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La catégorisation des migrants entrave leurs droits, selon plusieurs organisations

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La « distinction entre les bons réfugiés, relevant du droit international, et les mauvais migrants – économiques – est une dichotomie qui n’a pas lieu d’être, puisque les motivations se confondent ». Ce constat a été rappelé lors d’une conférence de presse organisée le 30 mai par le Secours catholique, la Cimade, JRS (Jesuit refugee service) France et le Centre de recherche et d’action sociales (CERAS), à l’occasion de la parution d’un numéro spécial de sa Revue Projet(1). Le sujet, a souligné son rédacteur en chef, Jean Merckaert, est d’actualité au regard des contextes migratoire et politique : alors que commence une nouvelle mandature présidentielle, il est lié aux choix français en matière d’immigration et aux politiques européennes, voire internationales. « Serait-il donc temps d’envisager une adaptation de la convention de Genève ? Et de faire en sorte que l’instrument de protection des réfugiés, au cœur de l’organisation de l’asile, soit adapté aux réalités des migrations forcée d’aujourd’hui ? », interroge dans la revue François Gemenne, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po. Avant d’ajouter qu’il est urgent de ne rien changer : « Nous avons fait de ce texte ad hoc un talisman intouchable, de crainte que, si jamais il était remis sur la table, on ne tente de s’en débarrasser. »

La catégorisation des publics conduit les demandeurs d’asile, comme les associations qui leur viennent en aide, à des impasses. A Paris, le Centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et les réfugiés (CEDRE) du Secours catholique, lieu d’accueil sans hébergement qui a accompagné près de 4 000 personnes en 2016, en témoigne : « Parmi les exilés que nous accueillons, un grande nombre souhaite une protection internationale et n’a pas l’autorisation de la demander en France », relève Aurélie Radisson, directrice adjointe. Sous l’effet du règlement européen « Dublin », ces migrants « se trouvent sans droits, ne savent plus vers qui se tourner ». Et de pointer l’incohérence de ce système kafkaïen qui renvoie la responsabilité de la demande d’asile à l’Etat membre par lequel la personne est entrée dans l’Union européenne. Selon les chiffres de la Cimade, 25 963 saisines d’un autre État et 1 293 transferts ont été effectués dans ce cadre en 2016. Ceux qui restent « pourront demander l’asile en France au bout de longs mois. Entretemps, leur vie a été mise en suspens, souligne Aurélie Radisson. Il est temps de réviser le système pour respecter les droits des personnes. »

En attendant un accord des pays européens, « on reste avec des règles aussi injustes qu’inefficaces, abonde Geneviève Jacques, présidente de la Cimade. La plupart des personnes reçues [par l’organisation] sont dans cette catégorie d’“errants”, menacés de renvoi dans leur pays d’origine. » La Cimade demande au nouveau gouvernement de « suspendre les transferts dans le cadre du règlement “Dublin” » et de « mettre fin à la poursuite des “aidants solidaires” ». « C’est parce que des personnes se trouvent dans des situations indignes que ces citoyens se mobilisent au nom de l’humanité », insiste Geneviève Jacques, qui rappelle la déception entraînée par la politique d’accueil des migrants : « La majorité des personnes qui arrivent se sont relocalisées “avec leurs pieds”, c’est-à-dire en dehors de tout accord. Il faut vraiment changer de perspective. »

Les associations dénoncent aussi les politiques qui maintiennent les demandeurs d’asile à l’écart de leurs droits, comme les modalités d’accès au travail – ils doivent attendre neuf mois après le dépôt de leur dossier pour demander l’autorisation de travailler. La formation linguistique « doit être considérée comme un droit fondamental, au même titre que l’accès à la santé, au logement et aux besoins élémentaires », soulignent une quarantaine d’organisations, dont la Fédération des acteurs de la solidarité, le Secours catholique, France terre d’asile et JRS France, dans une lettre du 22 mai à Emmanuel Macron. « À l’occasion de la refonte de la directive européenne “accueil” qui sera votée en juin prochain, nous demandons à ce que, conformément à la proposition du rapport du Parlement européen, l’apprentissage de la langue du pays d’accueil soit inclus parmi les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile », argumentent les signataires.

Malgré les créations de places d’hébergement des cinq dernières années, soulignées par Matthieu Tardis, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), la multiplication des dispositifs dérogatoires – centres d’accueil et d’orientation (CAO), centres d’hébergement d’urgence pour migrants (CHU migrants), programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (Prahda) –, tend à mettre en tension la volonté affichée en matière d’accueil et de gestion, voire de contrôle, des flux. Et les prérogatives du ministre de l’Intérieur, dont le directeur de cabinet, Stéphane Fratacci, a notamment été secrétaire général du ministère de l’Immigration sous Nicolas Sarkozy, n’incitent pas les associations à l’optimisme. « La Cimade a interpellé le gouvernement pour retirer l’asile et l’immigration du seul ministère de l’Intérieur », précise Geneviève Jacques.

Notes

(1) « Réfugiés : sortir de l’impasse » – N° 358 – Juin 2017 – www.revue-projet.com – 13 €.

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