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Un IME soucieux de pacifier les relations

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Après un diagnostic sur les incidents survenus en son sein, à Amiens, l’IME de la Somme a forgé des outils pour prévenir et mieux gérer les violences verbales et physiques.

Constatant la montée de la violence du fait de l’évolution de ses publics, l’institut médico-éducatif (IME) de la Somme a pris le problème à bras le corps et décidé en 2013 de se restructurer. Un secteur « tradition » est depuis réservé aux enfants très déficients et un secteur « innovation » reçoit ceux qui, peu ou pas déficients, sont repérés pour des troubles du comportement ou psychiques, et sont « très inscrits dans la manipulation et les violences », résume Valérie Buffnoir, chef de ce service. Les premiers étaient, en effet, « à 99 % victimes des seconds, car plus vulnérables », précise Thierry Eteve, le directeur. Aujourd’hui, ils se croisent peu. L’institution s’est aussi attaquée à la question de la promiscuité, a allégé ses groupes et, pour ce faire, a séparé les enfants accueillis en internat et en externat. Depuis, le nombre d’incidents a nettement baissé. Mais la démarche ne s’est pas arrêtée là.

« Ça explose »

En 2014, un comité de pilotage a été instauré pour travailler sur la prévention et le traitement des incidents, permettre aux professionnels de s’exprimer sur leur vécu et leurs attentes et améliorer les pratiques. « Pour établir un diagnostic, j’ai étudié les 400 notes d’incidents rédigées depuis 2010 », explique Valérie Buffnoir. Il est ainsi apparu que les violences verbales représentaient de 40 % à 50 % de l’ensemble, aux côtés des violences physiques, des faits à caractère sexuel, des conduites à risques, des accidents. « Nous avons estimé qu’elles étaient des signaux forts de certaines problématiques. Un processus émotionnel bloque à un moment la pensée. Du coup, ça explose, voire ça se traduit par des agressions physiques », analyse Thierry Eteve. A l’IME, les violences verbales prennent d’abord la forme d’insultes, souvent sexualisées. Pour beaucoup, toutefois, ce vocabulaire appartient à leur langage courant et n’est pas voué à vexer. « Ces insultes gratuites sont une manière banale de s’adresser à l’autre. Je me souviens d’un jeune qui disait « Va te faire enculer ! » juste pour dire bonjour. Sa mère s’adressait à lui de cette façon », témoigne Valérie Buffnoir. Dans d’autres cas, cependant, il s’agit vraiment de blesser. Par exemple avec des insultes racistes, des provocations comme ce « J’espère que ton gamin va crever ! » lancé à une enseignante enceinte. Des menaces sont aussi proférées, ainsi que des discours radicaux qui expriment la volonté de tuer des Français.

Lieu d’expression

En cas d’incident, une note est adressée aux responsables. Un outil de traitement des faits qui permet aussi aux professionnels d’évacuer les tensions auxquelles ils sont soumis et à l’institution de manifester son soutien. « Parfois se pose la question d’un dépôt de plainte par les personnels victimes, l’institution ne pouvant le faire en leur nom. Dans ce cas, nous les accompagnons au commissariat pour montrer qu’ils sont entendus et pas lâchés », insiste-t-elle. Cela réduit aussi le risque que l’éducateur se sente coupable de ce qui lui est arrivé et que le jeune le sente isolé. L’IME veille toutefois à l’équilibre entre le droit et l’expression. « On ne peut s’étonner que la violence s’extériorise, car ces enfants sont porteurs de souffrance, mais il importe de montrer quand la limite a été dépassée », estime le directeur. Quand c’est le cas, le jeune peut être convoqué devant un comité de discipline. « C’est une stratégie pour pouvoir continuer à travailler ensemble. On essaie de ne pas recourir à l’éviction, sinon l’enfant se retrouve sans suivi, souvent dans un milieu peu cadrant », poursuit-il.

Le comité de discipline, c’est ce qui attend Paul. Usant de propos racistes, ce jeune sait dire ce qui va blesser, choquer. « On a beau être professionnel et savoir se distancier, la récurrence fait que c’est usant et que ça fait mal », pointe Valérie Buffnoir. Paul se complaît dans la provocation. Il se moque des autres enfants, les insulte, leur fait des pichenettes, multiplie les comportements énervants et cherche le conflit avec un nouvel arrivant. « Leader positif, celui-ci jouit d’une certaine aura. Cela insupporte Paul, car il empiète sur son territoire. Comme ce dernier ne réagit pas à ses provocations, il s’en prend à un petit ou à un adulte », résume-t-elle. En l’occurrence, Paul a fini par agresser un éducateur tout en l’attaquant méchamment sur son physique.

Pour réinterroger les situations compliquées, les mécanismes en jeu et réactualiser des protocoles, un comité de vigilance des risques psychosociaux a été créé. Des mesures préventives ont par ailleurs été prises : amélioration de l’accueil pour « apporter de la bientraitance, le sentiment d’être attendu, limiter l’agressivité », commente Valérie Buffnoir, attention accrue aux humeurs des jeunes… « Ici, selon ses émotions, sa vie à l’extérieur, un enfant peut à tout moment partir en vrille. S’il va mal, il est inutile d’insister pour lui faire suivre son programme habituel. Mieux vaut avoir un plan B pour le canaliser et garder le lien », assure le directeur. La psychomotricienne de l’IME, Anna Delalande, intervient aussi sur ce plan : « Avec ceux qui souffrent de troubles du comportement, je travaille ce qui a trait au stress, à l’angoisse… et la décharge tonique, afin qu’ils évacuent leur colère, les frustrations engrangées », explique-t-elle. Elle cherche à favoriser l’expression des ressentis. « Leur famille ne leur a jamais demandé comment ils se sentent. Ils ne savent pas mettre des mots sur leurs émotions », observe la psychomotricienne, qui effectue aussi de la relaxation. Chez les professionnels, le besoin de verbaliser leurs émotions et de prendre de la distance peut également s’imposer. Les psychologues et le psychiatre de l’IME s’offrent alors comme une ressource, de même que l’atelier « Faire parler le travail », animé par un philosophe.

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