Une représentativité « médiocre et érodée », un contrôle insuffisant de l’objet familial des associations adhérentes, une omniprésence « mal maîtrisée » et un financement public « privilégié et très insuffisamment contrôlé ». C’est en ces termes très critiques que la Cour des comptes fait part aux ministres de l’Economie et des Familles, dans un référé rendu public le 14 mars(1), des résultats de son contrôle sur les comptes et la gestion de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et d’un échantillon de 11 des unions départementales des associations familiales (UDAF) qu’elle fédère. Si la juridiction financière a déjà contrôlé l’UNAF à plusieurs reprises, c’était la première fois qu’elle se penchait sur les UDAF, avec pour objectif d’avoir « une vue plus précise et plus complète de leur rôle et de leur fonctionnement et d’apprécier les modalités de pilotage du réseau qu’elles constituent sous l’égide de l’union nationale », explique le Premier président de la Cour des comptes. Selon Didier Migaud, les « constats graves » relevés par cette dernière sont de nature à remettre en cause la légitimité de l’institution familiale et de ses prérogatives. Ils doivent donc « amener sans délai les pouvoirs publics à refonder complètement le dispositif ». La cour formule quatre recommandations en ce sens, lesquelles ont fait l’objet, le 3 mars, d’observations conjointes de Michel Sapin et de Laurence Rossignol. Les ministres y exposent des pistes d’amélioration afin de mettre fin aux défaillances du système de représentation des intérêts familiaux.
La Cour des comptes recommande, dans un premier temps, de clarifier précisément les critères d’adhésion à l’UNAF et aux UDAF. Elle observe que les unions départementales acceptent généralement l’adhésion d’associations dont l’activité n’est pas, comme le dispose le code de l’action sociale et des familles, la défense des intérêts matériels et moraux des familles mais la prestation de services (haltes garderies, crèches…). Or la juridiction financière juge cette interprétation contestable, puisque ces actions sont « fort éloignées de l’objet essentiel de défense des intérêts ». Elle préconise donc d’interdire explicitement l’adhésion à l’UNAF et aux UDAF d’associations dont l’activité relève majoritairement du champ de la prestation de services. Objectif : « fonder plus légitimement leurs interventions et les financements publics dont elles bénéficient ».
En réponse à ces observations, Michel Sapin et Laurence Rossignol indiquent que la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) projette de constituer un groupe de travail conjoint Etat-UNAF qui vise à déterminer les critères permettant de reconnaître le caractère familial d’une association, et ainsi d’éviter la reconnaissance du statut d’association familiale à une structure qui délivre une prestation de services.
Notant que l’objet familial des associations et leur composition ne sont pas suffisamment contrôlés, la juridiction financière préconise le renforcement des pouvoirs de contrôle des unions nationale et départementales sur leurs membres afin de vérifier le respect des conditions d’adhésion préalablement définies. La Cour des comptes observe en effet que les vérifications opérées par la commission de contrôle siégeant dans chaque UDAF sont « souvent superficielles », tout comme celles de la commission de contrôle nationale de l’UNAF. Cette situation est de nature, selon elle, à « jeter un doute important sur la fiabilité des effectifs annoncés », et, ainsi, sur les suffrages familiaux de l’assemblée générale des unions.
Autre recommandation : confier à l’UNAF la compétence de chef de file du réseau des UDAF. La juridiction financière estime que l’Union nationale des associations familiales ne possède qu’un « simple rôle d’animation, ce qui l’amène à rester en deçà de ses responsabilités ». Elle dénonce une compétence d’agrément sans contrôle effectif, une « mise en retrait quasi complète » du pilotage et du contrôle des UDAF et une tutelle défaillante de l’union nationale. Ce défaut d’encadrement et de contrôle de la gestion des unions départementales constitue, selon la Cour des comptes, un enjeu majeur pour les familles puisqu’il peut être générateur de « risques inacceptables de la part de toute association mais plus encore de la part d’institutions ». Elle propose donc de reconnaître à l’UNAF la faculté de :
→ retirer son agrément aux UDAF, notamment en cas de non-respect des statuts-types ;
→ procéder au contrôle de l’ensemble de leur gestion ;
→ leur adresser des instructions pour mettre en œuvre une politique coordonnée et mutualisée sur l’ensemble de leurs activités.
Dans leur réponse, les ministres indiquent que la DGCS entend mener une expertise juridique relative, entre autres, aux marges de manœuvres juridiques et de contrôle de l’UNAF vis-à-vis des UDAF.
La Cour des comptes propose, par ailleurs, de préciser le champ d’action de l’UNAF, qu’elle juge trop élargi. « La légitimité de [sa] présence et son apport ne sont pas toujours avérés », notamment au sein du conseil d’administration du Fonds de garantie des assurances obligatoires. Cette « présence foisonnante et mal maîtrisée » a pour corollaire une absence de stratégie et d’objectifs précisément définis, note l’instance.
Selon Michel Sapin et Laurence Rossignol, la convention d’objectifs conclue le 15 juin 2016 entre l’Etat et l’UNAF pour la période 2016-2020, « véritable outil de politique publique », permettrait de répondre à cette faille. Se présentant sous la forme de fiches types auxquelles sont joints des indicateurs de résultat, la convention est articulée autour d’objectifs clairs et délimités permettant d’assigner de véritables actions prioritaires à l’UNAF.
La Cour des comptes propose enfin de supprimer le Fonds spécial attribué à l’UNAF et aux UDAF, pour moitié de manière automatique, pour moitié de façon discrétionnaire par l’Etat. Les magistrats de la rue Cambon estiment, d’une part, que le financement automatique des unions contribue à une aisance financière de certaines d’entre elles « sans corrélation avec l’activité réelle et les besoins » et, d’autre part, que le financement discrétionnaire de l’Etat est « attribué sans véritable logique d’objectifs » et est « très peu encadré », alors même que le contexte général est celui d’une réduction des dépenses. La suppression du Fonds spécial laisserait place à des dotations de fonctionnement déterminées sur la base d’un dialogue de gestion entre les pouvoirs publics et les unions. Dialogue qui aurait pour objectif de baisser les dépenses tout en améliorant l’adéquation entre les besoins de financement et l’activité du réseau, dans le cadre de conventions pluriannuels d’objectifs et de moyens.
Michel Sapin et Laurence Rossignol estiment, quant à eux, « qu’il appartiendra à la prochaine législature d’examiner les préconisations de la Cour » relatives à la suppression du Fonds spécial, une telle réforme nécessitant d’importantes modifications législatives et réglementaires.
(1) Référé disponible sur