Dans un avis du 15 mars 2017, le Conseil d’Etat précise sa jurisprudence relative à l’invocabilité de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CEDH) – lequel garantit le droit au respect de la vie privée et familiale – pour contester le rejet, par le préfet, d’une demande de titre de séjour présentée exclusivement au titre de l’asile.
Les Hauts Magistrats rappellent en premier lieu que le préfet, lorsqu’il est saisi d’une demande de délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’une des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’est pas tenu, en l’absence de dispositions expresses en ce sens, d’examiner d’office si l’intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d’une autre disposition du code. Ainsi, saisi d’une demande d’autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l’asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n’est pas tenu d’examiner d’office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre.
Il n’y est pas tenu mais… le représentant de l’Etat a toutefois la possibilité de le faire, ajoute la Haute Juridiction. Il peut aussi, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire et si aucune disposition expresse ne le lui interdit, régulariser la situation de l’étranger en lui délivrant un titre de séjour « compte tenu des éléments de sa situation personnelle ».
Ceci étant posé, le Conseil d’Etat estime que, dans le cas où un préfet se borne à rejeter une demande d’autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l’asile, sans examiner d’office d’autres motifs d’accorder un titre à l’intéressé, ce dernier ne peut invoquer, pour demander l’annulation de ce refus, des moyens sans rapport avec la teneur de la décision contestée. Ainsi, un moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale est inopérant dès lors que l’invocation de ces stipulations est sans incidence sur la manière dont l’autorité administrative apprécie si les conditions à respecter pour se voir délivrer une autorisation de séjour au titre de l’asile sont remplies.
En revanche, lorsque le préfet exerce son pouvoir discrétionnaire en examinant d’office si l’intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur un fondement autre que celui dont il était initialement saisi, tous les motifs de rejet pourront être utilement invoqués par l’étranger pour demander l’annulation de la décision du préfet. Dans cette seconde hypothèse, l’étranger pourra donc notamment se prévaloir de la violation de l’article 8 de la CEDH.
Enfin, le Conseil d’Etat envisage un troisième cas de figure : quand le préfet a assorti sa décision de refus de séjour d’une obligation de quitter le territoire français. Dans ce cas, l’étranger peut toujours se prévaloir de la violation des stipulations de l’article 8 de la Convention pour contester cette obligation, quels qu’en soient ses motifs.