Conformément au plan d’action en faveur du travail social et du développement social de 2015(1), le Haut Conseil du travail social (HCTS) a, lors de son assemblée du 22 septembre 2016, confié à Manuel Pélissié, membre de l’instance et également président de la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale, le mandat d’élaborer une définition du travail social. C’est chose faite puisque, le 23 février dernier, l’instance a adopté son rapport, que les ASH se sont procuré(2). Avec cette définition du travail social, le HCTS entend ainsi participer à la détermination d’un socle commun de connaissances, de compétences et de pratiques partagé par les diplômes en travail social(3). Le gouvernement s’était engagé à inscrire cette définition dans le code de l’action sociale et des familles. Toutefois, en raison de la suspension des travaux parlementaires en vue des élections présidentielle et législatives(4), il appartiendra à la prochaine équipe gouvernementale de se saisir ou non de cette question.
Le groupe de travail emmené par Manuel Pélissié explicite tout d’abord sa méthode. Il s’est ainsi basé sur la définition internationale du travail social adoptée en 2000 par la Fédération internationale des travailleurs sociaux, puis a procédé à un « travail de repérage et d’analyse de tous les mots qui lui semblaient poser question, [a] repér [é] et class [é], en trois catégories, ce qui lui convenait, ce qui pouvait faire débat et ce qui manquait dans cette définition ». Ces modalités, poursuit-il, ont ainsi « structuré le travail d’appropriation des problématiques par le groupe et de mutualisation des expertises et connaissances pour aboutir à une transposition travaillée collectivement [allant au-delà de la simple traduction], de façon collaborative et dépassant les représentations personnelles que chacun avait de la définition internationale ».
Le groupe de travail propose donc la définition suivante du travail social, qu’il espère simple et lisible afin qu’elle soit accessible au plus grand nombre : « Le travail social est un ensemble de pratiques professionnelles qui s’inscrit dans un champ pluridisciplinaire et interdisciplinaire. Il s’appuie sur des principes éthiques et déontologiques, sur des savoirs universitaires en sciences sociales et humaines, sur les savoirs pratiques et théoriques des professionnels du travail social et les savoirs issus de l’expérience des personnes concernées, dans un processus de co-construction. Il se fonde sur la relation à l’autre, dans sa singularité et le respect de sa dignité. Il vise à permettre l’accès effectif de tous à l’ensemble des droits fondamentaux et à assurer la place de chacun dans la cité. Le travail social s’inscrit historiquement dans les valeurs républicaines, le respect des droits de l’Homme et du citoyen et la Constitution. Les principes de solidarité, de justice sociale, de laïcité, de responsabilité collective, et le respect des différences, des diversités, de l’altérité sont au cœur du travail social. Dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation citoyenne, le travail social contribue à promouvoir, par des approches individuelles et collectives, la transformation sociale, le développement social, la cohésion de la société. Il participe au développement du pouvoir d’agir des personnes et des groupes dans leur environnement. En cohérence avec la définition internationale, et défini au niveau national, le travail social se décline sur les territoires dans le respect des principes généraux énoncés. »
Cette définition s’inscrit donc bien dans la continuité de la définition internationale du travail social et « non dans une exception par rapport à cette démarche de transposition », insiste le groupe de travail, qui explicite par ailleurs quelques-unes de ses formulations. Par exemple, beaucoup se sont interrogés sur les notions de « discipline » ou de « discipline académique » employées dans la définition internationale. Le groupe de travail a donc opté pour une « position médiane entre la position qui l’a emporté au niveau international […], à savoir l’affirmation d’une discipline propre au travail social, et les éléments qui étaient ressortis des débats français, notamment lors de la conférence de consensus [sur le travail social et la recherche en novembre de 2012], et qui porte sur le champ interdisciplinaire » (voir aussi notre « Décryptage », page 26). En outre, ses membres ont sciemment utilisé les termes « les professionnels du travail social » afin de souligner que le travail social regroupe des professionnels de différents métiers, chacun « créateur de savoirs et de connaissances ». S’ils ont enfin mentionné dans la définition un certain nombre de principes et de valeurs sur lesquels le travail social doit se fonder, les auteurs du rapport ont toutefois hésité à faire référence au principe de laïcité « en regard des problématiques contextualisées ». Ils ont finalement choisi de l’y inscrire, estimant que « valeurs et principes ne se confondent pas totalement, les uns n’incluant pas les autres ». Toutefois, ils invitent instamment le Haut Conseil du travail social à se prononcer clairement à ce sujet.
Au regard des enjeux qui sous-tendent cette définition, le groupe de travail devrait poursuivre ses travaux dans les prochaines semaines en vue d’y apporter des commentaires.
(2) Au final, c’est le projet de rapport présenté à la commission permanente du HCTS et daté du 9 février qui a été adopté tel quel le 23 février.
(3) Sur les travaux de la CPC en la matière, voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 53.
(4) Les travaux en séance plénière de l’Assemblée nationale et du Sénat reprendront à compter du 27 juin prochain.