Un processus, une maïeutique, que je qualifie d’éthique en ce sens que le médiateur n’a pas de pouvoir. Il le rend aux médiés en leur permettant de retrouver le chemin du dialogue. L’essence de ce processus est de donner la même dignité à la parole de chacun des deux médiés. Que ce soit celle d’un médecin ou celle d’un patient qui peut paraître socialement plus humble. C’est une communication éthique. Tout le travail du médiateur sera de faire que l’un comprenne les incompréhensions de l’autre. Celui-ci a quatre fonctions : la création et la réparation du lien social, la prévention des conflits et leur règlement.
Le médiateur doit être un tiers et non un faux-nez. Ce qui nécessite qu’il soit indépendant vis-à-vis des médiés. Il doit avoir une attitude impartiale à l’égard des personnes, neutre à l’égard des résultats, sans essayer d’imposer ce qui lui paraît être une bonne solution ou la réponse à l’objectif du législateur. Le processus de communication éthique repose sur la liberté et la responsabilité des personnes concernées, sans obligation. Les médiés ne doivent pas être passifs : c’est pourquoi, quand j’interviens dans le cadre d’une médiation, je demande 1 € à chaque médié. C’est une manière d’accréditer l’idée que l’on n’est pas dans une logique de service public, mais dans celle, citoyenne, de reprise en main de la situation.
Elle n’est pas une conciliation, définie comme la manière de parvenir à l’accord amiable entre deux personnes, quitte à évacuer les sujets qui fâchent. La conciliation est binaire, la médiation est ternaire – il faut absolument un tiers. La médiation « maison » que propose une banque ou un médiateur de la République est donc une contrefaçon. Le médiateur doit être indépendant des médiés.
Plus qu’une parenté, il y a une unité fondamentale. L’adjectif qualificatif ne peut pas modifier le substantif. C’est d’ailleurs un danger d’ajouter un qualificatif : cela accrédite l’idée que les médiations ne sont pas de même nature. Avec le risque de ne pas leur donner le même régime juridique.
A force d’imprécisions terminologiques, les lois françaises ont confondu médiation et conciliation et ont labellisé la contrefaçon de la médiation. Dans la loi du 4 janvier 1993 instituant la médiation pénale, tout se passe comme si le juge déléguait sa fonction de conciliateur. Celle du 8 février 1995 institue la médiation et la conciliation judiciaires sans donner de critères de distinction. Les textes législatifs ne s’intéressent qu’à la fonction de règlement des conflits de la médiation – qui ne représente que 1 % des médiations à l’échelle européenne. Pourtant, le médiateur est défini de manière très précise dans des textes auxquels j’ai collaboré, notamment les principes déontologiques adoptés par le Conseil national consultatif de la médiation familiale ou le code national de déontologie du médiateur de 2008. Malheureusement, il n’y a pas de capitalisation des acquis. Il est urgent de créer un observatoire interministériel pour fournir aux pouvoirs publics des données qualitatives et quantitatives et garantir la démarche « qualité » de la médiation.
(1) Elle est aussi directrice de l’Institut de médiation Guillaume-Hofnung et auteure de l’ouvrage La médiation (Que sais-je ? n° 2930) (2015).