur général de l’époque, Andrés Atenza : « Il est dans un vrai leadership. Ce qui veut dire avancer avec ses équipes, dans un management de proximité. »
A La Réunion, où il s’est envolé en septembre dernier, Christophe Warnault supervise, outre un CEF, un centre éducatif renforcé et l’accompagnement en milieu ouvert. Il a l’objectif de créer une identité pour ce pôle pénal, tout en préservant les particularités de chaque service. « Il nous dit tout le temps qu’il pose les rails, mais c’est à nous de conduire le train, sourit Jean-Claude Venerosy. Il nous laisse mettre notre propre patte. » Le nouveau directeur découvre les particularités des traditions insulaires, mais aussi les rivalités prégnantes entre jeunes Réunionnais et Mahorais. Il s’est aussi mis à apprendre le créole. Jean-Claude Venerosy n’est pas surpris : « Christophe Warnault est au milieu des gens. »