Portée par les partenaires sociaux, les associations et la société civile, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fait l’objet d’une grande attention de la part des pouvoirs publics. La dernière loi consacrée spécifiquement au sujet est celle du 4 août 2014 sur l’égalité réelle, qui généralise le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités dans tous les secteurs de la vie économique et sociale(1). Dans la branche, il existe également un cadre juridique très complet qui s’est construit au fil des années à la fois sur la négociation collective et la lutte contre les discriminations. « Toutes les entreprises, sans exception, sont soumises à l’obligation de prendre en compte les objectifs d’égalité professionnelle et de prévoir des mesures nécessaires », explique Séverine Salafia, conseillère technique en ressources humaines de l’Uriopss Pays de la Loire, coauteure d’une fiche détaillée sur le sujet à l’intention des structures adhérentes de l’union.
Malgré cela, les progrès sur le terrain sont insuffisants. « L’égalité professionnelle est le lieu de tous les paradoxes. Alors que tout le monde s’accorde sur le sujet, le nombre de normes s’accroît constamment, comme si cette conviction restait impuissante », estimait Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) lors d’un colloque organisé sur le sujet le 8 novembre dernier à Paris par l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES). Selon elle, il faut désormais jouer sur les mentalités et travailler sur les résistances culturelles aux mutations du travail des femmes, car les stéréotypes de sexe conduisent encore à une répartition binaire des compétences et des aptitudes, ainsi qu’à une hiérarchisation du masculin et du féminin.
« Les effectifs de la maison de retraite ne comptent que cinq hommes sur 70 personnes : deux à l’entretien et à la maintenance, un cuisinier, un veilleur de nuit et un médecin coordinateur, indique Anne Montassier, directrice de l’EHPAD Charles-Marguerite, à Aizenay (Vendée). Cette situation n’est pas un choix de ma part, elle est liée aux personnes qui postulent. » L’établissement est représentatif du secteur des personnes âgées où, en moyenne, neuf emplois sur dix sont occupés par des femmes (2). A l’inverse, le secteur social est un milieu plus masculin, avec 40 % des emplois occupés par des hommes. Au niveau de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, où s’exercent les métiers « traditionnellement réservés aux femmes », 75 % des emplois sont occupés par des femmes, contre la moitié environ pour l’ensemble des salariés en France.
Pour Anne Montassier, ce faible pourcentage d’hommes est une difficulté. « Avec le public que nous accueillons, la mixité est un avantage, estime-t-elle. La force physique est parfois nécessaire dans le cas des personnes désorientées, mais ce n’est pas la seule raison. C’est bien qu’il y ait des hommes et femmes dans le personnel pour prendre en charge des résidents des deux sexes. La mixité enrichit aussi les relations sociales. Dans nos établissements où cela bouge tout le temps, souvent un homme va savoir temporiser. Avoir une pluralité de regards est extrêmement positif. » Le petit levier dont la directrice dit disposer pour promouvoir la mixité et la lutte contre les stéréotypes est l’accueil de stagiaires : 22 au total en 2016, parmi lesquels de plus en plus d’hommes. Un jeune homme va aussi être recruté en service civique pour travailler avec l’animatrice à partir de juin.
