Le plan national de réduction des nuitées hôtelières 2015-2018, piloté par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), qui avait été présenté en février 2015 par l’ancienne ministre du Logement, Sylvia Pinel, affiche deux objectifs principaux : mettre fin à l’augmentation de l’hébergement à l’hôtel et offrir aux familles des conditions d’hébergement « plus dignes et mieux adaptées à leurs besoins ». Le dernier bilan officiel, correspondant au 6e comité de pilotage du plan, qui date déjà de septembre 2016, contient des éléments encourageants : plus de 6 000 places créées dans l’hébergement généraliste et le logement adapté (intermédiation locative, résidences sociales…) et, pour l’année 2016, 12 000 places d’hébergement ouvertes pour les demandeurs d’asile. Le bilan fait la distinction entre les dispositifs et les publics selon les budgets dont ils relèvent. La hausse du nombre d’ouvertures de places en hôtel, certainement le marqueur le plus important, est passée de + 17,5 % sur la période 2014-2015 à + 8 %, selon la DIHAL, pour la période 2015-2016. Pour repère, le total des places était de 20 727 en 2012 pour atteindre le double en 2016, exactement 41 044.
Ninon Overhoff, chargée de mission du service « hébergement-logement » à la Fédération des acteurs de la solidarité, qui participe au comité de pilotage du plan, nuance l’aspect positif de ces résultats : « Ce ralentissement de la hausse cache de grandes disparités territoriales, avec par exemple – 19,1 % de consommation hôtelière en région Hauts-de-France, mais + 42,2 % en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et une augmentation dans des territoires qui étaient jusqu’alors préservés. » Concernant les solutions alternatives à l’hôtel, Ninon Overhoff souligne que les 6 000 places créées sont encore loin de l’objectif des 13 000 annoncé par le plan, « alors qu’on est déjà aux deux tiers du calendrier ». Et de souligner que « les nuitées d’hôtel ne sont qu’une partie du problème de l’hébergement d’urgence, complètement embolisé ».
Philippe Dallier, sénateur Les Républicains de la Seine-Saint-Denis et auteur, fin 2016, d’un rapport d’information sur l’hébergement d’urgence(1), enfonce le clou : « On n’a toujours pas inversé la courbe ! » Dans son rapport, il présente l’orientation vers l’hôtel comme « une solution médiocre et chère », avec un coût moyen de 17,50 € en Ile-de-France et d’un peu plus de 23 € à Paris. De plus, pour le sénateur, la problématique est inscrite dans un calendrier très contraint par les échéances électorales, « les solutions ne pouvant venir que d’une prochaine loi « logement” ». De son côté, Ninon Overhoff s’inquiète de l’absence de programmation d’un nouveau comité de pilotage du plan, une situation qui pourrait laisser les efforts engagés en suspens.
Pour renverser la situation, Philippe Dallier ne « croit pas à la solution miracle tant que le bout de la chaîne jusqu’au relogement, soit la construction, est en panne », et mise davantage sur « un contrôle de chaque maillon », notamment celui des modalités d’accueil dans les hôtels, comme la promotion des chartes de qualité, à défaut de ne plus y avoir recours. Par ailleurs, le sénateur valide la solution du rachat d’hôtels par des opérateurs publics, actuellement à l’étude, qui « permettrait à la fois de faire baisser les coûts d’hébergement et de mieux accueillir les personnes ». Après avoir remporté un appel d’offres de l’Etat, la filière immobilière de la Caisse des dépôts (le groupe SNI) a annoncé sa volonté d’acquérir, en s’appuyant sur un fonds d’investissement privé, 75 résidences hôtelières (environ 10 000 places, dont la moitié en Ile-de-France). Une fois rénovés, les hôtels seront confiés à Adoma(2), spécialiste de l’insertion par le logement, qui sera chargé des prestations d’hébergement et d’accompagnement social.
(1) L’hébergement d’urgence sous forte tension : sortie de la gestion dans l’urgence – Rapport d’information n° 193 de Philippe Dallier fait au nom de la commission des finances, déposé au Sénat le 7 décembre 2016 – Voir ASH n° 2989 du 23-12-16, p. 5.
(2) Société d’économie mixte, ex-Sonacotra.