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Pour le guichet social unique »

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Julien Damon. Professeur associé à Sciences Po, conseiller scientifique de l’Ecole nationale supérieure de sécurité sociale

Dans la famille des serpents de mer sur l’évolution de la protection sociale, je demande le guichet unique. Il est de bon ton de hausser les épaules dédaigneusement à sa simple évocation. Il faut dire que l’expression même est dépréciée. En particulier, parce que les guichets uniques (en matière d’emploi, de handicap ou de famille) existent, au moins sur le papier. Ils se sont même multipliés. Mais avoir plusieurs guichets uniques paraît, évidemment, peu logique. Au-delà de l’ironie, le sujet mérite que l’on s’y arrête. La situation commande des améliorations en ce qui concerne l’accueil de gens, qui ne saurait être qu’immatériel, et le service des prestations, qui ne saurait continuer à autant se disperser. Surtout, la révolution numérique et son déluge d’algorithmes et de données permettent de progresser. Le guichet unique pourrait bientôt ne plus relever du mythe.

Tout le monde se perd dans le dédale de la protection sociale et de ses multiples guichets. En réponse, l’idée d’un guichet unique prend pied depuis des années dans le débat spécialisé. Elle a ses incarnations, en France et à l’étranger. La mutualité sociale agricole (MSA) se présente pour ce qu’elle est : un véritable guichet unique assurant le recouvrement des cotisations et le service des prestations pour l’ensemble des branches de sécurité sociale dans le monde agricole. De l’autre côté de l’Atlantique, Service Canada offre aux Canadiens un point d’accès unique à un grand nombre de services et de prestations du gouvernement. En Australie, Centrelink (nouveau nom de la sécurité sociale) fait de même pour les Australiens.

Et en France ? Sommes-nous condamnés à l’éparpillement des guichets ? La solution existe. Elle passe par les systèmes d’information. Plutôt que de s’évertuer à vouloir fusionner des institutions qui rechignent à se rapprocher de peur de disparaître, il faut les faire mieux vivre ensemble, en permettant un point d’entrée unique, qui redirige vers chacune d’entre elles. Les usagers voient leur vie simplifiée. Les institutions continuent d’exister. Avec ce « point d’entrée unique » (que les Anglo-Saxons baptisent « one stop shop »), il s’agit, fondamentalement, d’un site Internet intégrant tous les autres. Un tel guichet unique dématérialisé assurerait une relation de service simplifiée et unifiée à partir de l’ensemble des services en place. Il intégrerait, de la sorte, tous les services qui y sont rattachés, sans nécessairement les remplacer. Avec la puissance des systèmes d’information et un peu de volontarisme, le guichet social unique peut passer de l’incantation à la réalisation.

Puisque les différentes institutions ne peuvent être bouleversées du jour au lendemain, l’idée force est de rendre compatibles, interopérables et interconnectés les systèmes d’information. La complexité doit ainsi être internalisée par la technique. Symétriquement, et toujours en s’appuyant sur les systèmes d’information, il est possible d’externaliser la simplicité, en faveur des usagers. La perspective d’un point d’entrée unique, en matière sociale, apparaît être une cible souhaitable et possible. Le programme « Dites-le nous une fois », développé par l’administration à destination des entreprises, consiste à alléger les tâches administratives en diminuant les sollicitations et en mutualisant les données.

Il y a là un début de coopération et d’intégration que d’autres réalisations et expérimentations incarnent. Il en va ainsi, par exemple, de la mise en œuvre d’un « coffre-fort numérique » contenant, potentiellement, l’ensemble des informations et données sociales individuelles. Il n’y a donc pas forcément, sur ce dossier du guichet social unique, loin de la coupe aux lèvres. Et puisque l’ambition consiste à intégrer l’ensemble des branches, régimes et risques, on peut même avancer un surnom possible pour le projet : il s’agit de l’« agence tous risques ».

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