Employé au singulier ou au pluriel, le terme « intérêt » a une trentaine d’occurrences dans la réforme de la protection juridique des majeurs vulnérables du 5 mars 2007. C’est dire l’importance du concept. Mais le législateur s’en est tenu à « une formulation générale exempte de définition », font observer les juristes Karine Lefeuvre et Sylvie Moisdon-Chataigner, codirectrices de cet ouvrage collectif. Remédiant à cette indétermination, les nombreux contributeurs s’emploient à éclairer cette notion-clé – véritable « boîte de Pandore de l’interprétation », selon la magistrate Anne Caron-Déglise. Le philosophe Fabrice Gzil pointe deux grandes manières d’envisager l’intérêt de la personne protégée. La première revient à agir et décider pour cette dernière en fonction de ce que ferait une personne « raisonnable » dans la même situation. La seconde consiste à se demander ce que la personne elle-même aurait décidé si elle avait été en capacité de le faire. Dans cette seconde logique, il s’agit de se préoccuper avant tout de sa ou de ses volontés parfois contradictoires – c’est-à-dire de son « intérêt subjectif » –, et pas d’un « intérêt supérieur » qui serait « objectif », développe Emilie Pecqueur, conseillère à la cour d’appel de Douai (Nord). De fait, « la notion d’intérêt devient la pire des tyrannies, source d’abus de pouvoir sur l’autre », lorsqu’on oppose son propre intérêt à la personne protégée – par exemple, son intérêt financier – pour limiter sa part d’autonomie décisionnelle, souligne Pierre Bouttier, président de l’Association nationale des délégués et personnels des services mandataires à la protection juridique des majeurs.
Protéger les majeurs vulnérables.
L’intérêt de la personne protégée
Ouvrage collectif sous la direction de Karine Lefeuvre et Sylvie Moisdon-Chataigner – Ed. Presses de l’EHESP – 16 €