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Refuser l’« intrusion systématique dans la vie privée des précaires »

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Un collectif de précaires de l’agglomération grenobloise organise, le 13 mai à Grenoble, les « premières assises de la dignité », pour mettre les difficultés liées aux minima sociaux au cœur du débat des élections législatives. Explications de Bruno Gerfand, membre du collectif.
Comment cette initiative est-elle née ?

Notre collectif est issu des forums RSA de l’Isère, créés par le conseil départemental à partir de 2010 pour permettre aux allocataires d’exposer leurs difficultés ou leurs propositions. Nous avons en particulier étudié quatre freins pouvant nuire à la réinsertion sociale et professionnelle des allocataires, des sujets devant être réglés à l’échelle nationale, contrairement aux politiques d’insertion, qui relèvent des départements. Ces réflexions ont fait l’objet, en 2015, de questions écrites de députés de l’Isère au gouvernement. La sénatrice Annie David (groupe communiste, républicain et citoyen), qui a par ailleurs déposé des amendements au projet de loi de finances pour 2017, rejetés au motif de l’« irrecevabilité financière » prévue par l’article 40 de la Constitution, a obtenu que nous soyons auditionnés, le 13 septembre dernier, par le sénateur Philippe Mouiller (Les Républicains), rapporteur pour avis du budget « solidarité insertion » à la commission des affaires sociales. Ne voyant pas venir d’avancées, nous avons, avec une autre membre du collectif, allocataire de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), et Anne Benoit-Janin, sociologue qui a animé plusieurs forums RSA de l’Isère, décidé d’organiser des assises nationales de la dignité, ouvertes aux problématiques de tous les minima sociaux. Le centre communal d’action sociale de la ville de Grenoble nous a soutenus et nous avons invité plusieurs associations, dont le Secours catholique, la Fédération des acteurs de la solidarité, la Fondation Abbé-Pierre, l’Odenore [Observatoire des non-recours aux droits et services], Terra nova ou le Mouvement français pour un revenu de base. Nous avons contacté plusieurs candidats aux législatives pour les sensibiliser au sujet.

Quels sont vos constats sur le RSA ?

L’un des sujets que nous avons portés auprès des parlementaires est celui du forfait logement prélevé sur le montant du RSA et de la prime d’activité. Ce prélèvement, qui concerne tous les allocataires, sauf ceux qui sont sans abri ou vivent en foyer, réduit le montant du RSA socle à 472 € au lieu de 536 €. Même les propriétaires occupants ou occupants à titre gratuit, qui ne touchent pas d’aides au logement, sont concernés. Cela veut dire que peu de personnes bénéficient d’un RSA complet. Autre difficulté : les personnes en couple sont pénalisées, puisque leur allocation va diminuer en fonction des revenus de leur concubin, alors que le concubinage n’est pas reconnu au niveau fiscal. Au sein d’un couple, deux personnes au RSA vont voir leur allocation coupée en deux ! Cela favorise l’isolement des allocataires et incite à la fraude. Tout comme le fait que l’épargne des allocataires soit taxée à 3 % par an, dès le premier euro placé, à un taux supérieur au taux de rémunération proposé par les banques. A une personne qui épargne 10 000 €, par exemple, il sera demandé 0,25 % de cette somme par mois, soit 25 €, ce qui est beaucoup lorsque l’on gagne moins de 500 € et que l’on peut compter sur cet argent mis de côté pour couvrir des imprévus. Quatrième injustice : les allocataires du RSA ne valident pas de points de retraite, ce qui fait que beaucoup doivent attendre leurs 67 ans pour toucher leur pension à taux plein, même s’ils ont commencé à travailler très jeunes.

Que proposez-vous ?

L’individualisation du RSA pour le calcul de son montant, la suppression du forfait logement et une autre façon d’étudier, de manière distincte, les aides au logement, la validation de trimestres de retraite et la taxation de l’épargne à partir d’un plafond et selon un taux aligné sur celui du Livret A. Beaucoup de tribunaux administratifs invalident l’application de la taxation de 3 % de l’épargne des allocataires, et cette question pourrait très bien faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Plus globalement, la complexité administrative du dispositif entraîne une intrusion systématique dans la vie privée des précaires et est source de stigmatisation. L’idée du revenu universel avait au moins le mérite de supprimer le système intrusif des déclarations trimestrielles de ressources et de déclaration du capital. Une simplification des dispositifs serait positive pour tout le monde, y compris l’administration, à condition qu’elle ne fasse pas de perdants parmi les allocataires.

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