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Autisme et emploi : le rapport « Schovanec » lance des pistes pour rattraper le retard de la France

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« En France, le chantier de l’emploi des personnes autistes n’en est de toute évidence qu’à ses premiers balbutiements. » C’est ce qu’indique Josef Schovanec dans un rapport très attendu consacré à l’accès à l’emploi et à l’enseignement supérieur des personnes autistes(1), remis le 16 mars à Ségolène Neuville. Le philosophe et écrivain, atteint lui-même d’une forme d’autisme de type Asperger, avait été missionné en mai 2016, lors de la conférence nationale du handicap, pour « résumer en un rapport les orientations que l’action publique pourrait faire siennes » face à « l’inadmissible retard de la prise en compte de la situation des personnes adultes autistes en France »(2). Dans ses conclusions, Josef Schovanec constate qu’il existe en France de nombreuses entraves au devenir professionnel des personnes autistes (absence de données, représentations négatives de l’autisme, polémiques…). S’inspirant des multiples initiatives locales existantes en la matière ainsi que des modèles fonctionnant à l’étranger, il formule un certain nombre de recommandations destinées à appeler l’Etat, les entreprises, les associations et l’enseignement supérieur à adapter le système français. Focus sur quelques-unes de ces préconisations qui ont pour objectif, selon la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, de « poser les bases d’une société plus ouverte sur l’emploi des personnes autistes » et sont susceptibles d’être intégrées au quatrième plan « autisme » en cours d’élaboration.

Disposer de statistiques

Josef Schovanec recommande, dans un premier temps, de disposer de données statistiques en matière d’autisme et de devenir à l’âge adulte. Il constate en effet que les statistiques relatives aux personnes atteintes de troubles autistiques sont quasi inexistantes, tandis que celles consacrées aux personnes handicapées en général sont « fragmentaires ». Mettre fin à cette carence permettrait, selon lui, de mieux cibler les politiques publiques, mais aussi de rééquilibrer les priorités de dépenses en recherche. L’écrivain ajoute qu’il serait nécessaire de mener desétudes d’échec, à l’exemple des pays anglo-saxons, afin « de ne pas recommencer les erreurs du passé ». Ces études pourraient concerner les échecs de projets généraux et institutionnels mais aussi ceux de personnes autistes.

Diffuser davantage l’information

Autre préconisation : lutter pour une meilleure diffusion des connaissances et des bonnes pratiques. Cette « première des priorités » passerait, notamment, par la diffusion de guides officiels spécialisés, déjà existants en matière d’accès à l’emploi, mais encore absents sur d’autres aspects de la vie adulte tels que les études, et par une base documentaire articulée autour d’un ou plusieurs sites Internet officiels. S’agissant de la diffusion des bonnes pratiques relatives à l’autisme, Josef Schovanec note qu’aucune ne concerne spécifiquement le devenir à l’âge adulte et l’emploi. Il préconise donc qu’un comité ou conseil comptant une représentation forte d’entreprises et de milieux économiques élabore de telles recommandations.

Impliquer Pôle emploi

Selon Josef Schovanec, Pôle emploi est un « service qui aurait dû être aux premières loges » en matière d’initiatives individuelles et collectives en faveur de l’emploi des personnes autistes. Il constate néanmoins qu’il « brille par son absence ». C’est pourquoi il recommande d’établir un contact « autisme » connu de tous les conseillers Pôle emploi. Constitués d’acteurs associatifs, institutionnels et du monde des affaires, ces partenariats pourraient aller au-delà de la simple recherche d’emploi, et porter par exemple sur la création d’entreprises, voire sur des aspects de la vie, tels que la garde d’enfants.

Revoir la procédure d’embauche

« La personne autiste est moins performante qu’une personne non-autiste dans une procédure habituelle de recrutement. » Partant de ce constat, Josef Schovanec préconise de réformer la procédure d’embauche, en misant, par exemple, sur les épreuves techniques et de mise en situation, plus objectives que les entretiens, ou en envisageant des embauches semi-aléatoires, comme le font déjà nombre d’entreprises internationales.

