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OASIS, un tremplin pour l’accès aux métiers sociaux

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Six centres de formation proposent une préqualification de quatre mois aux demandeurs d’emploi handicapés afin qu’ils accèdent aux diplômes du travail social. Baptisé OASIS Handicap et né de la coopération entre l’association OETH et l’Unaforis, le dispositif, qui enregistre de très bons résultats, est en cours de déploiement.

L’histoire commence en Languedoc-Roussillon, il y a plus de quatre ans. Didier Vinches, directeur de l’Institut de formation des cadres de l’économie sociale (Ifocas) de l’institut régional du travail social (IRTS) local, constate « l’accès très marginal » des personnes handicapées aux épreuves de sélection des formations sociales, notamment d’éducateur spécialisé. « La question était de savoir comment mieux les intégrer, comment accroître la mixité dans les métiers sociaux. Nous avions depuis quelques années l’expérience d’une préformation pour les personnes mal-entendantes. Nous avons imaginé une action pour toutes les formes de handicap », raconte celui qui dirige aujourd’hui le centre de formation d’apprentis spécialisé (CFAS) et la plateforme Synergie Handicap de Montpellier (Hérault). Lancé en 2012 avec le soutien financier du conseil régional et de l’association OETH (Obligation d’emploi des travailleurs handicapés)(1), le dispositif OASIS (Orientation accompagnement secteur intervention sociale) propose aux demandeurs d’emploi en situation de handicap une formation de préqualification aux métiers de niveaux IV et III du travail social.

Au terme de ces années d’expérimentation et au vu de ses résultats très positifs, l’association OETH passe une convention avec l’Unaforis (Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale) afin de déployer l’action au sein des établissements de formation de ce réseau. Après un premier appel à projet national 2015-2016, puis un deuxième pour 2016-2017, six centres de formation situés dans quatre régions (Ile-de-France, Normandie, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur) sont aujourd’hui engagés dans le projet, financé chaque année par OETH. Deux régions supplémentaires devraient rejoindre le dispositif dans le cadre du troisième appel à projet 2017-2018, dont les candidatures sont en cours d’examen. « Nous souhaiterions l’étendre à l’ensemble du territoire français d’ici à 2020 », espère Marie Maas, chargée de mission à l’association.

Le dispositif, pensé sur la base de l’alternance, comprend une période en centre de formation coupée par deux stages de trois semaines en établissement social ou médico-social, ce qui représente 210 heures de formation théorique et 210 heures de formation pratique. Quatre mois au total pour permettre aux candidats d’acquérir les compétences nécessaires afin d’entrer dans une formation sociale – du niveau V au niveau I – et de décrocher le diplôme correspondant. La formation de préqualification commence fin janvier avec un groupe de 15 personnes au maximum. Les candidats doivent être demandeurs d’emploi et avoir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Ils sont adressés par Cap emploi, Pôle emploi ou, pour les moins de 26 ans, par les missions locales. Sont admis (à partir de l’examen de leur dossier et d’un entretien) ceux auxquels le dispositif peut être utile. Les personnes trop éloignées des prérequis ou celles qui peuvent accéder directement aux concours d’entrée aux formations sociales ne sont pas retenues.

Des abandons rares

Cette formation préparatoire est organisée en quatre modules. Le premier, sur le « positionnement professionnel », permet d’étudier avec la personne son projet de formation et de vérifier sa faisabilité. « Nous y consacrons 70 heures, car il faut bien peser les choses au départ », explique Didier Vinches, qui est aussi coordonnateur national du dispositif. « Nous pouvons accepter parfois que quelqu’un hésite entre deux projets professionnels – par exemple entre la formation d’éducateur de jeunes enfants et celle d’éducateur spécialisé – et les prépare tous les deux. Mais ce cas est exceptionnel. La personne concernée a d’ailleurs passé les deux sélections. » Il arrive que certains soient réorientés, car la formation envisagée apparaît trop difficile au vu de leurs aptitudes : on pourra ainsi conseiller à un candidat qui voudrait être éducateur spécialisé de préparer d’abord une formation de moniteur-éducateur. Les conditions sociales et familiales sont également prises en compte. Les abandons, assez rares, se font à l’issue de cette période ou au début du stage. Les causes sont multiples : problèmes de santé, manque d’anticipation des contraintes liées à la formation (temps et coût de transport, enfants à faire garder), prise de conscience que le métier envisagé n’est pas adapté… Un deuxième module porte sur la connaissance du secteur sanitaire, social et médico-social, et de ses différents métiers, avec l’intervention de professionnels qui témoignent de leur travail au quotidien. Un troisième, consacré à la « posture professionnelle », aborde les fondamentaux du métier : comment écrit-on ? Comment élabore-t-on une analyse ? Enfin, un quatrième module vise à accompagner les personnes dans leur insertion professionnelle : recherche d’un contrat en alternance (contrat d’apprentissage ou de professionnalisation) – qui, parce qu’il permet d’étudier tout en étant rémunéré, est la voie de formation privilégiée pour ces publics dont beaucoup sont en reconversion professionnelle –, formation en voie directe ou mise en œuvre de la démarche de validation des acquis de l’expérience…

