« Si l’aide aux aidants dans ses multiples modes d’exercice ne devient pas une priorité des pouvoirs publics, il sera alors nécessaire demain d’augmenter de façon conséquente les places d’hébergement en structures d’accueil permanent », prévient la députée (PS) Joëlle Huillier, en préambule de son rapport intitulé « Du baluchonnage québécois au relayage en France : une solution innovante de répit », qu’elle a remis le 22 mars à la secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie, Pascale Boistard(1). Et l’élue de poursuivre : « En effet, les aidants rencontrés qui acceptent de parler de leur souffrance et de leurs difficultés sont unanimes à déclarer qu’ils ne feront jamais subir à leurs enfants ce qu’ils vivent eux-mêmes au quotidien. »
Cette mission, annoncée le 6 novembre dernier à l’occasion de la Journée nationale des aidants, s’inscrit, comme celle confiée au sénateur (PS) Georges Labazée sur la tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile (voir ce numéro, page 6), dans le cadre de la mise en œuvre progressive de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Le « baluchonnage », pratique venue du Québec et que Joëlle Huillier a renommée « relayage », est une formule qui permet d’offrir aux aidants un répit à l’extérieur de leur foyer tout en évitant aux personnes aidées un changement d’environnement. En France, depuis une dizaine d’années, certaines structures d’aide à domicile l’expérimentent déjà(2). L’auteure du rapport en offre une définition détaillée : le relayage, pour offrir un réel bénéfice à l’aidant, doit être d’au moins deux jours et une nuit, soit 36 heures. Il ne vient pas remplacer les services à domicile déjà programmés : le rôle du relayeur se « limite » aux tâches réalisées habituellement par le proche aidant, à l’exception toutefois des éventuels gestes médicaux ou infirmiers. Enfin, le départ de l’aidantdu domicile est une autre condition du relayage.
La rapporteure s’attache également à décrire les différentes étapes d’un relayage. Une préanalyse de la prestation puis l’étape de préintervention permettent, d’abord à distance puis à domicile, de s’assurer que le dispositif est a priori adapté à la personne en perte d’autonomie, à ses attentes, que le domicile peut accueillir le relayeur dans de bonnes conditions (couchage, espace d’intimité pour la nuit…), que le montant estimé de la prestation est acceptable et, partant de là, d’établir un contrat qui définit les tâches à accomplir tout au long du relayage. Après le temps du relayage, qui doit donner lieu à la tenue d’un journal d’accompagnement et, éventuellement, celui du passage de relais entre deux relayeurs, vient le temps de « la postintervention » (le bilan pour l’aidant, les relayeurs et leurs structures d’origine).
Le rapport analyse ensuite ce qui, aujourd’hui, fait obstacle au développement de cette pratique, à commencer par la législation sur le temps de travail qui, sauf cas exceptionnels (convention collective du particulier employeur ou statut de travailleur indépendant), ne permet pas d’envisager l’intervention continue d’un seul relayeur sur une durée d’au moins 36 heures. Les organismes doivent donc organiser la succession de plusieurs intervenants, une contrainte peu supportable pour les personnes en perte d’autonomie souffrant de troubles liés à l’âge ou à la maladie. Le rapport en appelle donc à une « juste adaptation du droit du travail » inspirée de la réglementation des éducateurs familiaux – employés par des associations gestionnaires de villages d’enfants autorisés – et permettant la création d’un régime ad hoc propre aux relayeurs.
Enfin, se pose également la question du modèle économique et du financement. Joëlle Huillier estime qu’il y a trois niveaux de coût de la prestation pour 24 heures, selon le statut sous lequel le relayage est effectué : en moyenne 619 € en mode d’exercice prestataire, 312 € en mode d’exercice mandataire et 110 € en mode d’exercice « volontariat civique ». Les besoins de la personne âgée, les tâches à accomplir… induisent également d’importantes variations de facturation. Les bénéficiaires font appel à diverses sources de financement : allocation personnalisée d’autonomie (APA), aides fiscales, éventuels financements des organismes de sécurité sociale tels que les caisses d’assurance retraite et de santé au travail, mais également l’action locale de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie à travers les conventions signées avec les départements… Toutefois, cela ne suffit pas toujours. Il s’agit donc, pour l’auteure du rapport, de simplifier les démarches et de systématiser les financements, une réflexion et une structuration qu’elle verrait bien confiées localement aux conférences des financeurs. Indépendamment de cela, elle recommande que l’aide au répit destinée au relayage ne soit plus conditionnée à l’APA.
In fine, Joëlle Huillier demande que la prochaine loi de financement de la sécurité sociale crée les conditions d’une expérimentation de ses préconisations dans trois départements ou zones infradépartementales. Un comité national de suivi préalablement constitué de tous les acteurs concernés serait chargé de porter devant le Parlement la disposition permettant cette expérimentation, ainsi que la proposition de création d’un statut spécifique pour les relayeurs. Il désignerait par ailleurs les trois territoires de l’expérimentation. En même temps, trois groupes constitués en son sein travailleraient à l’élaboration des outils nécessaires à la mise en œuvre concrète du relayage (un contrat type, une charte professionnelle et les outils dévaluation).
(1) Rapport disponible sur
(2) Voir notamment notre « Décryptage » paru dans ASH n° 3001 du 10-03-17, p. 20.