Dans une décision du 16 mars, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), adoptée définitivement par le Parlement le 16 février dernier(1), tout en formulant deux importantes réserves d’interprétation.
Les requérants à l’origine de la décision avaient contesté la conformité de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, qui prévoit qu’est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une IVG ou ses actes préalables :
soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements de santé, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;
soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières.
Alors que les auteurs de la saisine avaient dénoncé une rédaction « floue et confuse » de la loi, le Conseil constitutionnel a jugé ses dispositionssuffisamment précises au regard du principe de légalité des délits et des peines et de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
Les sages du Palais Royal ont aussi estimé que le législateur, en réprimant les pressions morales et psychologiques, les menaces et les actes d’intimidation exercés à l’encontre des personnes des établissements habilités, des femmes venues y recourir à une IVG ou de leur entourage, ainsi que des personnes venues s’y informer, ne faisait que punir certains abus de laliberté d’expression et de communication, et n’y portaient donc pas atteinte de manière disproportionnée. Selon eux, « le législateur a entendu prévenir des atteintes susceptibles d’être portées au droit de recourir à une IVG », et ainsi garantir la liberté de la femme.
Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé que les peines susceptibles d’être prononcées n’étaient pas manifestement disproportionnées, compte tenu de la nature des comportements réprimés, pour prévenir l’atteinte susceptible d’être portée à la liberté de la femme.
Rappelant que le texte prévoit la répression des pressions morales et psychologiques, menaces et actes d’intimidation exercés à l’encontre de toute personne cherchant à s’informer sur une IVG, quels que soient l’interlocuteur sollicité, le lieu de délivrance de cette information et son support, le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que :
d’une part, ces dispositions peuvent permettre uniquement la répression d’actes ayant pour but d’empêcher ou de tenter d’empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s’informer sur une IVG ou d’y recourir. Selon les sages, la seule diffusion d’informations à destination d’un public indéterminé sur tout support, notamment un site Internet, ne peut donc pas être considérée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d’intimidation ;
→ d’autre part, la constitution du délit d’entrave exige deux conditions :
– il doit s’agir d’informations et non d’opinions,
– ces informations doivent bien porter sur les conditions dans lesquelles une IVG est pratiquée ou sur ses conséquences et doivent être données par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière.
En réaction à ces réserves d’interprétation, la ministre des Droits des femmes a précisé, dans un communiqué, que la loi vise bien les pressions morales et psychologiques exercées pour tenter de dissuader les femmes de recourir à une IVG, et « ne portent nullement atteinte au droit d’exprimer une opinion hostile à l’IVG ». Et s’est félicitée de la légalité « d’une nouvelle avancée dans la défense du droit des femmes à disposer d’informations fiables et sincères sur l’IVG ».