Si tous les instituts de formation suivent le cahier des charges du dispositif, ils bénéficient d’une certaine souplesse pour le mettre en œuvre. A Draveil (Essonne), l’institut médico-pédagogique (IMP) Marie-Auxiliatrice a choisi de faire travailler les participants sur les techniques de recherche d’emploi ou de stage en début de formation, car ce sont des exercices au cours desquels ils vont devoir valoriser leurs compétences. « La principale difficulté des participants est le manque de confiance en eux. Ils ne mettent pas en avant leurs activités de bénévole, ni leurs expériences personnelles », explique Christine Sornais, responsable de l’IMP et du projet OASIS. « Pourtant, ce qu’ils ont vécu du fait de leur maladie ou de leur handicap leur a permis de développer des compétences qu’ils peuvent mettre à disposition dans un cadre professionnel, à condition d’avoir pris un peu de distance. Malheureusement, ils ne s’autorisent pas généralement à valoriser leur savoir-faire et leur savoir-être. »

Le programme est aussi conçu de façon à pouvoir s’adapter à l’hétérogénéité des publics accueillis. Une promotion réunit des personnes de tous âges (même si la majorité a entre 30 et 50 ans), de tous niveaux scolaires, handicapées de naissance ou à la suite d’un accident ou d’une maladie. Cette hétérogénéité peut faire peur aux participants. « Ils m’ont avoué l’an dernier qu’au début ils craignaient de ne pas s’y retrouver. C’est l’inverse qui est arrivé ! Cette diversité a stimulé et remobilisé tout le monde. C’est un plaisir de travailler avec de tels groupes », relate Elisabeth Commare, responsable de la formation continue et du projet OASIS à l’IRTS-IDS (institut régional du travail social-institut du développement social) de Normandie. Loin d’être un problème, l’hétérogénéité entraîne le recours à des méthodes pédagogiques adaptées qui s’inspirent de l’éducation populaire et de l’éducation nouvelle, comme l’explique Arnaud Villepontoux, formateur au centre régional de formation aux métiers du social en Midi-Pyrénées de l’association Erasme et responsable du projet OASIS : peu de cours magistraux et des travaux en petit groupe « dans un climat de coopération qui prépare les participants à un métier où il faut être solidaire », souligne-t-il. « Je dis souvent en plaisantant qu’OASIS est notre laboratoire d’expérimentation pédagogique, lâche Christine Sornais. Il faut être capable d’innover et de trouver des méthodes qui puissent convenir à tout le monde. »

Lever certains freins

La responsable du centre Marie-Auxiliatrice explique faire appel à une danseuse pour travailler sur les techniques psycho-corporelles et apprendre à ces publics qui ont un vécu douloureux à communiquer avec leur corps. Elle fait aussi intervenir un formateur qui utilise des jeux de développement personnel pour amener les participants à réfléchir sur leur histoire et à identifier les raisons pour lesquelles ils la considèrent comme une force ou un frein par rapport au métier choisi. Afin de permettre l’échange des expériences, les responsables du projet dans les régions se réunissent quatre fois par an avec le coordonnateur national. Par ailleurs, une plateforme numérique gérée par l’Unaforis permet la mutualisation des informations.

