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Inquiétudes sur la mise en cause de la spécificité des RASED

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Déjà malmenés et même un temps sérieusement menacés, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) font l’objet d’une étude très critique(1) diffusée par l’institut de recherche sur l’éducation, sociologie et économie de l’éducation (IREDU) de l’université de Bourgogne-Franche-Comté, dont les résultats n’ont pas manqué de faire réagir les organisations qui représentent les professionnels du dispositif.

Le document prend le soin de préciser que l’objectif de la diffusion des travaux de l’IREDU, qui « n’engagent que leurs auteurs » et « peuvent ensuite donner lieu à des publications dans des revues scientifiques », est de « stimuler le débat et d’appeler commentaires et critiques ». Dans ce cas précis, il s’agissait « d’essayer d’évaluer l’effet du passage en RASED sur la réussite scolaire », et plus spécifiquement d’apprécier l’incidence d’un passage dans ce dispositif en CP sur le redoublement et sur la réussite aux évaluations nationales en CE2. Il ressort de cette analyse, fondée sur l’étude de 10 000 élèves entrés en CP en 1997, « un certain flou dans les critères d’orientation au sein des RASED : ce ne sont pas toujours les élèves en plus grande difficulté scolaire et comportementale qui bénéficient de ce dispositif ». Ainsi, expliquent les auteurs, « seulement 40 % des élèves présentant de grandes difficultés scolaires et comportementales bénéficient du RASED, alors que respectivement 11,4 % et 3,9 % des élèves présentant peu et aucune difficulté particulière en bénéficient ». Ils identifient plusieurs facteurs déterminants dans l’accès au dispositif, dont les caractéristiques sociodémographiques de l’enfant, et considèrent que, « de manière générale, ces résultats interrogent sur un effet d’offre, d’autant qu’il apparaît que les académies ne semblent pas dotées de la même manière ».

Au-delà, ils relèvent « un effet négatif du passage en RASED sur la réussite scolaire des élèves », puisqu’« à caractéristiques comparables, les élèves ayant bénéficié du RASED en CP ont une probabilité plus forte de redoubler leur CP et obtiennent des résultats significativement plus faibles aux évaluations de CE2 par rapport aux élèves non passés par ce dispositif, surtout en mathématiques ». Selon eux, « l’effet du passage en RASED diffère également selon le niveau initial de l’élève ». Le fait d’avoir bénéficié du dispositif « a un impact d’autant plus négatif si l’élève présente initialement moins de difficultés scolaires et comportementales. En revanche, l’effet paraît neutre pour les élèves jugés les plus en difficulté ». Des résultats qui, selon eux, confortent notamment l’« effet d’étiquetage » que subiraient les élèves. Les auteurs soulignent les limites de leur étude, qui ne s’est pas penchée sur l’évolution des RASED ces dernières années, la diversité de leur mode de fonctionnement, et leurs effets sur le comportement ou le savoir-être de l’élève. Mais ils estiment qu’elle a le mérite de « questionner » l’efficacité du dispositif et sa difficulté à cibler les élèves « les plus faibles ». « Nous pouvons penser qu’un recentrage des moyens de ce dispositif sur ces derniers pourrait apparaître plus pertinent, même si, évidemment, cela pose des problèmes de répartition territoriale » et de moyens, notent-ils. Pour conclure que « d’autres programmes permettant un travail avec l’ensemble de la classe, mais adapté aux difficultés des élèves, semblent à privilégier ».

Autant de conclusions contestées par les membres du Collectif national RASED, dont la Fédération nationale des associations des rééducateurs de l’Education nationale (Fnaren). Cette dernière les considère comme « une nouvelle étude menée à charge » contre le dispositif, avec à ses yeux plusieurs biais de fond et de méthode. Dans une analyse critique du document, la fédération pointe « une définition erronée de la difficulté d’adaptation scolaire », qui ne retient que le niveau de performance, et l’abstraction faite de « la dimension préventive de l’aide ». Elle explique que « la prise en charge d’un élève par le RASED, qui fait suite le plus souvent à une demande d’aide de l’enseignant de la classe, nécessite une analyse beaucoup plus complexe d’une difficulté, qui ne peut s’objectiver d’une telle manière ». Le RASED s’adresse « aux enfants qui ne parviennent pas à se saisir des aides qui leur sont apportées en classe, mais certains élèves en difficulté bénéficient heureusement des aides qui leur sont apportées par le maître de la classe, de la différenciation, d’un dispositif pédagogique tel que le “plus de maîtres”, d’autres profitent avec succès de la présence d’une AVS [auxiliaire de vie scolaire] ou encore d’une aide extérieure à l’école », précise l’analyse de la fédération.

Les organisations représentant les RASED ne contestent pas l’objectif d’évaluation, mais l’approche retenue, et indiquent par ailleurs que d’autres études contredisent les constats de celle de l’IREDU. Outre qu’elle s’appuie sur des données anciennes,cette dernière « ne prend pas en compte les différentes prises en charge par le RASED », souligne Fanny Apfeldorfer, membre du bureau national de la Fnaren. Elle rappelle que l’intervention comprend, selon les besoins de l’enfant, une aide spécialisée à dominante pédagogique, rééducative, ainsi qu’un suivi psychologique. La focalisation de l’étude sur les compétences scolaires est d’autant plus inquiétante qu’une « circulaire du 16 février réformant la formation des enseignants spécialisés[2] diminue son volume horaire, institue un tronc commun et porte à 52 heures les modules consacrés aux spécialisations », juge Fanny Apfeldorfer.

Alors que les missions des RASED ont été confirmées en 2014(3), les professionnels redoutent une remise en cause de la spécificité du dispositif. Sans oublier que les réseaux ont perdu plus de 4 600 postes d’enseignants spécialisés et de psychologues scolaires en dix ans (de 14 929 en 2006 à 10 254 en 2016), avec de profondes disparités territoriales. Les postes de rééducateurs ont subi la plus grosse diminution et seuls les postes de psychologues ont augmenté, d’environ « 3,7 %, ce qui s’explique par l’évolution de leurs tâches et par le recours de plus en plus fréquent aux orientations des MDPH [maisons départementales des personnes handicapées] », notait la Fnaren dans un document de septembre dernier. « Depuis le printemps 2012, les vagues de suppressions massives se sont arrêtées, mais aujourd’hui le renforcement des RASED tel que l’a promis le gouvernement et tel que le prévoit la loi de refondation du 8 juillet 2013 peine à se traduire en actes sur le terrain. » Dans un courrier adressé au défenseur des droits le 15 novembre, la fédération estimait à « 250 000 les élèves ne pouvant plus bénéficier de l’aide de ce dispositif ».

Le 7 février devant les recteurs, la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a affiché sa volonté pour la rentrée 2017 : « Là où les RASED sont incomplets, je vous demande de recréer des postes », a-t-elle demandé. « Chiche ! », a répondu le Collectif national RASED dans un communiqué du 24 février, soulignant que l’apport des réseaux sera « d’autant plus efficace que leurs moyens seront restaurés et abondés à la hauteur des besoins ».

Notes

(1) « Quels effets du passage en RASED sur le parcours scolaire des élèves ? » – Les documents de travail de l’IREDU – Claire Bonnard, Jean-François Giret, Céline Sauvageot – IREDU, université de Bourgogne-Franche-Comté – Février 2017.

(2) Création du certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive (CAPPEI) – Voir ASH n° 2998 du 17-02-17, p. 35 et ce numéro, p. 53.

(3) Voir ASH n° 2873 du 5-09-14, p. 36.

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