Directeur du centre éducatif Tréméac, à Nantes, Guillaume Briend n’est pas préoccupé par la mixité de ses effectifs. « La fonction paternelle peut être exercée par une femme, et inversement, précise-t-il. Ce qui compte est la posture éducative et l’incarnation, au-delà du genre, des rôles de père et de mère. » Il se dit en revanche très vigilant à l’égard des logiques d’égalité. Fin 2016, il a établi un plan d’action pour l’égalité professionnelle dans sa MECS. S’il s’agissait pour lui de se mettre en conformité avec la loi, la démarche s’inscrivait dans la continuité du dialogue social dans l’association. « Dans notre secteur, il n’y a pas de grandes inégalités de salaires, pas de gros écarts comme on peut observer ailleurs dans le privé, assure Guillaume Briend. Les postes de cadres sont en parité, c’est vrai que cela ne reflète pas le rapport femme-homme des effectifs, mais c’est une avancée. » L’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale a été un autre domaine particulièrement examiné, avec en particulier des demandes pour favoriser l’accès aux temps partiels. En baisse depuis le début des années 2000, le taux de temps partiel dans le secteur est néanmoins supérieur à la moyenne nationale et concerne majoritairement les femmes. Une durée de travail souvent imposée, mais aussi réclamée. « Il n’est pas toujours simple d’accéder aux demandes dans des maisons d’enfants où la continuité de service s’impose, précise Guillaume Briend. La limitation des réunions trop matinales ou tardives ou l’aménagement de l’emploi du temps pour la rentrée scolaire sont parmi les actions qui figurent dans le plan. Nous étions déjà très attentifs à ces questions, mais le fait de les formaliser les inscrit dans le temps. »
Les obligations légales stimulent la réflexion. « La réglementation sur l’égalité professionnelle est importante, mais il y a une différence dans son traitement entre les grandes organisations qui ont un service dédié aux ressources humaines et la petite structure où le directeur est seul », note Séverine Salafia, conseillère technique en ressources humaines de l’Uriopss Pays de la Loire. Pour leur venir en aide, les managers ne manquent pas de documentations. Le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports vient par exemple d’actualiser son guide « Développons l’égalité femme-homme dans les associations »(1). L’UDES a également publié un guide pratique dans la foulée de l’accord du 27 novembre 2015 qu’elle a signé avec l’ensemble des syndicats(2). Cet accord demande notamment aux branches professionnelles, et notamment à la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, d’ouvrir des négociations sur le sujet dans les deux ans après la date de son extension.
« Les effectifs de notre association s’élèvent à 332 personnes (270 équivalents temps plein), dont 80 % de femmes. Nous attendons l’agrément pour l’accord collectif en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes que nous avons conclu fin décembre 2016 pour trois ans avec la CFDT et la CGT et qui s’appliquera dans 17 établissements et services médico-sociaux répartis dans Angers et sa périphérie. Cet accord, qui renouvelle un premier accord d’entreprise signé en 2012, tient compte de l’évolution de la législation. Les négociations avec les syndicats se sont déroulées sans difficulté, car il s’agissait surtout de mettre à plat ce que nous avons déjà accompli pour promouvoir l’égalité professionnelle. Dans les deux documents, on retrouve beaucoup de points identiques, tel le recrutement. Il est l’aboutissement d’un processus de sélection assurant une lisibilité qui permet de montrer l’absence de discrimination. Pour chaque poste en CDI, le nombre de candidatures et le nombre de candidats reçus en entretien sont notés avec la proportion d’hommes et de femmes. Tous les ans, je fais le point sur ce type d’indicateurs dans le cadre du bilan social. Nous avons été plus précis dans le nouvel accord en matière de conditions de travail. Nous rappelons aussi les droits des salariés, par exemple en cas de grossesse. Les inscrire dans ce document est une manière de mieux les faire connaître. Un objectif de respect de la mixité au sein des instances représentatives du personnel a été ajouté : les listes de candidatures aux élections professionnelles seront composées de 80 % de femmes et de 20 % d’hommes. Ces questions d’égalité professionnelle, si chacun y est sensible, ont été mieux identifiées grâce à l’accord. Elles suscitent beaucoup d’échanges et de débats, en particulier en comité d’entreprise. J’ai communiqué auprès des IRP sur notre préoccupation sur l’introduction de la mixité au niveau des cadres dirigeants, principalement masculins. Nous nous sommes dit qu’il faudrait être davantage à l’image de l’ensemble du personnel et être attentif, à compétences égales, aux candidatures féminines. »
(1) Voir ASH n° 2889 du 26-12-14, p. 45 et n° 2890 du 2-01-15, p. 31.
(2) Toutes les données sont issues de l’enquête « Emploi » 2012 d’Unifaf. Une enquête « Emploi » 2017 est en cours.
(1) Disponible sur goo.gl/YOXjc7.
(2) Disponible sur goo.gl/lEBexF.