A l’occasion d’une réunion organisée dans le cadre de la Paris Healthcare Week, qui s’est tenue du 16 au 18 mai à Paris, plusieurs membres de la Fédération hospitalière de France (FHF) et de ses délégations régionales ont fait part de leur « vive inquiétude quant à l’avenir du secteur public d’accompagnement du grand âge », pointant un « niveau de pression » et des difficultés qui n’ont fait que s’accentuer ces dernières années. « Les établissements atteignent désormais le point de rupture », s’alarme ainsi l’organisation.
Soulignant que la convergence des forfaits de soins, introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et mise en place progressivement, « a laissé nombre d’établissements exsangues », c’est aujourd’hui la réforme de la tarification des EHPAD(établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) qui « est en cause », écrit la FHF dans un communiqué diffusé le 19 mai. Ces établissements « font désormais face à la fin de l’application d’un taux d’évolution budgétaire en fonction de la masse salariale, en faveur d’un système d’évolution exclusivement basé sur un point fixé de manière uniforme tous statuts confondus », explique l’organisation. Celle-ci « regrette vivement la fin de toute modulation, de prise en compte des différences statutaires, sujétions et droits qui les accompagnent. Ce déni de réalité va impacter directement les 300 000 personnes âgées qui vivent aujourd’hui dans les établissements publics. » Pour la FHF, il est en effet « impossible et inéquitable d’appliquer une stricte logique comptable aux établissements, déconnectée des politiques [du] secteur et des besoins réels des personnes accompagnées par les professionnels ».
Par ailleurs, à cette « baisse drastique des dotations de soins se conjugue la mise en place, par décret, d’un forfait dépendance basé sur la valeur d’un point départemental calculé sur les charges moyennes constatées dans l’ensemble des EHPAD du département, ce quel que soit leur statut, alors qu’encore une fois les règles de l’emploi public, les contraintes statutaires récentes (point d’indice, parcours professionnels, carrières et rémunérations) et les avantages fiscaux acquis dans les EHPAD privés [crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, crédit d’impôt de taxe sur les salaires] sont si différents et incompatibles avec un objectif de convergence ».
Les incidences négatives de la mise en place de ce forfait dépendance, entré en vigueur le 1er janvier dernier en application de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) et selon des modalités précisées par un décret du 21 décembre 2016(1), ont déjà été pointées par d’autres fédérations du secteur(2). La FHF a pour sa part réalisé des études d’impact dont les résultats « confirment un niveau absolument sans précédent de convergence, dont les répercussions seront extrêmement graves pour notre service public destiné aux personnes âgées sur tout le territoire ». Conséquence directe : une perte de recettes pour les EHPAD publics estimée à plus de 200 millions d’euros. Avec une telle baisse de ressources, « ce sont des milliers d’emplois auprès des personnes âgées qui disparaîtront », alerte la FHF à l’intention du gouvernement.
Au même moment que la fédération hospitalière, la Conférence nationale des directeurs d’établissements publics pour personnes âgées dépendantes (Cndepah) a aussi fait part de son inquiétude : « Le principe de convergence du forfait dépendance, dans le cadre d’une enveloppe fermée, emmène celui de la redistribution, au sein d’un même département, des établissements les mieux dotés vers ceux qui le sont moins », constate-t-elle. Mais derrière ce « principe d’équité de façade », les établissements considérés comme les mieux dotés « sont encore bien loin des objectifs du plan solidarité grand âge et des attentes légitimes des usagers et de leurs familles ». Or, « comment aujourd’hui admettre que des EHPAD soient “surdotés”, sauf à méconnaître complètement leurs réalités de terrain ? », interroge la Cndepah. Et de citer l’exemple d’un EHPAD public des Hauts-de-Seine, dont le point moyen est 7,05 pour 2017(3), qui va voir son forfait diminué de 174 000 € sur sept ans, représentant une perte d’environ cinq équivalents temps plein (ETP) d’aide-soignant. La Cndepah recense les possibilités qui s’offrent à cet établissement : « Geler ou supprimer les emplois à due concurrence et admettre une perte de qualité notable », ou « transférer la charge vers le seul tarif partiellement modulable », à savoir l’hébergement, deux options que les familles ne comprendraient pas. « Les transferts de charge vers les usagers de prestations relevant de la solidarité départementale ou nationale (convergence du forfait dépendance et du forfait soins) vont remettre en question l’accès de tous à nos établissements publics », juge la conférence. En outre, « l’incitation forte des départements à déshabiliter partiellement à l’aide sociale les établissements publics[4] concourt également à ce risque », conclut-elle.
La Cndepah invite donc les établissements « à négocier auprès des conseils départementaux et les incite, par leur conseil d’administration, à voter une motion précisant l’impact financier pour leur établissement et demandant la mise en place d’un cliquet anti-retour », c’est-à-dire permettant le maintien du niveau antérieur du forfait dépendance. La FHF va plus loin en demandant que « soit mis en place un moratoire sur la réforme de la tarification des EHPAD ». Cela « afin d’éviter de graves conséquences ».
Dans notre décryptage paru dans le n° 3010 du 12-05-17, p. 16, sur les outils éducatifs développés par LearnEnjoy à destination des enfants et adultes rencontrant des troubles du spectre autistique, nous avons par erreur indiqué que l’Adapei de l’Aube faisait partie de l’expérimentation lancée avec la Fegapei, alors qu’il s’agit de l’Apei de l’Aube. Nous prions nos lecteurs de bien vouloir nous en excuser.
(3) Le calcul du nouveau forfait « dépendance » prend désormais en compte le GIR (groupe iso-ressources) moyen pondéré (GMP) de l’établissement, sa capacité d’hébergement et la valeur du point du GMP départemental.