En novembre dernier, dans le cadre de l’annonce du 5e plan de lutte contre les violences faites aux femmes(1), la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes a chargé l’animatrice Flavie Flament, victime de viol pendant son enfance, d’une mission de consensus sur le délai de prescription de l’action publique des crimes sexuels commis sur les mineurs. Coprésidée par Jacques Calmettes, magistrat et ancien président de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, cette mission a rendu ses conclusions à Laurence Rossignol le 10 avril. Ces conclusions constituent « une base de travail […] dont le législateur pourra s’emparer pour leur donner ultérieurement une traduction législative », affirment les deux auteurs en introduction de leur rapport.
La proposition phare de la mission : allonger de 10 ans le délai de prescription des crimes sexuels commis sur les mineurs. Actuellement, ce délai est de 20 ans à compter de la majorité de la victime. Depuis la loi 27 février dernier portant réforme de la prescription en matière pénale – qui a porté le délai de prescription des crimes de droit commun de 10 à 20 ans(2) –, il est identique à celui prévu pour les crimes sexuels commis sur des majeurs(3). Ce, alors que les spécificités des crimes sexuels sur mineurs (phénomène d’emprise de l’auteur sur la victime, amnésie traumatique de cette dernière…) constituent des obstacles à la dénonciation des faits dans le délai et « justifieraient une dérogation », estiment Flavie Flament et Jacques Calmettes. Le rapport préconise donc de faire passer ce délai de prescription à 30 ans, ce qui permettrait aux victimes de porter plainte jusqu’à l’âge de 48 ans (et non plus 38 ans). A l’argument du dépérissement des preuves souvent opposé à l’allongement des délais de prescription, les deux auteurs rétorquent « qu’il n’y a pas de différence significative dans la capacité à prouver les faits 20 ans ou 30 ans après leur commission », surtout avec les nouvelles technologies et les progrès scientifiques de ces dernières années.
Au-delà, la mission de consensus formule une série de recommandations pour améliorer l’accompagnement des victimes, dont la plupart figurent déjà dans le plan de lutte contre les violences faites aux enfants présenté récemment(4). Elle propose notamment d’ouvrir une enquête dès la révélation des faits par la victime même si l’action publique est prescrite. Ou encore de prévoir pour toute victime ayant porté plainte un soutien psychologique avant, pendant et après le procès, quelle qu’en soit l’issue.
(3) Le point de départ du délai est toutefois différent puisque, si 5 la victime est majeure, il part à compter de la commission des faits.