« Contribuer à améliorer la compréhension des enjeux liés aux politiques migratoires ». C’est l’ambition de la Cimade à travers son « Etat des lieux 2017 » (« Migrations »), dont le premier opus est paru en 2009. Mettant l’accent sur les « conséquences du durcissement incessant des lois et des pratiques administratives » à l’égard des étrangers, l’association entend, en pleine campagne électorale, lancer « un cri d’alerte et un appel à des changements d’orientation ». Elle innove dans sa stratégie pour toucher à la fois les décideurs et l’opinion publique : une opération d’affichage « sauvage » (relayée sur Twitter avec le hashtag #QuandEllesNeTuentPas) a été prévue dans plus de 50 villes de France dans la nuit du 29 au 30 mars, un flash code inséré sur les affiches permettant de télécharger son rapport. Egalement destinataires de ces supports de campagne : les parlementaires français et européens, les élus locaux, les préfets, les membres du gouvernement…
« Faux malades », « faux parents d’enfants français », « faux couples »… La Cimade dénonce les pratiques administratives « fondées sur la suspicion » et le contrôle. Une tendance renforcée, souligne-t-elle, par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, qui a étendu les pouvoirs préfectoraux de contrôle du droit au séjour. Le rapport pointe également l’augmentation du nombre d’assignations à résidence de 2013 à 2016, instrument qui « sert surtout à mettre sous contrainte des personnes qui ne l’étaient pas jusqu’alors », comme les familles déboutées du droit d’asile avec enfants. Elle déplore de nouveau le détournement de la rétention administrative « pour disperser et sanctionner les exilés » et, plus globalement, le durcissement des sanctions – à l’encontre des étrangers – du fait de leur précarité juridique et sociale et de la création de nouveaux délits pour les personnes en situation irrégulière. Sanctions que la Cimade demande de supprimer, tout comme la possibilité pour le préfet de retirer « à tout moment le titre de séjour d’une personne étrangère » et de demander des informations couvertes par le secret professionnel. Elle souhaite également l’abolition de « toutes les formes d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères » où, à défaut, rendre exceptionnel le placement en rétention administrative (entre 45 000 et 50 000 personnes sont concernées chaque année depuis 2013) et l’abrogation des dispositions permettant les interpellations à domicile. Autre revendication : « ne plus subordonner l’octroi des aménagements de peine à la régularité du séjour ».
La loi de 2016 « n’a apporté aucune mesure pour un respect plus effectif de la vie privée et familiale », constate le rapport. « Elle n’a pas non plus remis en question la logique d’instruction catégorisée des demandes de titre de séjour, qui entrave la prise en compte de la situation individuelle dans sa globalité. » Pour y remédier, la Cimade propose de créer un titre unique autorisant à travailler, et d’« abandonner la logique de l’immigration “choisie” pour favoriser un droit au séjour fondé sur le respect des droits fondamentaux ».
L’effort « sans précédent » de création de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile entre 2015 et 2017 (plus de 16 000 places nouvelles), alors qu’ont été créés des centres d’accueil et d’orientation pour héberger les personnes évacuées du bidonville de Calais et des campements parisiens, n’a pas pu empêcher une grave crise de l’accueil des réfugiés. Pour y faire face, « le gouvernement a lancé un appel d’offres pour un nouveau dispositif de 5 131 places. Baptisé Prahda (programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile), ce dispositif vise en fait à faciliter les renvois des demandeurs d’asile placés sous procédure “Dublin”, notamment en les assignant à résidence. Il doit voir le jour en 2017 », indique la Cimade, qui plaide pour un dispositif d’accueil « permettant de respecter la dignité des personnes, quelles que soient leur situation familiale et leur autonomie ». Elle réclame, une nouvelle fois, qu’il soit mis fin à toute forme d’enfermement des mineurs étrangers et que l’expulsion ou le réacheminement de ces enfants non accompagnés vers leur pays d’origine ou de provenance soient interdits. Parmi ses recommandations : « instaurer un dispositif de prise en charge des mineurs isolés étrangers juridiquement contraignant pour les conseils départementaux et sanctionner les départements récalcitrants », sans oublier de créer un dispositif de prise en charge des mineurs isolés en outre-mer.