A la demande conjointe du ministère du Travail et de l’Emploi et du ministère de l’Economie, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF) ont mené une évaluation des entreprises adaptées, à la fois comme dispositif d’aide à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et comme acteurs économiques. Leur rapport de septembre 2016, qui vient seulement d’être rendu public(1), comprend un volet « performance sociale » dans lequel l’IGAS et l’IGF dénoncent, entre autres, un accès imparfait aux entreprises adaptées, un accompagnement socioprofessionnel des salariés handicapés insuffisant et la quasi-absence de mobilité externe vers l’emploi dit « classique », alors que celle-ci constitue l’un des objectifs du secteur adapté. Focus sur quelques-unes des propositions formulées par la mission pour « consolider l’efficacité sociale » du dispositif tout en lui donnant une « définition claire et univoque ».
Face à un taux de féminisation médian de 36 % dans les entreprises adaptées, l’IGAS et l’IGF préconisent aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’encourager la mixité des personnes embauchées lors de la création ou du développement d’entreprises adaptées. Objectif : mettre fin au profil type du salarié d’entreprise adaptée (un homme, proche de la cinquantaine, très peu qualifié et présent dans l’entreprise depuis plus de cinq ans). Constatant, par ailleurs, que le secteur adapté est traditionnellement perçu comme plus masculin, les inspections recommandent de sensibiliser Pôle emploi et le réseau des Cap emploi aux limitations d’accès aux entreprises adaptées pour les travailleuses handicapées.
Les inspections estiment, par ailleurs, que le processus d’orientation et de placement des travailleurs handicapés vers les entreprises adaptées est perfectible. Elles invitent donc la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie à rappeler aux maisons départementales des personnes handicapées qu’elles ne sont pas compétentes pour orienter les travailleurs handicapés vers les entreprises adaptées. L’IGAS et l’IGF relèvent en effet que certaines commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) accompagnent leur orientation « marché du travail » d’une préconisation « entreprise adaptée ». Préconisation qui peut conduire à des recrutements inadaptés ou, au contraire, à écarter des personnes qui auraient dû pouvoir bénéficier d’un emploi en entreprise adaptée. Les inspections préconisent aussi d’expertiser le processus de reconnaissance mis en œuvre par les CDAPH chargées de délivrer la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Selon elles, il faut s’assurer que l’octroi de la RQTH s’effectue sur le fondement de « critères objectifs et uniformes sur le territoire », afin de garantir l’adéquation du public recruté avec les objectifs assignés aux entreprises adaptées.
La performance sociale du secteur est contrastée « quant à l’accompagnement socioprofessionnel attendu des entreprises adaptées et à leur mission d’insertion vers l’entreprise classique », déplorent également les inspections. En ligne de mire : les disparités importantes entre les entreprises adaptées s’agissant de l’encadrement, de l’effort de formation et de l’accompagnement social et professionnel des travailleurs handicapés. Disparités « révélatrices de l’absence de grille de lecture partagée de l’étendue des responsabilités des entreprises adaptées », estiment l’IGAS et l’IGF. Ces dernières recommandent ainsi de définir :
→ un socle minimal d’actions devant être mises en place par les entreprises adaptées dans le cadre d’un accompagnement spécifique des travailleurs handicapés, telles que l’élaboration d’un parcours formalisé de développement adapté à chacun, la mise en place de programmes de formation ou encore la réalisation d’un bilan de compétences ;
→ des indicateurs pour évaluer la fonction d’accompagnement social et professionnel des entreprises adaptées (proportion de salariés handicapés ayant obtenu une qualification certifiée ou un diplôme au cours de l’année, taux d’absentéisme, taux de sortie en contrat de plus de six mois chez un employeur classique…).
Enfin, l’IGAS et l’IGF estiment nécessaire de clarifier dans la loi la vocation des entreprises adaptées à accompagner leurs salariés handicapés vers une mobilité externe. Elles constatent en effet qu’il existe une ambiguïté quant à la mission qui leur est confiée, « entre inclusion durable et tremplin vers le monde extérieur, qui alimente des divergences dans les orientations portées » par les entreprises adaptées. Une grande majorité d’entre elles « se vivent comme des lieux d’emploi durable et non comme des tremplins vers le monde extérieur », relève le rapport. Il existe, en outre, de nombreux autres freins à la mobilité externe des salariés handicapés (échec d’insertion ou de maintien, opportunités d’embauche limitées, réticences des employeurs classiques à recruter une personne en situation de handicap…). L’accompagnement des travailleurs handicapés vers le monde du travail classique doit donc être placé par la loi « au cœur du projet » des entreprises adaptées. Pour encourager la fonction de conseil en mobilité des entreprises adaptées, les inspections préconisent qu’elles puissent recourir à l’expertise des Cap emploi en matière d’accompagnement et de placement. Cette expertise s’appuierait sur le dispositif du conseil en évolution professionnelle, qui serait, de ce fait, ouvert aux salariés handicapés candidats à une mobilité externe(2).
(1) Rapport disponible sur
(2) Sur le conseil en évolution professionnelle, voir notamment ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 37.