La loi du 7 août 2015 portant « nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) a imposé aux départements et aux nouvelles métropoles créées par la loi « Maptam » du 27 janvier 2014 le transfert ou la délégation d’un certain nombre de leurs attributions des premiers vers les secondes. Au-delà du principe général qui permet à une collectivité de déléguer à une autre l’exercice d’une compétence, l’article 26 de la loi « NOTRe », devenu article L. 5217-2 IV du code général des collectivités territoriales, dispose que, « par convention passée avec le département, la métropole exerce […] tout ou partie des groupes de compétences suivantes. » Suit une liste de huit ensembles d’attributions, parmi lesquelles les deux collectivités devaient en choisir au moins trois, l’imparfait s’imposant ici puisque les conventions devaient être signées avant le 1er janvier 2017. Les huit groupes de compétences concernaient les aides du FSL, l’action sociale, le programme départemental d’insertion, l’aide aux jeunes en difficulté, la prévention spécialisée, les personnes âgées, le tourisme et la gestion des collèges. Rappelons qu’à défaut de s’entendre, c’est la totalité des attributions qui aurait été autoritairement confiée aux métropoles. On le voit, le succès ou l’échec de la négociation n’étaient pas anodins et sans conséquences.
Au terme de l’exercice, quels ont été les transferts ou délégations effectivement décidés, en ne prenant en compte que ceux qui entrent dans le champ de l’action sociale ? Selon les éléments d’information fournis par l’association France urbaine ou encore par La Gazette des communes, deux types de compétences ont été plébiscités par les conseils départementaux et métropolitains : d’une part, le fonds de solidarité pour le logement (FSL), d’autre part, les fonds d’aide aux jeunes en difficulté. La prévention spécialisée a été moins prisée et ne sera transférée que dans un nombre plus réduit de cas.
En revanche, tant l’« action sociale » que les « personnes âgées » ou le « programme départemental d’insertion » ont été délaissés par les métropoles ou, vu dans l’autre sens, conservés par les départements : au fond, ce qui fait le cœur du « social départemental » n’a guère attiré d’un côté, à moins que, de l’autre, on ait voulu éviter à tout prix une forme d’évidement de la collectivité départementale. Car si l’on constate qu’aucune métropole ne s’est portée candidate pour s’engager fortement dans le noyau dur de l’action sociale, les départements ont pour leur part résisté pour conserver leurs attributions.
Reste alors à se demander quelle signification et quelle portée peuvent revêtir les transferts généralisés du FSL et des fonds d’aide aux jeunes, complétés parfois de la prévention spécialisée.
Il convient de remarquer qu’il s’agit en réalité de trois dispositifs relativement à la marge des grands blocs sectoriels que gèrent d’un côté les départements et de l’autre les métropoles. On peut voir dans ces choix une rationalité fondée sur la prudence de façon à ne pas s’engager, pour les métropoles, dans des gestions lourdes et largement inconnues pour elles et, pour les départements, à ne pas bouleverser leurs équilibres internes ou déstabiliser leurs services et leurs personnels, dans un contexte déjà passablement perturbé et incertain pour ces collectivités ?
Si les départements concernés ont pu penser n’y perdre rien, ou presque, voire trouver là l’occasion de se défaire de la prévention spécialisée, qui est de longue date en délicatesse avec beaucoup d’entre eux, les trois domaines revêtent pour la métropole une certaine cohérence avec ses autres attributions : les politiques de la ville, le logement et l’habitat, ainsi que les politiques « jeunesse ». Ces transferts peuvent aisément passer pour des adjuvants légitimes des politiques urbaines dont l’échelon métropolitain est appelé à devenir un acteur central.
Il reste que ce n’est pas par là que va passer une refonte, pourtant nécessaire, des politiques d’action sociale à l’heure de leur nécessaire « territorialisation », qui requièrent de les connecter à des politiques plus larges de développement économique et social, mais aussi de l’« inclusion ». On reste dans les logiques en silos verticaux, qui privent les acteurs de l’action sociale d’un minimum de maîtrise des phénomènes qu’ils ont à traiter : la socialisation des jeunes, la formation, l’emploi, les conditions de vie et d’habitat. Selon la vieille logique héritée, l’action sociale se situe toujours à devoir gérer, en bout de chaîne, les conséquences de problèmes générés en amont. Mais c’est le logiciel entier qu’il faudrait revoir. Et ces modestes redistributions des rôles et des fonctions ne sont pas à la hauteur des enjeux.