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« 24 % des Ultramarins résident dans des quartiers prioritaires »

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Depuis la réforme de 2015 de la géographie prioritaire de la politique de la ville, les départements et collectivités d’outre-mer comptent 218 quartiers prioritaires. Quelles populations regroupent-ils et leurs difficultés sont-elles très différentes de celles des quartiers de la métropole ? Les réponses d’Helga Mondésir, géomaticienne(1), qui a cosigné une étude sur le sujet.
Quelle est la part des quartiers prioritaires dans les outre-mer ?

Pour mémoire, les territoires ultramarins concernés par la politique de la ville sont les cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) – Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte – ainsi que deux collectivités, Saint-Martin et la Polynésie française. Il existe 218 quartiers prioritaires dans les outre-mer, contre 1 296 en France métropolitaine. Il n’est toutefois pas très pertinent de comparer ces deux chiffres car les quartiers ont des tailles différentes. Il est préférable de considérer la population y résidant. Au total, ces territoires comptent environ 2,4 millions d’habitants, dont 24 % résident dans les quartiers prioritaires (soit 579 000 habitants), avec des différences assez nettes entre eux. Par comparaison, dans l’Hexagone, on compte 4,8 millions d’habitants dans ces quartiers, soit environ 7 % de la population.

Qu’est-ce qui a changé avec la réforme de la politique de la ville ?

Avant 2015, on comptait en France près de 2 500 quartiers. L’objectif de la réforme a été de resserrer cette géographie de façon à concentrer l’action publique sur les quartiers les plus pauvres. Le nombre d’habitants concernés est donc moins important. Dans les outre-mer, précédemment, on dénombrait environ 330 quartiers où, selon nos estimations, résidaient 700 000 habitants. Pour prendre l’exemple de la Polynésie française, où il s’agit de zones de petite taille, on comptait auparavant 179 quartiers, contre 76 aujourd’hui.

Quels sont les critères retenus pour déterminer les quartiers prioritaires dans les outre-mer ?

En amont de la réforme, un groupe de travail avait été chargé d’identifier les problématiques spécifiques rencontrées dans ces territoires et d’identifier les sources statistiques. A la suite de quoi, il a été décidé d’adapter la méthode pour les outre-mer, notamment parce que les données disponibles diffèrent selon les territoires. En Martinique et à La Réunion, seuls territoires ultramarins où la source des « revenus fiscaux localisés » de l’INSEE est disponible, la méthode utilisée est celle mise en place dans l’Hexagone : le carroyage, qui consiste à identifier des concentrations de population à bas revenus. Pour tous les autres territoires, ont dû être utilisés des indicateurs statistiques allant du taux de chômage au nombre de familles monoparentales, en passant par la qualité de l’habitat.

Les départements et collectivités ultramarins connaissent-ils tous la même évolution démographique ?

Elle diffère au contraire notablement. On trouve d’abord des territoires marqués par une augmentation soutenue de leur population : la Guyane, qui enregistre un solde positif de 2,3 % entre 2009 et 2016, et Mayotte, qui connaît un accroissement de sa population de 2,6 % sur la période 2007-2012. De son côté, la population de La Réunion est en légère progression, avec une hausse de 0,6 % entre 2009 et 2016. Quant à la Martinique et la Guadeloupe, sur la même période, elles perdent des habitants – respectivement – 0,7 % et – 0,2 %.

Quelle y est la part des jeunes ?

Globalement plus importante qu’en métropole (2). En Guadeloupe, par exemple, les moins de 20 ans représentent 31 % de la population de ces quartiers. Ce chiffre grimpe à 37 % à Saint-Martin, à 45 % en Guyane et à 55 % à Mayotte. A titre de comparaison, dans les unités urbaines de l’Hexagone concernées par les quartiers – c’est-à-dire une zone plus large que le quartier proprement dit –, la part des jeunes de moins de 20 ans est de 24 %. Pour la Martinique et La Réunion, concernant les jeunes de moins de 14 ans, ils représentent respectivement 20 % et 27 %. La Martinique est donc le seul territoire où la part des jeunes en quartier est moins importante que celle dans l’Hexagone (24 %).

Les difficultés que connaissent ces quartiers sont-elles les mêmes qu’en métropole ?

