A l’issue d’une réunion interministérielle, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a annoncé le 23 mars la mise en place d’un « dispositif » pour la prise en charge du retour en France des enfants de familles parties s’engager dans les filières djihadistes en Irak et en Syrie. Il a adressé, dans la foulée, une instruction aux préfets, aux recteurs d’académie et aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) pour le leur présenter.
Selon la dernière évaluation des autorités françaises, on estime à près de 750 le nombre de ressortissants ou résidents français présents sur zone de combat en Syrie et en Irak. Même s’il n’y a pas de chiffres précis sur le nombre d’enfants, le Premier ministre évoque « environ 450 mineurs, dont la plupart sont très jeunes » et qui ont été emmenés par leurs parents ou sont nés sur place. « Un faible nombre est d’ores et déjà de retour sur le territoire national » et pris en charge par les conseils départementaux. Et pour Bernard Cazeneuve, « il est probable que d’autres reviendront. » Leurs parents étant placés en garde à vue à leur arrivée en France, les mineurs sont séparés de leur famille.
Or, parce qu’on peut supposer que l’ensemble de ces enfants, quel que soit leur âge, « a évolué dans un climat de violence extrême », le chef du gouvernement souhaite qu’ils puissent bénéficier d’une prise en charge et d’un accompagnement spécifiques, adaptés à leur âge et à leur situation individuelle.
Il convenait également à ses yeux de prévoir, à cette fin, la coordination et l’articulation des dispositifs de droit commun tout en prenant en compte le besoin de formation et d’accompagnement des personnels qui auront à les prendre en charge. C’est le sens de l’instruction adressée aux préfets.
Le Premier ministre y précise notamment les modalités de prise en charge des mineurs de retour en France ou déjà rentrés (intervention des autorités judiciaires, bilan somatique et médico-psychologique, scolarisation), celles des parents, la formation des professionnels chargés de l’accompagnement ainsi que les modalités de coordination du dispositif et de partage des informations.
En résumé, chaque situation sera évaluée par le parquet compétent, dès l’arrivée sur le territoire national ou, s’agissant de familles rentrées en France clandestinement sans qu’une procédure judiciaire ait été ouverte, dès que leur présence sera constatée. Le parquet décidera des poursuites pénales éventuelles et saisira le juge des enfant s pour instaurer toute mesure de protection nécessaire. Dans ce cadre, les conseils départementaux, chefs de file de la protection de l’enfance, seront en première ligne pour les accompagner. Un bilan somatique et médico-psychologique complet du mineur sera par ailleurs réalisé, le plus précocement possible après son arrivée sur le territoire national, en liaison avec le parquet et les services départementaux à qui l’enfant a été confié. Il aura notamment pour objectif de vérifier son état général de santé, de repérer un besoin de soins et d’identifier une éventuelle emprise mentale. L’instruction détaille le rôle des ARS en la matière.
Les préfets seront pour leur part chargés, dans chaque département, de la coordination des services déconcentrés de l’Etat et de l’articulation de leurs interventions avec celles du conseil départemental. Le Premier ministre rappelle au passage les règles en matière de partage d’informations au sein des instances ayant à traiter de la prévention de la radicalisation.
Les professionnels chargés du suivi des enfants seront formés et sensibilisés à leur problématique spécifique. Le pensionnaire de Matignon évoque notamment des actions de formation financées par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance. Mais également l’élaboration prochaine de référentiels de bonnes pratiques par les associations et fédérations nationales têtes de réseaux pour guider les professionnels (psychologues, psychiatres, travailleurs sociaux) dans la prise en charge des situations de jeunes dans un processus de radicalisation, travaux qui pourront « appuyer les acteurs intervenant dans l’accompagnement de ces situations ». Des sessions régionales de sensibilisation, pilotées par les référents des agences régionales de santé chargés de la prévention de la radicalisation, seront par ailleurs organisées par chaque ARS en 2017.