Quelques semaines après avoir témoigné, devant le tribunal administratif (TA) de Lille(1), des entraves à l’assistance humanitaire aux migrants dans le Pas-de-Calais, le défenseur des droits dénonce, une nouvelle fois, dans un communiqué du 14 juin, « les conditions de vie inhumaines que subissent les exilés à Calais », telles qu’elles ont été constatées sur place, deux jours plus tôt, par ses services. Et Jacques Toubon de demander « que soit mis un terme aux atteintes aux droits fondamentaux les plus élémentaires dont sont victimes [ces personnes], notamment les mineurs, et qui demeurent à ce jour sans précédent ».
Au cours de leur visite sur le terrain, « ses agents se sont longuement entretenus avec de nombreux exilés et les associations leur venant en aide », explique l’institution, en s’alarmant d’une situation « d’une exceptionnelle et inédite gravité ». En effet, comme plus aucun abri n’est toléré, plusieurs centaines de personnes – « entre 500 et 600, selon plusieurs informations croisées » –, y compris des mineurs, « dorment à même le sol, quelles que soient les conditions climatiques ». Et ce, quand c’est possible car ils « se disent traqués jour et nuit dans plusieurs sous-bois de la ville » et sont « visiblement dans un état d’épuisement physique et mental ». Les points d’eau ayant été également supprimés, « les migrants ne peuvent pas se laver, ni même boire », ce qui est « devenu leur principale demande ». Le TA de Lille a certes considéré, en mars dernier, « que l’interdiction de distribution de repas par les associations était constitutive d’un traitement inhumain ou dégradant », mais « une seule distribution associative est tolérée le soir, pendant une heure, ce qui ne permet pas de nourrir tous ceux qui le souhaiteraient ».
En outre, depuis la disparition de la structure qui leur était réservée au sein du centre Jules-Ferry(2), les femmes, en particulier, « sont susceptibles de faire l’objet de viol et d’exploitation sexuelle ». Il semble aussi qu’aucun dispositif ne puisse accueillir les nourrissons et les bébés à naître « alors même que la protection maternelle et infantile impose une telle prise en charge ». Du côté des mineurs non accompagnés, qu’ils soient primo-arrivants ou qu’ils reviennent d’un centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés, « avec l’idée persistante de se rendre en Grande-Bretagne », le passage obligatoire par le commissariat pour leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance « rend particulièrement dissuasive la démarche »(3).
Quant aux associations qui « tentent de mettre en œuvre des dispositifs qui devraient l’être par les pouvoirs publics (douches, distribution de repas et d’eau) », elles sont « sous pression », et il leur est difficile de « conseiller les migrants sur des démarches d’accès au droit ».
En plus de renouveler ses précédentes recommandations, notamment à l’égard des mineurs, le défenseur des droits demande donc « la fin de cette sorte de traque, l’autorisation des distributions de repas, la mise à l’abri des mineurs sur place, la mise en place d’un lieu où les personnes peuvent se reposer, se ressourcer et envisager la suite de leur parcours migratoire ». Il exhorte enfin « les pouvoirs publics à ne pas s’obstiner dans ce qui s’apparente à un déni d’existence des exilés qui, présents sur notre territoire, doivent être traités dignement, conformément au droit et aux engagements internationaux qui lient la France ».