« Je suis quelqu’un qui se forme sur le terrain, observe et se nourrit beaucoup des professionnels rencontrés, résume Pierre-Emmanuel Nicolau, directeur d’un CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) et d’un dispositif pour l’accueil et l’accompagnement de réfugiés syriens réinstallés que gère le Groupe SOS à Nantes. C’est de collègues, de partenaires et de responsables que j’ai appris comment défendre un projet, m’adresser à un élu, nouer des relations partenariales… »
L’homme témoigne d’un début de carrière original. Il a d’abord été moniteur d’auto-école pendant quatre ans. « Je me suis vite attaché à accompagner les personnes le plus en précarité, précise-t-il. C’était un plaisir de les voir obtenir leur premier diplôme et de participer à une forme d’insertion. » Pierre-Emmanuel Nicolau opte ensuite pour un cursus d’assistant social (AS) – il suit une formation à l’ENSO (Ecole normale sociale de l’Ouest) – et part faire ses débuts dans la fonction en… Grande-Bretagne, où sa compagne vient d’obtenir un poste. Il exercera dix-huit mois en protection de l’enfance puis auprès d’un service d’aide à domicile pour des personnes handicapées psychiques. « Cette confrontation de nos handicaps, eux qui m’aidaient sur la langue anglaise et moi sur l’accompagnement au quotidien, était très riche. » De retour en France, il enchaîne six ans à Paris comme AS dans différents secteurs (soutien à la parentalité, aide à l’insertion et à l’autonomie, protection de l’enfance…) au sein de l’association Aurore.
« Avec la question du logement, je me suis intéressé à la représentation au sein de collectifs, poursuit le quadragénaire. Batailler ensemble pour les personnes qu’on accompagne et leur accès au droit commun, cela a été la découverte d’un autre moyen d’agir. » Il s’implique ainsi auprès de la plateforme interassociative pour le logement sida (PILS) et devient également le représentant d’Aurore dans la Fédération nationale d’hébergements VIH & autres pathologies ainsi qu’à la Coordination d’Ile-de-France des appartements de coordination thérapeutiques (ACT).
En 2007, ce père de famille s’est réinstallé à Nantes pour lancer un projet d’ACT, toujours pour Aurore. Chef de service, il y bénéficie d’une grande autonomie, à distance de son employeur parisien. « J’ai cherché à explorer les besoins, à proposer des expérimentations, à innover tout en étant dans la coopération avec les partenaires locaux. » Création d’une équipe mobile pour les personnes en précarité atteintes d’un cancer, familles relais pour les personnes séropositives, accueil temporaire pour demandeurs d’asile… les projets se multiplient.
Pierre-Emmanuel Nicolau avance dans la hiérarchie, se forme. Il obtient en 2014 un master en ingénierie et gestion des interventions sociales et médico-sociales, puis le Cafdes en 2015. Avant de quitter Aurore pour son actuel poste au Groupe SOS. « Cela n’a pas été facile, j’envisageais de quitter un employeur qui m’avait donné beaucoup de liberté pour entreprendre et créer, j’ai craint le conflit de loyauté. Mais j’avais envie de me confronter à d’autres publics, de découvrir la manière de travailler d’un autre groupe. »
Et d’y importer aussi sa propre marque : « Pierre-Emmanuel fonctionne en mode participatif, résume Jean Orio, directeur retraité chez Aurore, qui a travaillé auprès de lui jusqu’en 2012. Ce n’est pas quelqu’un d’autoritaire. Il demande toujours l’avis de l’équipe avant de prendre une décision et explicite ses choix. » Une façon également de créer des conditions de travail qui vont favoriser l’implication de tous dans la construction ou l’amélioration d’un service au quotidien. « Si l’ambiance est là, des idées qui deviendront peut-être de nouveaux outils peuvent fuser aux moments les plus inattendus. »