A l’école des sages

« Nos vieux sont nos garde-fous, notre caution contre la bêtise, notre raison pratique », écrit Thierry Aymès dans Sous la mémoire. Ce philosophe, musicien, écrivain et psychanalyste aime à se définir comme « le défenseur d’une identité essentiellement “en devenir” qu’aucune biographie ne saurait enfermer ». Après avoir enseigné la philosophie et le français pendant deux décennies et être intervenu plusieurs années en milieu carcéral, il est devenu, neuf mois durant, animateur au sein de l’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Les 7 Rivières, à Bédarrides, dans le Vaucluse. Une immersion dont il a tiré ce témoignage où se mêlent le regard lucide et profondément humain du candide et les réflexions plus métaphysiques que lui inspire la vie au sein d’un EHPAD, ce « concentré philosophique sans grandiloquence, sans fatuité », cette « école où les cours nous sont dispensés sans tambours ni trompettes par des sages en robe de chambre ».

Dans ce voyage au bout de la vie, l’auteur s’emporte contre ces « sales gamines », ces « horribles mégères » qui ont pour nom Alzheimer, Parkinson ou Lewy et qui « se comportent en gloutonnes et font ventre de toute âme ». Il décrit l’ennui et la solitude, qui ne sont parfois qu’une ruse pour ralentir le temps et pouvoir se « transformer en flâneurs », et ces visages qui se tournent vers une femme venue interpréter de vieilles chansons « comme un champ de tournesols qui auraient soudainement décidé pour la première fois de faire face au soleil ». Il évoque ces sourires échangés quotidiennement entre les équipes de l’établissement et les personnes âgées, et ces mains qui s’ouvrent à la première sollicitation « comme une fleur que les premiers rayons du soleil viennent caresser ». Thierry Aymès est également sorti de ces quelques mois aux 7 Rivières avec un sentiment de reconnaissance teinté d’admiration pour les professionnels de l’EHPAD, notamment pour ces aides-soignantes attentives aux moindres besoins de chacun et qui témoignent de « leur appartenance à une communauté voyante et bienveillante », redonnant « au mot “profession” ses lettres de noblesse originelles ».