Alors que le nouveau gouvernement entend adopter ses ordonnances sur la réforme du code du travail avant la fin de l’été(1), un rapport sénatorial(2), publié le 23 mai, fait l’éloge de la lenteur. Il s’est en effet penché sur l’article L. 1 du code du travail relatif à l’obligation de concertation préalable à toute réforme sociale. Une méthode « globalement efficace et souple », estime la mission d’information, mais qui pourrait être améliorée. Pour ce faire, les deux sénateurs en charge de la mission, Henri Cabanel (PS, Hérault) et Philippe Bonnecarrère (UDI, Tarn), invitent notamment le gouvernement à présenter une feuille de route sociale couvrant le quinquennat, encouragent le Parlement à s’exprimer sur un projet de document d’orientation et incite les partenaires sociaux à conclure un accord de méthode « à froid » pour définir les modalités du dialogue social.
Le rapport invite le gouvernement à présenter devant le Parlement une feuille de route des réformes sociales applicable pendant le quinquennat et qui pourrait notamment comprendre :
→ un calendrier indicatif et non contraignant des réformes sociales à réaliser, ou du moins un ordre indiquant celles qui sont prioritaires ;
→ les réformes qui ne relèvent pas de la concertation préalable compte tenu de leur urgence et de la situation économique et sociale ;
→ les réformes qui relèvent de la concertation préalable, en indiquant approximativement pour chacune d’elles le délai au-delà duquel le gouvernement compte légiférer sans accord des partenaires sociaux.
Cette feuille de route fixerait les réformes à mener afin de donner aux partenaires sociaux un cadre global de négociation pendant cinq ans, évitant ainsi une approche à court terme pour chaque réforme, précise la mission d’information. Elle serait actualisée chaque année, pour tenir compte des nouvelles orientations du gouvernement et des éventuelles observations de la Commission européenne.
Lorsqu’un accord national interprofessionnel est conclu puis transcrit dans un projet de loi, son examen parlementaire peut apparaître comme une formalité. C’est pourquoi la mission d’information encourage le Parlement à s’impliquer en amont de l’élaboration des documents d’orientation servant de base aux négociations interprofessionnelles. Le gouvernement pourrait inviter les parlementaires à s’exprimer sur le projet de documents d’orientation, dans un délai raisonnable, afin de faire connaître sa position plus en amont, par exemple sous la forme d’une résolution. « Les parlementaires pourraient ainsi veiller à ce que le document d’orientation ne vise que les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical […]. Il s’agit en effet d’éviter des lettres ministérielles trop précises et directives imposées aux négociateurs », expliquent les sénateurs.
En outre, la réflexion de la mission d’information sur l’articulation entre la démocratie sociale et la démocratie représentative l’a conduite à se pencher sur les moyens de renforcer le rôle des partenaires sociaux. « Si la représentativité des syndicats de salariés repose sur les résultats des élections professionnelles et non [sur] leurs nombres d’adhérents, la question de leur légitimité est régulièrement contestée », regrettent les sénateurs qui souhaitent renforcer la légitimité des syndicats en dépassant la logique des critères de représentativité et en favorisant les adhésions. Pour ce faire, ils proposent d’expérimenter, pendant deux ou trois ans, le développement du chèque syndical dans les entreprises volontaires ou dans une branche volontaire. Le chèque syndical ou « bon de financement syndical » vise à renforcer le dialogue social en permettant au salarié de soutenir directement l’organisation syndicale de son choix grâce à un chèque financé par l’entreprise. Les sommes versées par l’employeur pour financer ce dispositif seraient déduites à due proportion de la contribution de l’entreprise au fonds de financement du dialogue social, indique la mission d’information.
Le rapport sénatorial déplore « la persistance d’une véritable liturgie de la négociation sociale au niveau national, caractérisée par des séances de travail de nuit et de nombreuses interruptions ». Il appelle par conséquent les partenaires sociaux à conclure un accord de méthode « à froid » pour définir les modalités du dialogue social aux niveaux national et interprofessionnel, afin de faciliter les négociations portant sur des réformes sociales. Cet accord déterminerait, notamment, les sujets inscrits à l’agenda social des partenaires sociaux, les modalités d’établissement du diagnostic partagé préalable au lancement d’une négociation, les cas de recours à des experts, les règles de rédaction des versions provisoires des accords, l’organisation et le lieu des réunions, les moyens pour communiquer sur l’avancée de la négociation et les modalités de suivi des accords et des positions communes.
(2) Rapport du Sénat Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 – Disponible sur