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Les balbutiements du compte personnel d’activité

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Destiné à sécuriser les parcours professionnels, le compte personnel d’activité est encore mal connu des salariés. Et l’environnement institutionnel ne favorise guère un déploiement optimal de ce dispositif.

Présenté comme « la réforme majeure du quinquennat », le compte personnel d’activité (CPA) est entré en vigueur le 1er janvier dernier. Ce dispositif de la loi « travail » regroupe trois outils : le compte personnel de formation (CPF), le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P)(1), en place depuis le 1er janvier 2015, et le compte d’engagement citoyen (CEC) (voir encadré). Conçu par le gouvernement comme « l’instrument d’une plus grande liberté dans la construction de son parcours professionnel », le CPA est sous le contrôle du salarié, qui décide de l’activer et de l’utiliser quand il le souhaite.

Les besoins de qualification sont une réalité

Dans les organisations du secteur social et médico-social, pourtant, l’outil « ne passionne vraiment pas les foules, ni même les instances représentatives du personnel [IRP] ou les syndicats », constate le directeur des ressources humaines (DRH) d’une grosse association du champ du handicap. « Il y a un an, j’avais fait un sondage à main levée : à peine la moitié des salariés avaient créé leur identifiant sur la plateforme du CPF », raconte Sébastien Honoré, directeur du pôle « travail adapté » de l’Adapei (association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales) de la Vienne. Le dispositif, constate-t-il, n’est « pas encore assez connu », en dépit des efforts du service RH et de l’OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) Unifaf. « Les professionnels se tournent spontanément vers le plan de formation, sans penser à chercher d’autres financements – mais c’était déjà le cas pour le DIF [droit individuel à la formation]. » Pour un directeur général en protection de l’enfance, le compte personnel de formation « ne représente pas un enjeu majeur pour le secteur ». « Notre priorité stratégique est ailleurs », balaie-t-il.

Les besoins de qualification sont pourtant une réalité. En 2012, l’enquête « Emploi » d’Unifaf dénombrait 37 % de salariés sans qualification spécifique dans l’effectif total du secteur, et 75 % d’emplois de niveau V ou inférieur, hors personnel administratif, dans les structures pour personnes âgées. Un enjeu bien pris en compte au sein du groupe Korian – qui compte 290 EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) privés commerciaux en France –, notamment à travers la validation des acquis de l’expérience (VAE) : « Actuellement, nous accompagnons 322 salariés en VAE, pour la plupart en cofinancement avec notre OPCA Actalians via le CPF, détaille Sylvie Treffel, directrice de la Korian Academy, l’institut de formation du groupe. Et cela concerne l’ensemble de nos métiers : soin, cuisine, hôtellerie, accueil, administration… » Des parcours de management sont également proposés aux directeurs ou aux infirmiers coordinateurs. Encore faut-il, pour permettre la reconnaissance de ces formations dans la logique du CPF, que les commissions paritaires des OPCA et les ministères concernés aient découpé leurs diplômes en blocs de compétences. Une démarche qui, pour l’heure, demeure balbutiante et limite considérablement les effets du CPF.

