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Pilotage du réseau des CAF : la caisse nationale incitée à revoir sa méthode

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Le 15 mars s’est tenue entre la direction de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et les représentants des caisses locales (CAF) un séminaire aux allures de gestion de crise. Objectif : « travailler sur une méthode qui permette de renouer le dialogue », selon le directeur général de la CNAF, Daniel Lenoir, qui a présenté l’exercice comme une première étape et un moyen d’apaiser le conflit ouvert avec les syndicats des personnels de direction et les représentants des caisses depuis un événement qui aurait agi comme un catalyseur de difficultés plus globales : le directeur de la caisse nationale a, le 26 février, décidé de mettre fin aux fonctions du directeur de la CAF du Bas-Rhin, Michel Reyser, pour lui confier une direction de projet, au motif que ce dernier refusait de diffuser la « charte de la laïcité de la branche famille avec ses partenaires » adoptée en septembre 2015.

Les présidents des conseils d’administration des CAF ont, le 6 mars, fustigé cet évincement dans une lettre ouverte à leurs ministres de tutelle, déplorant que le directeur général de la CNAF n’ait « accordé aucun crédit à l’avis pourtant motivé du président du conseil d’administration de la CAF de Strasbourg ». Les signataires ont pointé une décision jugée « révélatrice d’un grave dysfonctionnement dans les relations entre la caisse nationale et les caisses locales », et reproché plus généralement à la caisse nationale de « déposséder les conseils d’administration locaux de leurs prérogatives ».

Climat tendu

La description de ce climat tendu a également été rapportée par les organisations syndicales représentant les personnels de direction des organismes sociaux, conviées à un échange avec le directeur général de la CNAF le 7 mars. L’événement est le révélateur de « tensions apparues progressivement sur certains modes de gestion de points essentiels, comme les effectifs, les nouvelles législations et plus récemment les excédents », explique l’intersyndicale. Daniel Lenoir, qui affirme que les CAF sont « autonomes, mais pas indépendantes », a également perçu dans la réaction du réseau la cristallisation d’incompréhensions avec la direction nationale. Des tensions qu’il attribue à l’absorption massive et rapide de nouvelles réglementations dans la branche famille depuis quatre ans et à la réduction des effectifs dans le cadre de la convention d’objectifs et de moyens passée avec l’Etat, qui se sont traduites par un renforcement du pilotage du réseau, même si celui-ci, insiste-t-il, « ne veut pas dire gestion en direct ». Dans ce contexte de turbulences, « nous n’avons peut-être pas été assez attentifs à la façon de conduire le changement pour les dirigeants », estime Daniel Lenoir.

L’Association des directeurs de CAF (Adircaf), qui fait pour sa part état d’un « réseau en souffrance » et de la réduction des marges de manœuvre des CAF, a réclamé que soient examinées « des pistes d’amélioration du fonctionnement du réseau », et a décidé de boycotter les réunions organisées par la direction de la CNAF. Décision qu’elle a levée après la réunion du 15 mars, estimant qu’elle avait permis de « reposer les éléments nécessaires à un diagnostic partagé » et de prendre acte des dysfonctionnements constatés dans les relations entre la direction de la caisse nationale et les directeurs des caisses locales. Une nouvelle réunion, au cours de laquelle devraient être définis un plan d’actions et une méthode, selon Daniel Lenoir, est prévue pour le 29 mars. « Les directeurs ont indiqué être en attente d’actes significatifs pour aller vers une sortie de crise », pointe néanmoins l’association.

Recours à une mesure controversée

Pour autant, la situation était, après la réunion, loin d’être réglée. Sur la forme, la procédure est contestée. Daniel Lenoir ne considère pas comme une sanction « l’utilisation exceptionnelle » de l’article L. 217-3 du code de la sécurité sociale, tel que prévu depuis 2009, selon lequel le directeur de la caisse nationale, qui nomme les directeurs des organismes locaux, peut mettre fin à leurs fonctions après avoir recueilli l’avis du président du conseil d’administration de l’organisme concerné et sous les garanties, notamment de reclassement. Mais le recours à cet article est une première dans la branche famille, relève l’Adircaf, qui pointe que cette mesure « a été jugée par la Cour des comptes comme juridiquement peu sécurisée ». Ce que défend également Michel Reyser : « J’ai un contrat de travail avec la CAF du Bas-Rhin [signé par son conseil d’administration], il ne peut pas être modifié unilatéralement sans mon accord », conteste-t-il. Il indique avoir introduit, après une sollicitation du directeur général de la CNAF, qui à ce stade avait confirmé sa décision, un recours devant le conseil des prud’hommes pour être rétabli dans ses fonctions.

Les motifs du contentieux sont également sujets à discussion. L’Adircaf a notamment dénoncé une « sanction disproportionnée ». Selon Daniel Lenoir, le directeur de la CAF du Bas-Rhin, dont « les qualités de gestion ne sont pas remises en cause », a manifesté successivement « plusieurs refus d’appliquer les directives nationales de la CNAF », dont celle liée à la charte de la laïcité, « élaborée en étroite concertation avec l’Observatoire de la laïcité » et à laquelle la direction de la CNAF attache, qui plus est, une « portée symbolique dans le contexte qui a suivi les attentats ». A propos de son contenu, justifie Michel Reyser, « j’ai expliqué qu’elle posait un problème dans sa rédaction et aussi parce qu’en la publiant, je la rendais opposable à mes salariés. Or tout aspect lié à la vie au travail doit passer par un règlement intérieur qui doit être soumis préalablement au comité d’entreprise. » Point majeur de la discorde : l’article 6 de la charte prévoit que « nul salarié ne peut notamment se prévaloir de ses convictions pour refuser d’accomplir une tâche ». Un « ses » trop large aux yeux de Michel Reyser, alors que le directeur de la CNAF n’y voit aucune ambiguïté : compte tenu des lignes précédentes, sont très clairement évoquées, selon lui, les seules convictions philosophiques, politiques et religieuses.

Obligation de neutralité

Par ailleurs, considère Michel Reyser, la jurisprudence astreint déjà les personnels des CAF, salariés de droit privé chargés d’une mission de service public, à l’obligation de neutralité. « Je ne conteste pas le pouvoir d’orientation de la CNAF et de diffuser des directives, mais le domaine de la gestion du personnel et de l’obligation des salariés est de la responsabilité du directeur de CAF », plaide-t-il. Quant à la question de l’intégration de la charte dans les conventions de partenariat, « nous avions prévu avec le conseil d’administration qu’elle soit débattue par ce dernier, et ce débat n’a pas eu lieu du fait de la décision du directeur de la CNAF ».

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