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« Une volonté de cohérence et de simplification »

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« Nombre d’acteurs de l’action médico-sociale cherchent des réponses opérationnelles à une préoccupation d’ensemble : comment rendre les organisations de ce secteur à la fois plus efficientes, plus cohérentes, plus lisibles et plus simples ? En effet, les évolutions actuelles se présentent souvent comme de nouvelles exigences administratives, des surcharges de travail, bref, de la complexité supplémentaire, alors que nous avons tant besoin d’une plus grande rationalisation.

Les enjeux sont les suivants :

→ comment produire et faire vivre des outils partagés d’évaluation des situations et des besoins des populations bénéficiaires, ainsi qu’une méthodologie commune de suivi des parcours et des projets entre les divers professionnels en évitant la compilation en millefeuille ?

→ comment faire évoluer encore davantage le rôle des coordinateurs de parcours et de projets en les transformant en véritables pilotes de l’accompagnement des personnes en situation de handicap ? Et comment articuler leur action avec celle de la maison départementale des personnes handicapées ?

→ comment introduire une continuité cohérente et lisible entre l’accompagnement des projets et des parcours des personnes bénéficiaires, l’organisation des processus et actes professionnels et un mode de tarification ?

→ comment articuler les préoccupations de la puissance publique, celles des opérateurs – le plus souvent associatifs – et celles des bénéficiaires et de leurs groupements représentatifs ?

Dans les faits, de l’aveu même de nombreux dirigeants d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux (ESMS), le projet de vie et le projet d’accompagnement personnalisé ne parviennent pas toujours à constituer une « boussole commune » pour l’ensemble des intervenants, et le parcours est encore une notion trop exogène ; l’organisation des dispositifs propres à chaque champ disciplinaire prend encore souvent le pas sur les parcours et les projets des personnes bénéficiaires.

Ces constats expliquent pourquoi les organisations sociales et médico-sociales disposent souvent d’une myriade d’outils qui se superposent, se télescopent, et ne sont, de surcroît, pas forcément compatibles avec ceux proposés par l’administration. De même que les projets personnalisés informatisés prévoient, dans la plupart des cas, des rubriques qui ne sont pas en lien direct avec les prestations énoncées dans le contrat de séjour, elles-mêmes étant dissociées des actes professionnels réellement réalisés, voire encore différentes de la nomenclature du rapport d’activité…

Bref, il est impératif de simplifier, c’est-à-dire de retrouver une ligne de continuité et de cohérence, aussi bien sémantique, pratique qu’économique, entre les projets de vie et les attentes des personnes, les parcours souhaités, les compétences des bénéficiaires que l’on cherche à faire progresser, les réponses que l’on peut leur apporter, les ressources nécessaires, l’organisation et le management adaptés, et enfin une tarification précise et lisible.

Le très pertinent rapport « Vachey-Jeannet » de 2012(2) – qui visait deux objectifs : l’adaptation de l’offre aux besoins des personnes, d’une part, les voies et moyens pour entreprendre une réforme du financement du secteur, d’autre part – a parfaitement mis en évidence ces principaux obstacles à la rationalisation, à savoir :

→ que les sources de connaissance des situations de handicap et de leurs évolutions sont insuffisantes ;

→ qu’il n’existe pas d’outils d’évaluation des situations de handicap traduites en besoins d’accompagnement en ESMS ;

→ que la programmation des créations de places n’est pas dictée, du côté des financeurs, par une objectivation des besoins sur un territoire donné ;

→ qu’il n’existe pas de lien objectivé entre le niveau de financement d’un ESMS et le degré d’autonomie des personnes accueillies ;

→ que les modes de catégorisation des ESMS sont des obstacles à la continuité des prises en charge.

Le rapport “Piveteau”(3) laboure le même sillon en montrant la contradiction patente entre logique de place et logique de parcours et en affirmant que “les moyens supplémentaires ne doivent plus simplement financer des ’places’ mais doivent aller vers des ’réponses territoriales’ de qualité”. En effet, raisonner en matière de parcours signifie abandonner la logique de filière pour prioriser des réponses souples et modulables capables de s’adapter aux variations situationnelles et préférentielles du cheminement de la personne : modification de son état de santé, de ses capacités fonctionnelles, changement de sa situation économique, changement relationnel, modification de son projet, de son mode de vie ou de son environnement. La condition étant “d’accroître la variété de l’offre de services plutôt que son volume”(4).

