Tout est parti de mon histoire personnelle. Je suis maman d’un garçon de 12 ans qui a une forme sévère d’autisme. Bien qu’il soit suivi dans un très bon IME [institut médico-éducatif] et scolarisé en milieu ordinaire à temps partiel, j’ai fait le constat, avec les équipes qui l’entouraient, que nous manquions d’outils prêts à l’emploi. Je passais moi-même beaucoup de temps à fabriquer du matériel avec des découpages, des collages, et je me suis dit qu’il suffirait d’avoir un programme approprié pour gagner en temps et en énergie. J’avais aussi constaté que mon fils était très intéressé par les tablettes, il se concentrait plus facilement dès qu’il en avait une entre les mains. D’où mon envie de donner aux parents et aux professionnels un support simplifié pouvant apporter de nouvelles solutions d’apprentissage, quelle que soit la situation géographique ou sociale de l’enfant. Aujourd’hui, nos 15 000 fiches de travail et de jeux optimisent l’accès des jeunes aux savoirs, font gagner en temps de préparation et en précision pour l’évaluation.
C’est là notre principale différence avec les autres applications destinées au public avec handicap cognitif : nous proposons des activités éducatives en prise directe avec les programmes scolaires de l’Education nationale. PreSchool correspond aux classes avant le CP, School aux niveaux CP, CE1 et CE2. Le support est pensé et amélioré par des personnes issues des métiers de l’éducation et des sciences sociales : psychologues, orthophonistes, enseignants… Tout ce que nous proposons (neurosciences, psychologie du développement, sciences de l’éducation…) repose sur un réel fondement scientifique.
Au départ, l’idée était centrée sur les enfants autistes, mais nous nous sommes vite fait dépasser… et c’est une bonne chose ! En 2016, à la fin de l’expérimentation, plus de la moitié des personnes qui testaient l’application n’avaient pas de troubles du spectre autistique. C’est d’ailleurs logique : dans les établissements, autistes et non-autistes se côtoient et travaillent souvent ensemble. Il était injuste qu’un dispositif soit réservé aux uns et interdit aux autres. Comment créer une société inclusive en mettant les personnes handicapées dans des silos ? Cela serait contradictoire ! Les professionnels se sont aperçus que cet outil pouvait aider des profils auxquels nous n’avions pas pensé, comme des jeunes non porteurs d’autisme mais mis en échec à cause d’un matériel scolaire inadapté à leur rythme. L’application peut donc être utilisée dans les classes ordinaires pour favoriser les apprentissages de tous.
Notre principal défi est d’apporter ces outils au plus grand nombre. J’aimerais les rendre accessibles à tous, indépendamment de la situation financière des familles et des établissements. Il faudrait pour cela que cette approche logicielle soit inscrite dans les lignes budgétaires classiques des établissements. Nous pourrions imaginer une homologation des solutions proposées dans ce domaine, comme c’est le cas pour les médicaments, qui doivent bénéficier d’autorisations avant d’être mis sur le marché.
Nous aimerions aussi que nos applications et les résultats qui en découlent aident à faire progresser la recherche scientifique, afin de mieux comprendre l’autisme. Marion Wolff, maître de conférences spécialisée en ergonomie au CNRS, et Sylvain Moutier, professeur de psychologie du développement à l’université Paris-Descartes, nous aident déjà à établir des protocoles pour évaluer les parcours d’enseignement et nourrir à notre tour la recherche.