Les participants doivent effectuer un stage de six semaines. Outre que les établissements sociaux et médico-sociaux sont déjà saturés par les nombreuses demandes de stagiaires, les délais de recherche sont très courts du fait de la durée de la préformation. L’association OETH essaie donc de mobiliser les établissements qui relèvent de l’accord de branche en organisant des rencontres régionales avec les employeurs et les demandeurs de stages. Encore faut-il lever certains freins. « J’ai découvert, l’an dernier, une certaine résistance à accueillir les stagiaires en situation de handicap sur les postes d’accompagnement, témoigne Christine Sornais. Il y a un travail à faire sur les mentalités dans notre secteur. » Pourtant, nombre d’exemples montrent que l’arrivée d’une personne en situation de handicap peut être un atout dans une structure. « L’an dernier, une jeune fille malvoyante et malentendante a été prise en stage dans une maison d’enfants à caractère social [MECS]. Les jeunes ont tout de suite vu son handicap, et elle a suscité le respect. Sa présence a eu un effet d’apaisement et a permis l’instauration d’une relation éducative beaucoup plus positive. Elle représente un exemple pour ces jeunes qui vivent aussi des difficultés, et l’équipe a gagné en solidarité », raconte Arnaud Villepontoux. La MECS l’a, depuis, embauchée en contrat d’apprentissage de monitrice éducatrice.

« Le premier atout de ces personnes, souvent en reconversion, est leur expérience professionnelle et leur maturité », estime pour sa part Karine Canayer, référente « handicap » du foyer d’accueil médicalisé (FAM) Le Hameau des horizons, à Clapiers, au nord de Montpellier. Cet établissement avait accueilli deux stagiaires d’OASIS avant de les garder comme apprentis, l’un en formation d’aide médico-psychologique et l’autre, de moniteur-éducateur. L’un des deux est déjà assuré d’être embauché dès qu’il aura son diplôme. Certes, les aides financières accordées par OETH sont incitatives : non seulement une enveloppe de 500 € est octroyée pour le temps de mise à disposition du tuteur, mais surtout l’employeur qui recrute en contrat d’alternance un stagiaire sortant du dispositif bénéficie d’une aide de 10 000 € par an. Mais l’intérêt du dispositif va bien au-delà, estime Karine Canayer, qui le juge bénéfique tant pour le travailleur handicapé que pour l’établissement : « OASIS donne lieu à de belles histoires et permet de belles rencontres humaines. »

Aides financières

Dans bien des cas, il n’est pas nécessaire d’aménager les postes. La majorité des personnes souffrent d’un handicap « invisible » : diabète, asthme, séquelles de cancer… Dans un souci de prévention des risques professionnels, l’IRTS de Montpellier a noué l’an dernier un partenariat avec le service de médecine du travail. « Un médecin rencontre les stagiaires lors d’un entretien confidentiel – qui n’est pas un entretien d’aptitude à l’embauche – au cours duquel ceux-ci exposent leurs parcours, leurs problèmes de santé et leurs activités dans l’établissement d’accueil. Le médecin peut alors proposer des adaptations dans le poste et dans la formation. Il aborde également les questions qui peuvent être posées en entretien d’embauche : ce qu’il a le droit de ne pas dévoiler sur sa santé et au contraire ce qu’il doit dire et la manière de l’énoncer », explique Didier Vinches. Cet entretien a l’intérêt de rassurer les stagiaires et les employeurs.

Les résultats du dispositif parlent d’eux-mêmes. En 2016, à l’issue de la première année, 56 personnes ont bénéficié de la préformation. A la sortie, 54 ont réussi les examens d’entrée dans une formation sociale, dont 37 dans celle qu’elles avaient choisie. On n’a compté que deux abandons au cours de la préqualification.

Six établissements mobilisés

Le dispositif OASIS Handicap est aujourd’hui mis en œuvre dans six centres de formation :

• l’IRTS Ile-de-France Montrouge-Neuilly-sur-Marne (Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis) ;

• l’IMP Marie-Auxiliatrice à Draveil (Essonne) ;

• le CFAS (centre de formation d’apprentis spécialisé) de Languedoc-Roussillon (auparavant porté par l’Ifocas-IRTS Languedoc-Roussillon) ;

• le CRFM (centre régional de formation aux métiers du social) Erasme, en Haute-Garonne ;

• l’IRTS-IDS de Normandie ;

• l’IRTS Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse (Bouches-du-Rhône)(1).

Notes

(1) Association chargée de mettre en œuvre l’accord relatif à l’obligation d’emploi d’au moins 6 % de travailleurs handicapés dans les secteurs sanitaire, social et médico-social privés non lucratifs.

(1) Entré dans le dispositif pour la période 2016-2017 contrairement aux autres déjà présents en 2015-2016. L’Arifts Pays de la Loire a participé au projet en 2015-2016, mais n’a pas reconduit l’expérience.

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