Le protocole d’accord passé entre l’Assemblée des départements de France (ADF) et les grandes fédérations du secteur du handicap, entériné par la Caisse nationale de solidarité active le 23 avril 2013, dresse le même constat : “On observe aussi fréquemment que l’orientation est déterminée par l’offre existante sur le territoire, alors qu’elle devrait l’être uniquement par les attentes et les besoins des personnes.”

Cette dissociation avérée entre besoins et prestations/réponses, nous l’évoquons pour notre part depuis deux décennies : “Dans une logique de service, le projet doit être structuré à partir des prestations de service offertes par l’établissement, sur la base des besoins et attentes de chacun des bénéficiaires, pour déboucher sur des réponses opérationnelles. […] La démarche-projet sous-entend une cohérence entre un recueil d’informations pertinentes, des prises de décision, une mise en œuvre et des critères d’évaluation déterminés”(5).

La rationalisation et la “réingénierie” nécessaires sont enfin en marche… Tel est l’objet des travaux de l’équipe Serafin-PH et du Groupe technique national chargé de proposer une réforme de la tarification médico-sociale(6). Ils ont produit des nomenclatures de besoins et de prestations, qui vont permettre enfin l’adoption d’un répertoire commun et grandement faciliter le travail des acteurs. Celles-ci devraient déboucher à terme sur un mode de tarification plus pertinent et plus adapté à la notion de parcours, autorisant une plus grande souplesse et une modularité des budgets des opérateurs.

Ces nomenclatures, validées en janvier 2016 par le secrétariat d’Etat, s’appuient sur la CIF (classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé) et sont compatibles avec le GEVA (guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées). La nomenclature des besoins est découpée en trois champs : “Santé, autonomie et participation sociale”. La nomenclature des prestations est subdivisée en deux grands blocs : les prestations délivrées directement aux bénéficiaires en réponse aux besoins (où l’on retrouve les trois champs précités) et les prestations dites “indirectes” comme la logistique, la comptabilité, le management…(7).

Avec Serafin-PH, les besoins et les prestations sont enfin mis face à face au sein de nomenclatures uniques et l’on peut raisonner selon une logique d’écarts (c’est-à-dire d’ajustement de l’offre et de la demande). On pourra alors savoir ce que la puissance publique finance véritablement : des places ou des moyennes statistiques ou des réponses précises à des besoins précis ? On pourra également savoir ce que l’on cherche à évaluer et à qualifier : la bonne adéquation ou non de réponses à des attentes.

Il est indispensable que cette volonté de recentrage, de transversalité, de cohérence et de simplification se poursuive au sein même des organisations médico-sociales. Il s’agit là d’un challenge pour les opérateurs, leurs managers et leurs professionnels de proximité. Concrètement, il est capital d’actualiser les projets de structures à l’aune de ces nomenclatures. Les dirigeants et leurs professionnels pourront ainsi :

1. dresser une cartographie des besoins des personnes accueillies par leur structure ;

2. établir une cartographie des prestations que leur structure délivre effectivement et la comparer avec celle qu’elle devrait réaliser en fonction des besoins recueillis et de leur éventuelle évolution… Le delta existant devra réinterroger sérieusement le projet d’établissement ou de dispositif.

La recherche d’adéquation entre les besoins et les réponses (prestations) s’inscrit plus largement dans un changement global de paradigme – la logique de parcours – et impacte nécessairement le positionnement d’un établissement, d’un service ou d’un dispositif, ainsi que son management, son organisation, ses compétences et ses fonctions, en premier lieu celles des cadres. En somme, une réforme musclée sous des cheveux d’ange… »

Notes

(1) Et respectivement président et président d’honneur du think tank Parcours & innovations – parcours.innovations@gmail.com.

(2) Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 11.

(4) Comme le soulignent Marie-Aline Bloch et Léonie Hénaut dans Coordination et parcours. La dynamique du monde sanitaire, social et médico-social – Dunod, 2015.

(5) Jean-René Loubat – « Pour une personnalisation des prestations dans les établissements » – Lien social n° 649, 2003.

(6) Il a validé son programme de travail pour 2017 – Voir ASH n° 3000 du 3-03-17, p. 19.

(7) Pour plus de précisions, voir www.cnsa.fr/documentation/nomenclatures_serafinph_detaillees_mars_16.pdf.

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