Historiquement, pour les personnes présentant des troubles du neuro-développement, la question de l’habitat ne se posait pas. On prenait en charge. Au mieux, les personnes étaient hébergées et n’avaient pas le choix. Aujourd’hui, elles revendiquent le droit de faire des choix. Nous avons donc souhaité élargir le débat en nous demandant comment les personnes déficientes intellectuelles peuvent participer à la vie de la cité tout en étant accompagnées. Que met-on en place pour recueillir leurs souhaits ? Cela renvoie aux notions de participation sociale et d’autodétermination. Ces notions nous concernent tous, pas seulement les personnes handicapées. Cela pose également la question de l’espace donné aux personnes déficientes intellectuelles pour s’exprimer, même quand elles n’ont pas accès au langage. Cela nécessite d’investir dans les nouvelles technologies et cela interroge la formation des professionnels.
L’habitat n’est pas seulement vu comme un abri, mais aussi comme un espace pour soi-même, inscrit dans une logique territoriale. Il ne se résume pas à un cadre bâti, c’est un mode d’occupation de l’espace qui doit être adapté à l’autonomie de chacun, sans être synonyme d’isolement et d’exclusion. Habiter un lieu, c’est exister et pouvoir prendre place dans la société. Cette définition n’est pas seulement valable pour les personnes handicapées, elle l’est pour tout un chacun. Nous souhaitions avoir une réflexion globale, autrement que par le biais du médico-social. Ainsi, beaucoup d’intervenants du congrès étaient issus du secteur de l’exclusion : il s’agit de problématiques transversales. Nous avons aussi travaillé avec des organisations du secteur de l’insertion.
Nous avons effectué, pendant un an, un travail de recherche d’expériences de terrain menées par des associations qui avaient pensé l’habitat, dans notre mouvement, mais aussi à l’extérieur. Il en ressort qu’il existe plusieurs modèles d’habitat et que ce qui est valable sur un territoire ne l’est pas forcément sur un autre. Or, aujourd’hui, on nous pousse à avoir un modèle unique d’habitat, celui de la PCH [prestation de compensation du handicap] mutualisée(2). Cela peut être une expérience intéressante, mais encore faut-il être éligible à la PCH avec des montants de prestation importants, sachant que les grilles d’évaluation sont surtout basées sur des critères physiques et donc mal adaptées aux personnes déficientes intellectuelles avec des troubles cognitifs. Est-ce à dire que l’on réserve l’habitat inclusif à certaines personnes et pas à d’autres ?
Aujourd’hui les politiques sont scindées : l’accompagnement des personnes en situation de handicap relève de la solidarité nationale, tandis que l’habitat dépend d’un choix personnel. Sur la question du financement des accompagnements, il y a un frein énorme sur le plan législatif : souvent, les expériences ne sont pas menées jusqu’au bout, car il y a un risque de requalification des ESMS [établissements sociaux et médico-sociaux]. Il ne faut plus penser ce sujet sous le seul angle médico-social, mais aussi à travers le prisme de la société civile, en se demandant comment le médico-social peut être une ressource, une expertise pour elle. Par exemple, au ministère du Logement, le handicap n’est pas abordé. Enfin, il y a la question des bailleurs sociaux qui ne sont pas très enclins à louer aux personnes handicapées et exigent souvent de passer par un intermédiaire. L’enjeu final est d’avoir une vision globale, l’objectif étant de permettre aux personnes, quelle que soit leur vulnérabilité, de bénéficier d’un accompagnement suffisant pour pouvoir vivre dans la société.
(1) « L’habitat, une clé pour la citoyenneté – 30 initiatives pour une société inclusive et solidaire ».
(2) Voir à ce sujet notre décryptage dans les ASH n° 2905 du 10-04-15, p. 22.