« Quand j’étais enfant, mon père me racontait que lorsqu’il arrivait sur un plateau de cinéma, il allait d’abord saluer les figurants, car c’étaient ceux qui avaient le plus besoin de reconnaissance », confie Dominique Raimbourg, député PS de Loire-Atlantique depuis 2001 et… fils du célèbre acteur Bourvil (André Raimbourg). S’il a embrassé, par choix, une tout autre carrière que celle de son père, ce souvenir d’enfance a marqué son parcours. Après avoir débuté dans le droit de la consommation, le jeune avocat, qui a failli devenir journaliste, s’est spécialisé dans le droit pénal, quittant la région parisienne pour Nantes, où sa femme, psychiatre, avait trouvé un poste. « J’ai eu mon lot de meurtres, de viols et d’assassinats », raconte celui qui a raccroché sa robe noire en 2008 pour se consacrer entièrement à la politique. « Mais c’est une leçon d’humanité très enrichissante, d’où vient sans doute mon intérêt pour les personnes situées à la marge de la société. » Partie civile dans le procès du tueur en série Michel Fourniret ou défenseur d’un ingénieur du Queen Mary 2 (paquebot dont la chute d’une passerelle avait tué 16 personnes en 2003), Dominique Raimbourg a tiré de ces expériences un vif intérêt pour la « justice réparatrice » – des rencontres médiatisées entre coupables et victimes. « La tâche la plus ardue est de faire en sorte que les coupables ne se résument pas à leur acte, précise-t-il. La démarche est la même pour les victimes, dont la vie ne se résume pas à cela. »
Elu pour la première fois en 1989 sur la liste PS de Jean-Marc Ayrault à Nantes, Dominique Raimbourg devient adjoint au maire chargé de la sécurité entre 2001 et 2008. Il participe alors, avec divers partenaires (Médecins du monde, Le Nid, police, préfecture), à la mise en place d’un hébergement d’urgence sécurisé pour les femmes qui souhaitent quitter la prostitution. « Je me souviens du cas spécifique des femmes nigérianes, qui avaient prêté serment auprès d’un groupe de passeurs pour venir en France, raconte-t-il. Si elles ne remboursaient pas leur dette, elles étaient persuadées que la malédiction tomberait sur leurs familles. Pas facile de lutter contre des croyances. » A cette époque, il doit aussi gérer la délicate cohabitation entre le monde de la nuit et les riverains. « Concilier les intérêts de ceux qui veulent faire la fête et de ceux qui veulent dormir n’a rien de facile, commente-t-il. Mais c’est un beau sujet politique que d’essayer de faire vivre ensemble des gens qui ont des façons de vivre différentes. »
L’élu local, qui a échoué à remporter la mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire, près de Nantes, en 2008, en est resté conseiller municipal jusqu’en 2014. Durant cette période, où il était aussi conseiller communautaire, il s’est notamment penché sur le sort des Roms, dont les campements de fortune s’installent ou se déplacent, au gré des expulsions, dans l’agglomération nantaise. Après plusieurs séjours en Europe de l’Est, il plaide pour améliorer à la fois la prise en charge de ces populations sur notre territoire et la coopération avec les gouvernements roumain et bulgare en vue de leur intégration dans leurs pays d’origine.
