Etat de santé physique et mental fragilisé, vie sociale et professionnelle impactée, dépenses de santé supplémentaires… « De par son ampleur et ses conséquences multiples, le renoncement aux soins […] devient un défi qui concerne la collectivité dans son ensemble. » C’est ce qui ressort des différentes expérimentations menées depuis 2013 par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) dans 23 de ses caisses primaires. Afin de prévenir et de lutter contre le renoncement aux soins, elle y a mis en place un dispositif d’accompagnement « sur mesure » ayant pour objectif de « restaurer le continuum entre l’accès à l’information, l’accès aux droits et l’accès aux soins, condition d’une meilleure santé des personnes comme d’une meilleure santé du système de soins ». Au regard des résultats satisfaisants de cette expérimentation, la CNAM a annoncé, le 28 mars, la généralisation progressive de ce dispositif à l’ensemble du territoire. Il s’agit, explique-t-elle, de changer d’approche et d’engager, par une coopération étroite entre les acteurs du tissu local concernés, une « démarche proactive pour aller au-devant des besoins le plus souvent non exprimés » par les assurés en situation de renoncement, qui n’évoquent que rarement leurs difficultés d’accès aux soins. Cette démarche a une triple finalité : identifier les situations à risques à partir d’observations de terrain, concevoir des actions en réponse à ces risques à travers des partenariats internes ou externes adaptés, puis expérimenter et évaluer les effets de ces actions au regard des risques de non-recours, d’incompréhension et de ruptures.
Les études menées en 2016 par l’assurance maladie, en partenariat avec l’Observatoire des non-recours aux droits et aux services, montrent que les personnes concernées par des situations de renoncement représentent plus d’un quart des assurés interrogés dans les différents territoires. Il s’agit majoritairement de femmes et de personnes vivant seules ou en famille monoparentale. Une part importante d’entre elles connaît – ou a connu – une instabilité par rapport à l’emploi ou encore des ruptures parfois successives dans son parcours de vie. Dans la moitié des cas, 50,4 % de ces renoncements durent depuis au moins deux ans.
Selon la CNAM, le renoncement aux soins s’explique par « une sédimentation de raisons qui, cumulées, causent lassitude, découragement et renoncement ». Parmi ces raisons figurent, entre autres :
→ des obstacles financiers, qui constituent, dans trois cas sur quatre, la ou l’une des raisons du renoncement aux soins, et qui recouvrent notamment des restes à charge élevés ou des frais à avancer trop importants ;
→ une méconnaissance des circuits administratifs et médicaux (manque de connaissance de ses droits, complexité des démarches pour obtenir une protection maladie complète et adaptée aux besoins, difficulté de trouver un médecin traitant…) ;
→ des délais parfois trop longs pour obtenir des rendez-vous auprès de certains spécialistes ;
→ un éloignement géographique par rapport à l’offre de soins et/ou des problèmes de mobilité.
Le renoncement aux soins touche particulièrement les soins dentaires, auditifs, ophtalmologiques et optiques, le reste à charge des patients pour ces soins étant plus élevé que la moyenne (à titre d’exemple, le reste à charge des patients pour les soins dentaires est d’environ 25 %, contre 10 % sur l’ensemble des dépenses de santé). Les consultations de spécialistes, voire de généralistes, sont aussi concernées par le phénomène.
Afin d’identifier les situations de renoncement, la CNAM prévoit la constitution d’un réseau de détecteurs en interne et en externe. Ces détecteurs sont des professionnels de terrain formés et chargés d’identifier les situations de difficulté d’accès aux soins, comme :
→ les agents de l’assurance maladie (agents d’accueil, personnels de centres d’examen de santé, travailleurs sociaux…) ;
→ des professionnels des institutions partenaires, des professionnels de santé libéraux ou des personnes issues du secteur associatif.
Une fois identifiés, et sous réserve de leur consentement, les assurés seront approchés par des agents de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui leur proposeront un accompagnement « sur mesure ». Les assurés en difficulté bénéficieront aussi d’un bilan exhaustif de leurs droits pour « disposer d’une vision globale de leur situation administrative et mieux cerner leurs besoins » (droit à la couverture maladie universelle complémentaire [CMU-C], à l’aide au paiement d’une complémentaire santé [ACS]…). L’agent de la CPAM est aussi chargé d’identifier si l’assuré, en tant que bénéficiaire de la CMU-C ou de l’ACS, peut bénéficier d’autres droits sociaux, comme une aide au logement auprès de la caisse d’allocations familiales ou des tarifs réduits auprès des fournisseurs d’énergie.
A l’issue de cette étape, l’assuré bénéficie d’un accompagnement personnalisé qui peut, selon ses besoins, intégrer trois niveaux différents :
→ l’octroi ou l’explication des droits (CMU-C, ACS) ou l’aide au choix d’une complémentaire santé ;
→ l’orientation vers un professionnel de santé correspondant à ses besoins et à ses droits et le suivi dans le système de soins et de santé ;
→ l’accompagnement ou le montage financier, lequel vise, par exemple, à examiner avec lui les devis établis puis à apporter des solutions afin de financer le reste à charge.
Le dispositif de détection et de lutte contre le renoncement aux soins doit progressivement être étendu à compter du 31 mars 2017 pour couvrir l’ensemble du territoire d’ici à la mi-2018. L’assurance maladie prévoit une généralisation en plusieurs étapes :
→ une première vague démarrera le 1er avril 2017 et concernera 22 nouvelles caisses (Lille-Douai, le Calvados, la Seine-et-Marne, l’Aveyron…) ;
→ une deuxième et une troisième vagues, respectivement prévues au deuxième semestre 2017 et au premier semestre 2018, incluront l’ensemble des caisses dans le dispositif.