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Lutte contre la pauvreté : les propositions du Conseil d’analyse économique

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Si la crise de 2008 a contribué à faire progresser la pauvreté, le phénomène est loin d’être conjoncturel, constate le Conseil d’analyse économique (CAE) dans deux notes rendues publiques le 4 avril(1), à moins de 20 jours du premier tour de l’élection présidentielle. Quelles politiques publiques pour faire reculer la pauvreté en France ? Les minima sociaux, les aides sociales et les dispositifs d’accompagnement sont-ils efficaces ? Comment lutter contre la « transmission de la pauvreté » ? Pour répondre à ces questions, les auteurs proposent plusieurs pistes, dont la création d’un revenu de base, un concept sur lequel plusieurs autres instances se sont déjà penchées(2).

Instaurer un revenu de base

Si les incitations à la reprise d’un emploi qui existent en France se situent dans la moyenne européenne, elles pourraient néanmoins être améliorées par la fusion du revenu de solidarité active (RSA) et de la prime d’activité en un revenu de base unique sous condition de ressources, estiment les auteurs. L’allocation de solidaritéspécifique serait progressivement intégrée à ce revenu de base, avec l’arrêt de l’ouverture des droits à cette allocation pour les nouveaux demandeurs d’emploi en fin de droits et une limitation à deux ans pour ceux qui sont déjà dans le dispositif.

Le revenu de base serait ensuite modulé en fonction des besoins spécifiques des ménages pauvres (logement, handicap, vieillesse). Ainsi, les auteurs invitent à repenser les allocations logement (AL) comme une aide monétaire directe, déconnectée de la dépense de logement et intégrée au revenu de base sous la forme d’une « majoration logement ». Reverser le budget actuellement utilisé par les AL pour le financement de ce supplément permettrait d’élever le montant moyen du revenu de base par rapport au RSA pour le porter à environ 700 € par mois pour un célibataire vivant en location, expliquent-ils. En outre, le montant de la majoration logement pourrait dépendre de la région d’habitation afin de prendre en compte les variations de coût du logement et inciter la mobilité vers les zones les plus dynamiques en termes d’emploi. Et seuls les locataires y seraient éligibles dans un premier temps, indiquent les auteurs.

Il est aussi recommandé de remplacer l’allocation aux adultes handicapés (AAH) par une « majoration handicap » au revenu de base, qui reproduirait le barème actuel de l’AAH « afin qu’il n’y ait pas de perdant », assurent les auteurs. La majoration serait ajustée afin d’intégrer les deux compléments actuels destinés à favoriser la vie en logement autonome : le complément de ressources pour les personnes très handicapées ne travaillant pas et la majoration pour la vie autonome. Les auteurs proposent aussi de remplacer l’allocation de solidarité aux personnes âgées par une « majoration vieillesse » au revenu de base.

« Pour amortir le risque élevé de pauvreté parmi les 18-24 ans, et parce qu’il n’y a pas de justification éthique à les priver du droit à un minimum social », la CAE suggère d’étendre le revenu de base à ces jeunes quand ils ne vivent pas avec leurs parents, ne leur sont pas rattachés fiscalement et ne sont pas étudiants.

Simplifier les demandes d’aides sociales

« Le système français de lutte contre la pauvreté monétaire est relativement efficace en moyenne, mais avec des défaillances qui restent fortes pour les jeunes et les familles monoparentales », relèvent par ailleurs les auteurs. En effet, « malgré des efforts de simplification déjà entrepris, le paysage des minima sociaux en France est caractérisé par une multitude d’aides gérées par différents organismes sans grande coordination, qui le rend peu lisible pour les personnes auxquelles il s’adresse ». Ainsi, pour réduire le non-recours aux prestations, les auteurs recommandent de s’appuyer sur la dématérialisation en cours – via le portail mesdroitssociaux.gouv.fr(3) – et de mettre en place une déclaration unique valant demande d’allocation en lien avec tous les acteurs potentiels (Pôle emploi, caisses d’allocations familiales, Caisse nationale d’assurance vieillesse, direction générale des finances publiques…). Comme pour la déclaration fiscale actuellement, la déclaration de demande d’aides sociales pourrait être préremplie en utilisant les informations à la disposition des administrations fiscales et sociales. L’objectif ultime est d’approcher le « zéro démarche » en automatisant au maximum le versement des aides. Et ce grâce, notamment, à la « transmission accélérée » des informations sur les revenus permise par la déclaration sociale nominative(4).

Mieux lutter contre l’échec scolaire

« Le bilan des politiques visant à prévenir l’échec scolaire et le décrochage est décevant, regrette le CAE, du fait notamment des effets pervers de l’éducation prioritaire et de méthodes pédagogiques négligeant des facteurs essentiels de la réussite scolaire comme l’estime de soi des élèves. » Pour les auteurs, la réussite scolaire des élèves peut être améliorée grâce, notamment, à une meilleure mixité résidentielle qui, selon eux, est le meilleur moyen de promouvoir la mixité sociale à l’école. Pour les jeunes décrocheurs, les auteurs préconisent la création d’une garantie pour l’apprentissage, notamment en triplant le nombre de places disponibles dans les écoles de la deuxième chance.

Baisser le coût du travail sur les bas salaires

Pour l’ensemble des salariés peu qualifiés, le coût du travail au niveau du SMIC constitue une barrière à l’emploi, notamment dans les services aux personnes et aux entreprises, relèvent les auteurs. En effet, en dépit des allégements déjà instaurés, le coût demeure élevé au niveau des bas salaires. « Les différents dispositifs d’allégements de charges sont inégalement ciblés sur les bas salaires, déplorent-ils. Or c’est à ce niveau que le lien entre le travail et l’emploi est le plus marqué. » C’est pourquoi ils proposent de cibler le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le pacte de responsabilité sur les salaires inférieurs à 1,9 SMIC et de les fusionner avec les allégements généraux de charges.

Repenser les politiques de la ville

Pour le CAE, le bilan des politiques de la ville est décevant. Selon lui, la concentration spatiale de la pauvreté dans certains territoires est l’une des causes de sa persistance car elle accentue les difficultés scolaires des plus jeunes et les difficultés d’accès à l’emploi des adultes. Les auteurs proposent donc de repenser les modalités de l’action publique en faveur de ces quartiers, en ciblant les territoires où le taux de non-emploi est le plus élevé et en réallouant une partie du budget dédié vers l’aide à la mobilité. Ils recommandent en outre de créer un « droit au logement social transférable » d’une commune à l’autre afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires qui envisagent de déménager pour prendre un emploi éloigné de leur lieu de résidence.

Notes

(1) Notes n° 40 (« Mieux lutter contre la pauvreté par des aides monétaires ») et n° 41 (« Prévenir la pauvreté par l’emploi, l’éducation et la mobilité ») – Avril 2017 – Disponibles sur www.cae-eco.fr.

(2) Voir en dernier lieu ASH n° 3003 du 24-03-17, p. 7.

(3) Voir ASH n° 3004 du 31-03-17, p. 15.

(4) Voir ASH n° 2987 du 9-12-16, p. 55.

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