Président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, il est aussi l’auteur de la proposition de loi conduisant à la suppression du carnet de circulation, instauré en 1969(1). « C’est une avancée, mais nous sommes encore loin du compte pour la pacification des relations entre localités et gens du voyage », concède le député, estimant que « des efforts restent à faire de part et d’autre ». Constatant que la sédentarisation des gens du voyage gagne du terrain, il reconnaît que la construction de nouvelles aires d’accueil ne suffit pas. Pour Christophe Sauvé, vice-président de l’Association nationale des gens du voyage citoyens (ANGVC) et secrétaire général de son antenne en Loire-Atlantique, « c’est un humaniste avec lequel on peut dialoguer, même si on ne partage pas toujours le même avis. Cette bonne volonté lui vient peut-être de son passé d’avocat. Pour autant, ce n’est pas évident d’être fidèle à ses convictions face à l’appareil politique. »
Ce député, convaincu que « ni le bien ni le vrai ne se situent dans un seul camp », est volontiers perçu comme un homme de dialogue. Membre du groupe d’étude parlementaire sur les prisons, il a coécrit en 2013 un rapport sur la surpopulation carcérale avec le député de la 5e circonscription du Nord Sébastien Huyghe (LR). Avant de récidiver avec la publication de l’ouvrage Prison, le choix de la raison (Ed. Economica, 2015), avec Stéphane Jacquot, secrétaire général de l’UMP de 2011 à 2014. « Je suis partisan d’un système où la fin de peine s’effectue à l’extérieur, souligne Dominique Raimbourg, qui a aussi été rapporteur de la réforme pénale portée par Christiane Taubira. Notre société est encore très frileuse à cette idée, mais cela progresse, comme le montre une expérience conduite à la maison d’arrêt de Nantes. » Dans ce quartier de préparation à la sortie, les détenus suivent un programme de six semaines entièrement tourné vers leur réinsertion. « Ils ont la clé de leur cellule et participent à des activités et à des groupes de parole pour recréer une vie sociale rythmée par des horaires. »
Dominique Raimbourg a également rédigé un essai sur l’adolescence – avec son assistant parlementaire, Philippe Quéré, spécialiste de l’insertion des jeunes –, jugeant que les politiques à leur encontre n’étaient pas suffisamment transversales(2). En outre, ce père de deux enfants (désormais trentenaires), qui aura 68 ans en avril prochain, consacre depuis trois ans sa réserve parlementaire à un projet de lutte contre le décrochage scolaire, évalué à sa demande par l’université de Nantes. Mené par les représentants de l’enseignement public et privé de sa circonscription avec une association de chefs d’entreprise, ce projet permet à des collégiens décrocheurs de suivre un programme de remobilisation qui mêle pratique sportive et stages en entreprise. « On se heurte à des situations familiales et sociales très complexes et très dégradées, mais ces élèves reprennent confiance, car ils voient que l’on s’intéresse à eux. »
Devenu président de la commission des lois de l’Assemblée nationale après la nomination de Jean-Jacques Urvoas au ministère de la Justice, Dominique Raimbourg a eu l’occasion de se frotter à des débats nationaux houleux, comme la prolongation de l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. « J’étais soulagé que celle-ci soit abandonnée », avoue celui qui a également « beaucoup regretté la manière dont la loi “travail” avait été mise en place. » Membre d’un groupe parlementaire sur la démocratie participative, il croit aux vertus du numérique pour mieux associer les citoyens aux décisions. Soucieux de revaloriser la place du Parlement, il souhaiterait que l’Elysée « cesse d’arbitrer sur des sujets dont il ne devrait pas se mêler ». « C’est tromper les gens que de faire croire qu’il suffit d’une loi pour résoudre un problème politique », prévient cet adepte du temps long et de la recherche du consensus, qui a mis du temps à ouvrir son compte sur Twitter. « La meilleure loi n’est autre qu’un compromis entre des intérêts différents, résume-t-il. Dans toutes mes fonctions, j’ai toujours eu à cœur de coupler mesures répressives et inclusives. Je porte d’ailleurs beaucoup d’estime aux travailleurs sociaux, qui doivent concilier l’aide directe à la personne et le respect de la règle. »
• 2001 Conseiller communautaire à Nantes métropole, chargé notamment de l’accueil des Roms
• 2001 Député (PS) de la 4e circonscription de Loire-Atlantique
• 2015 Président de la Commission nationale consultative des gens du voyage
• 2017 Référent sur la sécurité pour la campagne de Benoît Hamon
(1) Texte qui a été repris dans la loi « égalité et citoyenneté » adoptée le 22 décembre dernier – Voir ASH n° 2990 du 30-12-16, p. 32.
(2) Publié par la Fondation Jean-Jaurès en 2011 :