L’écrivain indique, par ailleurs, qu’une personne autiste peut être confrontée à divers obstacles lors de sa période d’essai (difficultés d’adaptation à l’environnement nouveau, faible marge de manœuvre pour adapter la tâche de travail demandée…). Il recommande donc l’élaboration d’un guide de la période d’essai, lequel serait mentionné dans les conventions collectives déterminant la durée de cette dernière. Un tel guide comprendrait plusieurs pistes d’amélioration : une limitation possible de la durée de travail quotidienne, un encadrement plus élaboré par une personne extérieure ou intérieure, des visites préalables avec un apprentissage spécifique des us et coutumes ainsi que des formalités propres à l’entreprise…

Enfin, Josef Schovanec souligne que les efforts doivent être maintenus après l’embauche, notant que l’un des pièges les plus fréquents du recrutement de la personne autiste consiste à considérer, après un temps, « qu’elle ne le serait pas réellement ». Il s’agit, selon lui, de conserver un canal privilégié pour échanger avec elle au sujet de son travail. A ce titre, il s’interroge sur la pertinence du principe de séparation entre le temps de travail et le temps dit « privé ». Séparation qui n’est pas « nécessairement optimale pour les personnes autistes, en particulier celles qui sont les plus isolées, dénuées d’entourage qui les aide et soutienne pour diverses tâches du quotidien ». Josef Schovanec propose donc que soient signées à l’embauche des conventions qui engagent la responsabilité de l’employeur par rapport à un certain nombre de points, par exemple l’aide à la recherche d’un logement.

Adapter l’enseignement supérieur

Constatant qu’il existe un décalage « entre, d’une part, la quasi-absence de mesures ou de prise en compte formelle de l’autisme et, d’autre part, le nombre d’enseignants, chercheurs ou responsables concernés par le sujet, par exemple par la présence d’une personne autiste dans leur entourage », Josef Schovanec préconise de former les personnels des missions « handicap » au sens large, les principaux animateurs des bureaux des études et les enseignants dans les disciplines accueillant traditionnellement davantage de personnes autistes, telles que l’informatique. Outre ces formations, le philosophe propose qu’une réflexion sur les outils techniques ou les adaptations lors des cours soit menée par un comité représentatif afin de proposer des aménagements plus pertinents que le simple « tiers temps » dans le cas de handicaps non standard ou invisibles. S’inspirant des expériences internationales, Josef Schovanec propose la mise en place d’outils permettant, notamment, de suivre un cours en différé ou à distance, depuis des microphones ou avec des robots de téléprésence. En outre, une formule adaptée à l’enseignement supérieur des auxiliaires de vie scolaire pourrait être envisagée afin de veiller, par exemple, à l’inscription à la bibliothèque de l’étudiant porteur d’autisme, à ses repas et à ses trajets.

Autres mesures recommandées : dispenser auprès des étudiants une formation théorique générale au handicap et leur proposer de jouer un rôle privilégié dans l’inclusion des étudiants autistes. Les étudiants volontaires entretiendraient un lien particulier avec la personne autiste et auraient auprès d’elle le rôle de référents, tant sur des sujets ayant trait aux savoirs enseignés que sur des aspects sociaux plus généraux.

Josef Schovanec recommande enfin la création de cursus spécifiques, « sous des formes nouvelles de transmission du savoir ». En ligne de mire : l’enseignement à distance, qui « pourrait jouer un rôle bien plus significatif pour les étudiants autistes que ce n’est actuellement le cas », et les initiatives de certaines écoles privées dédiées à l’enseignement de l’informatique, auxquelles il faudrait donner un cadre permettant de viser la fondation d’un réseau d’établissements répartis sur le territoire et allant au-delà du seul domaine informatique.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.social-sante.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2962 du 27-05-16, p. 5.

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