« Un décret qui fait plouf ! », a ironisé le Comité pour le droit au travail des handicapés et l’égalité des droits (CDTHED) après la publication, le 10 mai, d’un décret relatif aux droits à la retraite des personnes handicapées, qui instaure un mécanisme permettant de faire valider, sur la base des dossiers médicaux anciens, les périodes manquantes (voir ce numéro, page 34). « Beaucoup de travailleurs handicapés ne sont pas en mesure de fournir aujourd’hui les justificatifs de l’ancienneté de leur handicap dans les formes et les durées exigées par la réglementation, souligne le CDTHED. Ce décret était donc très attendu par les travailleurs qui espéraient pouvoir enfin partir en retraite anticipée pour handicap avec majoration de la pension de base. »
Selon le comité, « seul un nombre infime de travailleurs handicapés pourra véritablement bénéficier de cette mesure ». Première raison : la réintroduction, comme condition à remplir au moment de la demande de liquidation de la retraite, de l’ancien seuil de taux d’incapacité permanente (IP) de 80 %, « ce qui est incohérent par rapport à la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, qui a abaissé le taux requis de 80 % à 50 % ». Par ailleurs, « les périodes validables selon cette procédure ne pourront pas dépasser 30 % de la durée d’assurance requise ». Et, durant ces périodes, l’ancien critère RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) ne pourra pas être validé. Ce qui constitue une autre incohérence par rapport à la loi du 20 janvier 2014, qui reconnaît le critère RQTH pour les périodes antérieures au 1er janvier 2016. Enfin, il est prévu que l’examen des dossiers soit fait par une commission nationale dépendant directement des organismes de retraite, « ce qui pose une série de problèmes », selon le CDTHED : complications administratives et engorgement (une seule commission pour toute la France), partialité (les caisses sont juge et partie), inadaptation (les critères d’évaluation du handicap ne sont pas les mêmes que ceux des maisons départementales des personnes handicapées), absence de procédure explicite d’appel…
Le CDTHED renouvelle donc ses revendications(1). D’abord, le rétablissement de la prise en compte du critère RQTH pour la retraite anticipée des travailleurs handicapés, avec majoration de pension, comme c’était le cas avant la loi du 20 janvier 2014. Il demande aussi d’ouvrir « la possibilité de justifier, pour le droit à la retraite anticipée, le handicap et son ancienneté par tout moyen de forme (RQTH, carte “station debout pénible”, notification d’invalidité première catégorie, pension militaire d’invalidité, rente pour accident du travail ou maladie professionnelle, etc.) ou de fond (dossiers médicaux), avec, en cas de doute, examen par une ou des commissions indépendantes des organismes de retraite, et possibilité de recours devant une juridiction impartiale ». Enfin, « en toute justice, tous les bénéficiaires de l’OETH (obligation d’emploi de travailleurs handicapés) comptés par les entreprises et les administrations pour éviter de payer une redevance devraient bénéficier de ce même droit ».
Moins critique, la FNATH (Association des accidentés de la vie) a salué la publication du décret du 10 mai, « malgré ses insuffisances ». Elle juge notamment que la mise en place d’une commission placée près de la CNAV (Caisse nationale de l’assurance vieillesse) « pour examiner la situation de la personne qui justifie des durées d’assurance requises pour la retraite anticipée des travailleurs handicapés sans pouvoir attester, sur une fraction de ces durées, de la reconnaissance administrative de son incapacité » représente « une avancée pour nombre de personnes ». Elle regrette cependant « que cette possibilité soit limitée aux personnes dont le taux est supérieur à 80 % et pour des périodes égales au maximum de 30 % de la durée d’assurance requise ».