Accès à la plateforme malaisé pour les salariés

Le compte personnel d’activité change surtout la donne pour les travailleurs d’établissements et services d’aide par le travail (ESAT) : depuis le 1er janvier, à la suite d’un article de la loi « travail », ces derniers bénéficient en effet du CPF, à raison de 24 heures de formation créditées par année d’admission, à temps plein ou partiel. « On se rapproche du droit commun », se félicite José Richier, directeur de l’Association dervoise d’action sociale et médico-sociale (ADASMS), en Haute-Marne, et responsable des questions de formation au sein d’Andicat (Association nationale des directeurs et des cadres d’ESAT). Mais quid de l’effectivité de ce droit ? « L’accès à la plateforme numérique est déjà malaisé pour les salariés ; les travailleurs d’ESAT ne pourront pas s’en sortir sans l’aide d’un professionnel », regrette José Richier. Rien que pour s’inscrire, l’internaute doit en effet valider les conditions générales d’utilisation, renseigner ses coordonnées, créer un mot de passe contenant cinq lettres, trois chiffres, une majuscule… La loi ne prévoit pas non plus de dispositions particulières s’agissant des formations éligibles. « Les cursus qualifiants ou certifiants promus par la réforme de la formation professionnelle ne répondent pas aux besoins ou aux capacités de tous nos publics, explique le représentant d’Andicat. Une logique d’entrée par blocs de compétences, déclinés à partir des référentiels, déclinés à partir de référentiels de certification, permettrait un développement de compétences dimensionnées au potentiel d’apprentissage des travailleurs d’ESAT. » Un discours porté par Andicat auprès d’Unifaf, de la direction générale de la cohésion sociale et de la CPNE-FP (Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle de la branche).

Le compte d’engagement citoyen

Revendication de longue date de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), la loi « travail » a créé un compte d’engagement citoyen, destiné à recenser les activités bénévoles ou de volontariat : service civique, réserve sanitaire, activité de maître d’apprentissage, siège au conseil d’administration d’une association… La déclaration à la Caisse des dépôts incombe à l’organisme concerné, sauf pour le bénévolat associatif : les intéressés doivent déclarer leurs activités sur le portail du CPA entre le 1er janvier et le 30 juin de l’année suivante. La procédure d’autodéclaration sur le portail du CPA sera effective dès le début de l’année 2018 afin de recevoir les premières déclarations au titre de 2017. Le CPF sera crédité de 20 heures forfaitaires par activité, et le total des heures acquises au titre du CEC est limité à 60.

Témoignage : Perrine Franzi DRH de l’EPNAK – Yonne et Essonne

Historiquement, l’Etablissement public national Antoine-Koenigswarter (EPNAK) compte 18 unités – instituts médico-éducatifs, services d’éducation spécialisée et de soins à domicile, établissements et services d’aide par le travail, maison d’accueil spécialisée… – et 500 salariés de droit privé. Depuis le 1er janvier, nous avons également intégré neuf écoles de reconversion professionnelle et un centre de préorientation, autrefois gérés par l’Office national des anciens combattants, dans lesquels travaillent 500 agents de droit public. La coexistence de ces deux statuts suppose une application différenciée des dispositifs du compte personnel d’activité (CPA).

En 2015, nous avons conduit un gros travail d’explication autour du compte personnel de formation (CPF), et nous avons écrit à chaque salarié individuellement pour l’informer de l’état de ses droits. En 2016, en lien avec la réforme de la formation, nous avons instauré les entretiens professionnels, mais l’appropriation reste difficile pour les salariés. La combinaison CPF-réforme de la formation induit un vrai changement de conception : il ne s’agit plus seulement de se former, mais de se projeter dans un parcours professionnel, éventuellement en dehors de l’établissement. Il faut du temps pour intégrer cette nouvelle donne. Nous allons donc organiser des réunions collectives d’information avec Unifaf, organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale. En matière de pénibilité, seul le travail de nuit dépasse les seuils de déclaration au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité, et cela concerne une dizaine de salariés.

Les agents de statut public que nous venons d’intégrer ont une bonne culture en hygiène et sécurité : chaque structure dispose de son référent « sécurité », les documents uniques d’évaluation des risques professionnels sont à jour… En matière de formation, en revanche, la situation est beaucoup plus contrastée. La plupart des centres n’avaient pas de plan ni de démarche systématique, n’étant pas soumis à une cotisation obligatoire. Leur affiliation à l’Association nationale de formation hospitalière (ANFH), OPCA de la fonction publique hospitalière, va permettre d’impulser une dynamique et de mettre très vite les agents et les salariés sur un pied d’égalité.

Notes

(1) Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 36.

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