Globalement décentralisateurs, bien que pour certains favorables à la suppression d’échelons territoriaux, défenseurs des compétences départementales, même pour ceux qui souhaitent réduire leurs dotations, le tout sur fond de promesse de dialogue renforcé entre l’Etat et les collectivités. Six candidats à l’élection présidentielle – Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), représenté par Pierre-Yves Collombat, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), François Fillon (Les Républicains), Emmanuel Macron (En marche !), Marine Le Pen (Front national), représentée par David Rachline, et Benoît Hamon (PS) – ont été, le 8 mars, invités par l’Assemblée des départements de France (ADF) à s’exprimer sur « leur vision des territoires ». L’association d’élus souhaitait particulièrement les entendre sur ses positions formulées dans un texte commun, fruit d’un consensus entre toutes ses sensibilités politiques. Dans cette plateforme de 36 propositions, l’ADF appelle à « un nouveau pacte territorial » affirmant « le rôle central du département comme chef de file des solidarités humaines et territoriales et comme garant des équilibres territoriaux sur tout le territoire ». Elle demande la transparence des moyens délégués par l’Etat aux collectivités, qui passerait par une loi de financement des collectivités locales, la garantie du maintien aux départements des moyens nécessaires pour exercer leurs missions, la refondation « de notre système de solidarité dans une perspective juste et équilibrée pour les bénéficiaires », la stabilisation du paysage institutionnel et « la prise en charge par l’Etat des conséquences financières pour les départements de l’accueil croissant des mineurs non accompagnés ».
En matière de politiques de solidarité, l’organisation propose de « fusionner les dix minima sociaux différents en deux prestations, l’une pour favoriser l’insertion professionnelle, l’autre pour permettre la solidarité envers les publics fragiles » et de constituer une « équipe emploi » à l’échelle de chaque département. Elle appelle aussi à donner une « plus grande responsabilité financière aux collectivités », à fiscaliser les aides sociales, à plafonner l’ensemble des aides et allocations par foyer fiscal à partir d’un certain seuil et à systématiser la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Rien, en revanche, sur le financement des allocations de solidarité, sur lequel les départements de droite et de gauche se divisent, si ce n’est qu’ils en appellent à la solidarité nationale. Les candidats ont eux-mêmes assez peu développé le sujet, davantage concentrés sur les questions d’organisation territoriale.
Le sénateur Pierre-Yves Collombat (Parti de gauche) a été le premier à passer ce grand oral à l’Assemblée nationale, devant quelque 300 élus départementaux. La réorientation des priorités budgétaires de l’Etat est un objectif majeur du candidat Mélenchon, a-t-il affirmé, fustigeant sans détour la dégradation des relations financières entre l’Etat et les collectivités : « Le département est devenu le service social de l’Etat, chargé d’assurer les fins de mois. » Tout en appelant à « rétablir le couple commune-département », en opposition à l’émergence des grandes agglomérations découlant de la loi NOTRe, le représentant de La France insoumise a insisté sur la nécessité de redonner aux départements « les moyens légaux et financiers » d’assurer leur mission de cohésion sociale et territoriale.
Sans concession non plus sur « 20 ans de politique de décentralisation brouillonne », Nicolas Dupont-Aignan veut supprimer les conseils régionaux pour accroître les compétences départementales, notamment dans le champ économique, possibilité que l’ADF envisage, mais dans le cadre d’une convention avec les régions. Les départements seraient pourtant invités à fusionner s’ils sont « volontaires », l’objectif du candidat de Debout la France étant de limiter à 60 ou 70 le nombre de départements. A ses yeux, la « réduction de la confusion du mille-feuille territorial » permettrait de redonner des marges de manœuvre aux « départements adultes et renforcés », qui eux-mêmes seraient amenés à réduire leurs dépenses sociales. Ses pistes : l’obligation d’une journée de travail par semaine pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et celle pour les étrangers d’attendre cinq ans avant de percevoir des aides.
Egalement remontée contre la loi NOTRe, la candidate du Front national – qui signerait « des deux mains la charte des départements », selon son porte-parole –partage avec Nicolas Dupont-Aignan la volonté de ne conserver que trois niveaux de compétences : l’Etat, les communes et les départements, ces derniers étant destinés à recevoir les prérogatives régionales. « Pas de mission sans moyens », a affirmé David Rachline, souscrivant à l’idée d’une loi de financement des collectivités locales. Mais à elles aussi de participer au plan d’économies voulu par le Front national, en misant sur un « plan antifraude » et une politique « assumée du principe de la priorité nationale ».
François Fillon, lui, affiche la volonté de « faire vivre la décentralisation » et promet « un pacte entre l’Etat et les territoires dès le début du quinquennat », tout en annonçant une baisse « à un rythme acceptable et négocié » des dotations aux collectivités. Pour un montant qu’il évalue à 7,5 milliards d’euros sur cinq ans, « une baisse moindre que durant ce quinquennat ». En contrepartie, l’Etat s’engagerait à alléger le poids des normes – une volonté exprimée par les départements – et à ne pas leur transférer de dépenses supplémentaires. François Fillon a confirmé par ailleurs son souhait de supprimer 500 000 emplois publics et d’allonger le temps de travail des fonctionnaires. Les départements seraient les gestionnaires de l’allocation unique voulue par le candidat LR.
Emmanuel Macron promet également un « pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités », qui devraient supporter un effort d’économies de 10 milliards sur cinq ans, tous échelons confondus. La baisse des dotations est également dans sa ligne de mire, mais dans « une stratégie construite » avec les départements, l’évaluation des engagements pris devant faire l’objet d’une « conférence des territoires chaque semestre autour du Premier ministre ». Le candidat d’En marche !, qui souhaite aussi la réduction d’un quart du nombre des départements d’ici à 2022 « dans une logique de projets de territoire », et aussi « délier les collectivités de l’obligation de suivre l’évolution des rémunérations de la fonction publique d’Etat », s’est clairement prononcé en faveur de la recentralisation du financement des allocations de solidarité. Les discussions entre l’Etat et les départements sur le sujet avaient échoué au printemps dernier.
Le candidat PS, Benoît Hamon, qui a clos le débat, annonce également « une feuille de route entre l’Etat et les collectivités avant la fin de 2017 » et la détermination d’un cadrage financier inscrit dans une loi de financement des collectivités locales. A l’instar d’Emmanuel Macron, il approuve l’idée d’une recentralisation du financement des allocations de solidarité, mais dans le cadre de la création du revenu universel, dont il a remanié les contours. « Le revenu universel ne coûtera pas 300 milliards d’euros, mais dix fois moins », a-t-il rétorqué face aux critiques. Au 1er janvier 2018, le RSA, revalorisé à 600 €, serait versé à toutes les personnes éligibles selon les règles actuelles, ainsi qu’aux moins de 25 ans. Et il serait « intégré sur la fiche de salaire des travailleurs qui touchent jusqu’à 1,9 SMIC ». « Je suis favorable à un nouvel acte de la décentralisation », a pointé le candidat PS, évoquant son idée de « service public universel » à travers la « coopération des acteurs privés à but non lucratif et les acteurs publics ». L’Etat et l’assurance maladie devraient en revanche, selon ses annonces, abonder les moyens accordés à la prise en charge des personnes âgées.