Le jour où elle tombe sur un forum de discussion sur les « Asperger », Marguerite est soulagée. Serait-elle tout simplement autiste ? Enfin, elle peut donner une cause à ses angoisses, ses maladresses, sa fatigue intense, son hyperacousie, son incapacité à interagir avec ses collègues, à comprendre les blagues de ses amis, à prendre des initiatives. Car Marguerite, 27 ans, souffre depuis qu’elle est petite d’une « différence invisible » qui la tient à l’écart de « ce qu’on fait dans la vraie vie », comme lui dit son petit ami Florian. Dès lors, elle va se documenter sur ce handicap, consulter des spécialistes et enfin être orientée vers le centre de ressources autisme pour confirmer, ou pas, le diagnostic. Celui-ci lui redonne le sourire : « C’est normal que je sois “anormale”… C’est génial », lance-t-elle en trinquant à sa nouvelle vie d’autiste. La situation se corse quand elle doit l’annoncer à son entourage : son médecin généraliste n’est pas compréhensif, ses amis la taquinent, son copain la quitte. Quant à sa directrice des ressources humaines, à qui elle demande un aménagement de son poste de travail, elle ne lui est d’aucun secours.
C’est un parcours tout aussi chaotique qu’a connu Lou Lubie et qu’elle retrace dans Goupil ou face, une bande dessinée dont l’écriture a été supervisée par une psychologue clinicienne. Dès l’adolescence, « une petite chose noire lui suçait son bonheur ». Elle prend des antidépresseurs, consulte des psychiatres, se fait hospitaliser. A 19 ans, elle sort la tête de l’eau et se lance dans une ribambelle de projets créatifs quelque peu démesurés : création de jeux vidéo, lancement d’un blog et d’une campagne de financement… Jusqu’à ce que le « renard sauvage » revienne accaparer son cerveau. « Les angoisses frappaient et me laissaient en miettes », décrit-elle. Une thérapeute cognitivo-comportementaliste lui suggère qu’elle souffre d’un trouble de l’humeur. Il lui faudra consulter des dizaines de spécialistes pour trouver le bon médecin et le bon traitement pour vivre avec sa cyclothymie (une forme de bipolarité modérée).
Goupil ou face et La différence invisible sont deux bandes dessinées de vulgarisation scientifique qui se nourrissent de l’expérience personnelle de leurs auteurs. Ni l’un ni l’autre ne sont anxiogènes : malgré la gravité des symptômes, le ton comme les traits de plume employés sont simples et énergiques. Les deux ouvrages, à la fois intelligents et ludiques, bousculent chacun à leur manière pas mal de clichés autour de ces troubles méconnus et mal diagnostiqués.
La différence invisible
Mademoiselle Caroline et Julie Dachez – Ed. Delcourt – 22,95 €
Goupil ou face
Lou Lubie – Ed. Vraoum ! – 15 € – Plus d’infos sur la BD et la cyclothymie sur