C’est un bilan « contrasté » mais globalement critique du troisième plan « autisme » 2013-2017 que livrent les inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l’Education nationale (IGEN), dans un rapport d’évaluation remis récemment au gouvernement sur le départ(1). Ce document avait été commandé dans la perspective de l’élaboration d’un quatrième plan, annoncé – il y a un an, par l’ancien président de la République – pour le 1er janvier prochain, et qu’il incombera donc aux nouvelles équipes ministérielles de mettre en musique, en s’appuyant sur les préconisations de la mission.
Certes, le plan a été fondé sur des recommandations de bonnes pratiques, reconnaissent les deux inspections, et s’est imposé comme « référence pour les acteurs nationaux et territoriaux », mais il a aussi pâti de « fragilités dans sa construction et sa gouvernance ». Et si son pilotage a pu bénéficier de la création, en 2011, des agences régionales de santé (ARS), il a parallèlement été contrarié par les réorganisations territoriales en cours et l’organisation interne des ARS, cloisonnée et peu propice aux démarches transversales. En outre, « les recommandations de bonnes pratiques demeurent contestées dans certains établissements sanitaires et médico-sociaux et parfois mal appliquées ».
Par ailleurs, si le plan a globalement contribué à fixer la politique publique en matière de parcours des personnes autistes, en cadrant notamment le dispositif de repérage et de diagnostic, c’est « avec des résultats très hétérogènes », souligne le rapport IGAS-IGEN, en évoquant une mise en œuvre qui « peine à se structurer, avec un nombre encore très insatisfaisant de diagnostics et des délais d’obtention parfois considérables ». Qui plus est, « la continuité des parcours, l’homogénéité des accompagnements des personnes avec autisme et l’accès aux soins somatiques essentiels sont plus difficilement pris en compte ».
Résultat : du côté des enfants, force est de constater qu’ils « ne bénéficient pas toujours de l’orientation la plus appropriée au regard de leurs besoins » et, dans le cas contraire, que c’est sans garantie quant à la pertinence des actions engagées, « faute de compétences disponibles (éducateurs, professions paramédicales, etc.) et de financement, malgré le développement des PCPE », les pôles de compétences et de prestations externalisées créés en 2016(2).
Mais la situation la plus sombre concerne les adultes, constatent l’IGAS et l’IGEN, quelques semaines après la remise du rapport « Schovanec », qui ouvrait, en mars dernier, des pistes pour rattraper le retard français en matière d’emploi des personnes autistes(3). « Le troisième plan n’a pas établi un cadre solide d’action concernant les adultes et les familles », déplorent les rapporteurs, « si bien que les réalisations en matière d’intervention pour les adultes sont non seulement très en retard et insuffisamment diversifiées, mais celles à l’égard des familles sont trop éloignées de leurs attentes », notamment en matière d’aide aux aidants. Certes, l’une des principales mesures du troisième plan « autisme » concernait la formation des aidants familiaux, qui « a connu un développement conséquent », mais « les besoins des familles confrontées à l’autisme supposent des mesures plus importantes, allant de la guidance parentale dès la suspicion ou l’annonce du diagnostic, à l’accompagnement y compris à domicile par les structures d’accueil, jusqu’à l’éducation thérapeutique ». Sans oublier que les questions de répit y sont abordées « sous le seul angle de l’accueil temporaire, sans prendre en compte la diversité des situations vécues ».
Un constat sans concession dont Ségolène Neuville, alors secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, a pris acte, dans un communiqué du 5 mai, en déclarant que la mission « a reconnu que le troisième plan n’avait pas su investir suffisamment le champ des adultes, et formule de nombreuses propositions visant à améliorer leur accompagnement, en lien avec les autres politiques publiques menées sur le champ du handicap, dans l’emploi accompagné ou l’habitat inclusif ».
Parmi les points du rapport relevés par Ségolène Neuville, figure donc « la nécessité d’améliorer le soutien aux familles, en proposant de renforcer la guidance parentale, de généraliser l’obligation d’accompagnement de celles-ci par les établissements et services médico-sociaux, ou de créer de nouvelles plateformes spécialisées dans l’offre de répit ». Mais aussi le fait que « la mission appelle à poursuivre les efforts de formation des professionnels, notamment au sein du cursus initial, pour améliorer la qualité des interventions proposées en lien avec les recommandations de bonne pratiques professionnelles » élaborées en 2012 par la Haute Autorité de santé et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services médico-sociaux(4). Au final, « ce rapport va donc pouvoir nourrir les travaux d’élaboration du quatrième plan “autisme” », conclut l’ex-secrétaire d’Etat, « aux côtés du rapport de Josef Schovanec sur le devenir professionnel des adultes autistes, et des actes de la commission scientifique internationale réunie les 15 mars et 3 avril », et dont la constitution a répondu, par anticipation, à l’une des propositions de l’IGAS et de l’IGEN pour améliorer la connaissance des troubles autistiques.
Le quatrième plan « autisme » aura donc pour principaux objectifs, selon la mission d’évaluation, de « favoriser une meilleure inclusion de l’autisme dans la politique générale du handicap », de veiller « à ne pas disjoindre la question de l’autisme des autres troubles cognitifs et comportementaux volontiers regroupés aujourd’hui sous le terme de troubles du neurodéveloppement », mais aussi d’« insérer plus étroitement la politique de l’autisme dans la politique sanitaire et l’offre de soins » et, enfin, de « faire toute sa place au droit à l’éducation et aux apprentissages ». Aucune évaluation financière n’est avancée dans ce rapport, qui juge que « cette étape de la préparation du quatrième plan relève désormais d’un travail approfondi des services des ministères concernés ». Il note cependant que « l’essentiel des crédits du troisième plan était centré sur le développement des places » en établissements et services médico-sociaux alors que « la légitimité » du quatrième plan à venir reposera fortement sur sa capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs professionnels et associatifs, ce qui impliquera d’en « modifier substantiellement la gouvernance ».
(1) Rapport disponible sur