Pratiquement les mêmes, mais de manière plus prononcée : une surreprésentation du nombre de familles monoparentales, une population plus jeune que la moyenne et un fort taux de chômage. La question de l’habitat reste l’un des sujets qui différencie les outre-mer de la métropole. En effet, par endroits, on note la présence d’un habitat spontané indigne ou insalubre. C’est le cas à Mayotte, où le nombre de logements ne disposant pas de l’eau courante, non équipés en électricité, et la présence d’habitations de fortune figurent parmi les indicateurs utilisés pour déterminer les quartiers. Ces problématiques se posent aussi en Guyane et en Polynésie française, mais dans de moindres proportions.

Qu’en est-il des chiffres du chômage dans ces quartiers ?

Les difficultés sont particulièrement fortes chez les jeunes Ultramarins. Elles le sont encore plus dans les quartiers prioritaires. La question du chômage et de l’inactivité y est omniprésente. Quand on cumule les deux, on arrive à des taux très importants. A Mayotte, 71 % des 15-64 ans sont sans emploi, et ce chiffre est de 70 % en Guadeloupe. Il existe là aussi des spécificités. En général, on observe une différence entre le taux d’activité des hommes et celui des femmes, au profit des premiers. Or, en Guadeloupe, le taux d’activité des hommes et des femmes est presque identique dans les quartiers (environ 66 %), alors que dans les communes hors quartiers, il est de 71 % pour les hommes et de 68 % pour les femmes.

Sur la formation, quelles différences relève-t-on entre les outre-mer et la métropole ?

La question de la formation des jeunes en outre-mer a fait l’objet de publications, notamment sur la Guyane. Les quartiers prioritaires sont identifiés à partir des critères de précarité socio-économiques, et on voit bien que les difficultés sont corrélées : familles monoparentales, problèmes d’emploi, difficultés scolaires… Ainsi, le taux de scolarisation des 18-25 ans, notamment en Guadeloupe, à Saint-Martin et en Guyane, est très largement inférieur à celui des jeunes de l’Hexagone. En métropole, dans les unités urbaines concernées, 52 % des 18-25 ans sont scolarisés. C’est le cas de 43 % des jeunes en Guadeloupe, de 22 % à Saint-Martin et de 38 % en Guyane.

Ces quartiers accueillent-ils de nombreux ressortissants étrangers ?

Dans les quartiers prioritaires métropolitains, on observe une surreprésentation des ressortissants étrangers. Dans ceux d’outre-mer, la même tendance existe mais de façon variable. En Guadeloupe, les personnes de nationalité étrangère représentent 4,6 % de la population des communes urbaines hors quartiers et 8,6 % au sein des quartiers prioritaires, soit un taux similaire à celui des unités urbaines en France métropolitaine concernées par un quartier. En Guyane comme à Saint-Martin, le pourcentage d’étrangers s’élève à 20 % dans les communes urbaines hors quartiers et à 38 % dans les quartiers. Ces deux territoires, avec Mayotte, sont néanmoins ceux des outre-mer qui accueillent la part la plus importante de ressortissants étrangers.

Comment s’appliquent en outre-mer les contrats de ville et les CPER(3) ?

Les contrats de ville sont signés selon les mêmes termes que dans l’Hexagone, avec trois piliers : cohésion sociale ; cadre de vie et renouvellement urbain ; développement de l’activité économique et de l’emploi. Pour la période 2015-2020, ont été signés 45 contrats de ville dans les outre-mer et 390 en métropole. La différence réside au niveau de la gouvernance de ces contrats. En métropole, ils sont signés au niveau intercommunal, sauf dans les communes isolées. Dans les outre-mer, la quasi-totalité est signée à l’échelle communale, même si l’intercommunalité est souvent également engagée. Enfin, pour les CPER 2015-2020, les thématiques ont été adaptées aux spécificités des territoires ultramarins, afin de répondre notamment aux besoins en infrastructures et services collectifs de base (eau, déchets…) et de réduire la vulnérabilité aux risques naturels.

Propos recueillis par Jérôme Vachon

Repères

La géomaticienne Helga Mondésir est chargée de mission au Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). Avec Eric Lenoir, elle a rédigé « Les quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les outre-mer » (« En bref » n° 21, CGET, juin 2016).

Notes

(1) La géomatique (contraction de « géographie » et d’« informatique ») regroupe les outils et méthodes permettant de collecter, d’analyser et d’intégrer des données géographiques.

(2) En l’absence de données sociodémographiques sur de nombreux quartiers prioritaires, les chiffres présentés ici sont pour l’essentiel des estimations (source « recensement de la population aux mailles infracommunales »).

(3) Contrats de plan Etat-région.

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